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V6 BUSSO ALFA ROMEO "ARESE"

v6 alfa romeo arese busso
© L'AUTOMOBILE SPORTIVE (01/01/1970)

V6 ARESE, L'ALFA ET L'OMEGA

Au même titre que les 6 en ligne BMW ou Flat6 Porsche, le V6 Alfa est un des 6 cylindres les plus renommés du monde de l’automobile. Reconnaissable entre mille, ses talents de chanteur en ont fait un des chouchous des amoureux de belle mécanique. Pourtant, par rapport aux deux autres moteurs cités, il n’a jamais été un champion des rendements ni des puissances spectaculaires. Insuffisant pour être vacciné contre le virus Alfa. Cela mérite bien une piqûre de rappel…

Texte : Maxime JOLY - Photos : D.R.

Voilà plusieurs années que le V6 Alfa est mort. Le deuil aurait dû être fait et les alfistes auraient dû passer à autre chose. Au V6 Holden, par exemple, monté dans les 159 et Brera / Spider. Non, malgré l’intervention des motoristes italiens sur le haut moteur, ce moteur manquait de charme. Au moins, il avait six pistons. Aujourd’hui, le groupe Fiat ne juge pas utile de proposer mieux que le récent 1750 TBI dans les trois modèles haut de gamme au Biscionne, modèles à présent disparus des chaînes d’assemblage. Il ne reste donc plus que la Mito QV et la Giulietta QV pour perpétuer le Cuore Sportive. C’est au Quadrifoglio Verde qu’incombe la lourde tâche de maintenir d’actualité l’étiquette sportive de la marque milanaise. Enfin, ce qu’il en reste…

LES V6 AVANT L’ARRIVEE D’ALFA ROMEO

6c 2300Le 6 cylindres en V n’a pas toujours été une architecture mécanique appréciée des motoristes. Beaucoup lui ont longtemps préféré l’alignement des cylindres et, d’autres tels que BMW et Volvo, sont restés sur leur position. D’ailleurs, Alfa Romeo était un grand spécialiste du 6 cylindres en ligne. Voie laissée de côté par Vittorio Jano, c’est à lui, sous la tutelle de Gianni Lancia, que l’on doit le premier V6, sorti en 1950 sur l’Aurelia. Sept ans plus tard, l’italien passé chez Ferrari, présenta le V6 Dino sur les Fiat Dino Coupé et Ferrari-Dino 206 GT. Baptisé en l’honneur du fils d’Enzo Ferrari, il connut sa plus grande gloire sous le capot de la Lancia Stratos. En 1968, les allemands de Ford présentèrent à leur tour un V6. Le Cologne, pour le nom de l’usine où il est assemblé. Lui aussi connut une carrière hors norme, y compris aux Etats-Unis grâce aux Mustang et, dans un tout autre registre, chez les anglais de TVR. Ces V6 présentaient un angle d’ouverture de 60°. En 1970, Giulio Alfieri, motoriste attitré de Maserati, reçut l’ordre de Citroën, alors propriétaire de la firme de Modène, de proposer un V6. Le but est d’en équiper le futur haut de gamme de la marque aux chevrons, Sa Majesté la SM. Il reprit une ancienne base de V8 et supprima deux cylindres pour obtenir un V6, à la particularité d’être ouvert à 90° comme le huit cylindres. Par voie de conséquence, ce moteur équipa également une Maserati : la Merak. Une fois débarrassé de Citroën, Maserati n’en resta pas là et conçut un autre V6 à 90° pour la Biturbo. Les français allaient refaire parler d’eux, et encore avec un V6 basé sur un V8. Il s’agit, vous vous en doutez sûrement, du PRV (Peugeot-Renault-Volvo), présenté en 1974. Ce moteur fut mis à toutes les sauces. Dans les berlines, y compris la Lancia Thema, mais aussi dans les sportives, d'abord sur l'Alpine A310 V6 puis les V6 turbo, mais aussi chez Venturi. Il fut même immortalisé au cinéma grâce à la fameuse DeLorean DMC-12 de Retour Vers le Futur…

 

LES DEBUTS DU V6 ALFA

v6 alfetta gtvAprès plusieurs années de mise au point, c’est au cours de l’année 1979 que le V6 Alfa Romeo fut lancé sur une cylindrée de 2.5L. Giuseppe Busso en porte la paternité. Pour se faire une idée sur le CV du Monsieur, il travailla sur le V12 de la Ferrari 125S. Avec lui, Bizzarrini, Colombo, Jano ou bien encore Alfieri, l’Italie disposait à cette époque des meilleurs motoristes… Un peu après son aventure chez Ferrari, Busso retourna chez Alfa où il participa à la conception du mythique « double arbre » 4 cylindres. Sorti à la fin des années 50, sa déclinaison la plus emblématique est le 1750 cm3. Son V6 alu était moins élabordé avec un seul arbre à came en tête. Toutefois, il garda en mémoire son travail sur le TwinCam en lui chipant l’architecture de sa chambre de combustion. Avec ses cotes supercarrées dues à un alésage de 88mm et une course de 68.3mm, le V6 disposait de 12 larges soupapes. La culasse, la pompe à huile et les soupapes d’échappements étaient remplies de sodium afin d’éviter au maximum toute surchauffe. De plus, les frictions internes étaient limitées grâce à une rotation réduite du moteur. La sortie du V6 coïncida avec celle de la berline haut de gamme Alfa 6. Il se distinguait par une alimentation extrêmement complexe à six carburateurs (un par cylindre) ! D’ordinaire, ce genre de « joyeuserie » était réservée aux V12 Lamborghini et Ferrari car il réclame des réglages pointus des carbus. Malheureusement, s’agissant de carburateurs simple corps, la puissance spécifique ne pouvait pas rivaliser avec celle de ses homologues transalpins et culmina à 158 ch pour un couple de 224 Nm pour. Une version injection fut testée, sans suite pour le moment…

 

LES AUTRES DECLINAISONS

v6 alfetta gtvFinalement, l’injection arriva plus tôt que prévu. Dès 1980 précisément, pour l’Alfetta GTV et c’est dans ce coupé que le V6 Alfa acquis ses lettres de noblesse. L’injection électronique Bosch L-Jetronic disposait d’un allumage électronique du type breakerless à correcteur d’avance pneumatique. L’injection multipoint séquentielle utilisait quatre injecteurs. Cette solution était préférable pour l’homologation aux Etats-Unis. Ferrari fut confronté aux mêmes problèmes sur son V12 à six carbus de la 365 GT4 2+2 et s’était vu contraint de passer à la 400i pour le sol américain. Un nouveau venu dans la famille arriva en 1983, limité à 2 litres, spécialement pensée pour l’Italie et sa fiscalité particulière. En 1987, le 2.5L injection fut monté dans un engin pour le moins atypique, le Rayton Fissore Magnum. Entre temps, par augmentation de l’alésage et de la course, le V6 passa à 3 litres pour la 75. 185 ch sont tirés de ce nouveau bloc et 25 de plus, sur les Zagato SZ/RZ. Ces modèles furent les dernières vraies Alfa, autrement dit des propulsions. Le rachat opéré par Fiat amena à l’utilisation massive de plateformes Fiat, donc tractions. Par voie de conséquence, initialement conçu en longitudinal, le V6 devait passer à une position transversale et ce fut le cas pour la 164 V6 3L. L’occasion pour le bloc de se refaire une beauté en affichant fièrement ses superbes tubulures d’admission ! La 164 ne se contenta pas de cela et une version bien dans l’ère du temps vit le jour en 1991. A la manière des V8 turbo Ferrari ou V6 bi-turbo Maserati, le « 2 litres fiscal » fut épaulé par un turbocompresseur. Le Mitsubishi TD 05H booste le tout et permet d’atteindre 210 ch, dépassant du même coup largement le 3 litres.

 

L’ARRIVEE DU 24 SOUPAPES

v6 24vLe 3 litres ne pouvait continuer à se faire devancer par le V6 TB. Il fallait moderniser le vieux V6 et, pour cela, un double arbre à came et une culasse multisoupapes allaient dans la logique des choses. Une nouvelle fois, c’est la 164, vaisseau amiral de la marque, qui profita de cette grosse upgrade moteur. Le 3 litres 24v était né. Pourtant, il fallu du temps avant qu’il soit monté dans les Spider et GTV 916. C’est pourquoi le Spider fut d’abord uniquement proposé avec les 3L et 2L TB 12V, tandis que le coupé n’eut même pas droit au bloc atmosphérique. Ce n’est qu’en 1998 que le GTV 3.0 24v fut commercialisé. Soit un an après le 2.5L 24v de la 156, lui-même légèrement remanié sur la 166. Cette version fut nommée au prix du moteur de l’année en 2000. Il ne vous a pas échappé que Lancia était aussi dans l’escadron de Fiat. Bien que proposant les motorisations Fiat, 4 et 5 cylindres, atmos et turbos, la Kappa fut vendue avec le 3.0 24 soupapes. Ou plus exactement les Kappa puisqu’elle existait à la fois en berline, break et coupé. Symboliquement, la puissance fut rabaissée à 204 ch contre les 220 initiaux. Enclin à vendre ses moteurs à de tiers groupes, Alfa Romeo laissa la voiture de sport belge Gillet Vertigo utiliser son V6. Le temps pour nous d’arriver au dernier de la lignée. 3.2 de cylindrée pour 250 ch sur la 156 GTA et même, la 147 GTA. Rares étaient les compactes à recevoir un si gros bloc dans leurs entrailles. Il n’était absolument pas question de downsizing, vendu à toutes les sauces par les marketeux et les journalistes… Officiellement, la puissance chuta de 10 chevaux sur les 166, GT, GTV et Spider mais impossible de savoir ce qu’il en était réellement. Lancia, au travers de la Thesis, récupéra également ce moteur, elle qui avait déjà hérité du 3L. A titre anecdotique, on relèvera l’existence de la 156 Autodelta, équipée du V6 réalésé à 3.7.

 

LA FIN DU MYTHE

v6 holden fiatLe V6 Alfa fut surnommé V6 Arese en hommage à l’usine où il fut produit entre 1986 et 2005. Elle ferma ses portes en même temps que la production du moteur stoppa, la faute aux normes Euro4. Le hasard voulut que ce soit la ville natale de Busso, mais aussi celle où il s’éteignit 3 jours après la fabrication du dernier V6… Plutôt que d’investir dans la « dépollution » du V6 Arese, le groupe Fiat préféra utiliser ses accords avec General Motors pour utiliser le V6 3.2 Holden sur sa triplette 159/Brera/Spider. Pour tenter de faire passer la pilule, les dirigeants italiens firent la promesse que leurs motoristes retravailleraient le moteur pour lui offrir l’accent italien qu’il méritait. Sans grand succès. Pourtant, ce bloc était techniquement évolué et présentait l’avantage d’avoir ses quatre arbres à came entraînés par une chaîne de distribution, en lieu et place de la coûteuse courroie. Mais il souffrait du même mal que son prédécesseur, à savoir une consommation trop élevée par rapport à la puissance fournie. Cependant, il faut bien admettre que le V6 australien n’était pas aidé par le poids des trois enclumes qui lui servaient d'hôte. Il n’est pas dit que le V6 historique s’en serait mieux sorti… Dans son numéro de décembre 2011, le magazine anglais Evo consacrait un encadré à ce moteur sous le titre évocateur de « the greatest six ». Un bel hommage à un bien beau moteur…

 

CONCLUSION

Accessible à tous sur une large gamme de modèles, souvent abordables, le V6 Alfa Romeo est une belle porte d’entrée au monde des italiennes de caractère, sans aller jusqu’aux Maserati, Ferrari ou Lamborghini. Monté sur des propulsions, des quatre roues motrices ou des tractions, et même décliné en turbo, il y a forcément un modèle qui vous correspond. Attention toutefois à une consommation d’un autre temps et à des coûts d’entretien élevés…


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