ALFA-ROMEO SZ / RZ (1990 - 1994)

LE GENTIL MONSTRE
Avec ses airs de Concept-car, l'Alfa Romeo SZ ne passe pas inaperçue dans le paysage automobile. Et pourtant, ce que les néophytes ne savent pas, c'est que cette bizarrerie roulante fut réellement produite et commercialisée pour naviguer dans le flot de la circulation, sous le regard ahuris des autres usagers. Chef d'oeuvre de la Carrozzeria Zagato, le coupé SZ fut surnommé amicalement, et à juste titre, "il Mostro" (Le Monstre) par les admirateurs de la marque. Et effectivement, lorsqu'on s'y intéresse de plus près, on finit par trouver un certain charme à ce monstre...
Texte :
Sébastien DUPUIS
Photos : Étienne ROVILLÉ
Les liens entre Alfa Romeo et la Carrozzeria Zagato ne datent pas d'hier. Dès 1923, un accord fut signé entre le designer Ugo Zagato et l'ingénieur vedette de firme d'Arese, Vittorio Jano. En 1928, cette accord de partenariat donnera naissance à l'Alfa 6C 1750, une superbe voiture de sport, puis par la suite à diverses réalisations. Dans les années 70, Alfa Romeo traverse une crise déterminante pour son avenir. Le trèfle à quattre feuilles est finalement racheté par Fiat qui le sauve de la faillite et vend son âme au diable pour de nombreux passionnés en abandonnant la propulsion au profit de la traction avant. Il faudra alors attendre la fin de la décennie 80 pour qu'à nouveau, un bruit court selon lequel, Alfa Romeo pourrait renouer avec la propulsion par le biais d'un coupé sportif d'exception. Le projet portant le nom de code ES30 (pour Experimental Sportscar 3,0L) est mené conjointement avec Amato Zagato, fils de Ugo, et le centre de Style Fiat.
PRESENTATION
C'est au salon de Genève 1989 que le nouveau coupé sportif Alfa Romeo va être dévoilé au public, dans son unique couleur disponible le Rosso Alfa, à un prix très élevé pour une Alfa l'époque. Le projet ES30 a laissé place à l'appellation S.Z., avec un "S" comme "Sport" et un "Z" pour "Zagato" bien sûr. Toutefois, le célèbre carossier voit son rôle limité à l'assemblage du modèle puique l'Alfa SZ est dessinée et conçue en interne par Alfa Romeo. La SZ n'est pas autant une révolution technique qu'esthétique puisqu'elle repose sur une plate-forme d'Alfa 75, sensiblement modifiée. Le châssis et la mécanique étant habillés d'une carrosserie totalement spécifique. La production du châssis-coque est assurée dans les ateliers de Zagato, à Milan, pour un total volontairement limité à 1000 unités, toutes numérotées par une petite plaque sur la console centrale. Malgré son aspect massif et sa calandre d'armoire normande, la carroserie du SZ a été étudiée et peaufinée en soufflerie, ce qui lui permet d'atteindre un Cx surprenant de 0.30 avec une très faible déportance générale. Tous les éléments de carrosserie sont réalisé par moulage de matériaux composites : une résine métacrylique thermodurcissable nommée "Modar" et de la fibre de verre à l'exception du toit qui est en aluminium et du spoiler en carbone. Aggressive, déroutante, mal équilibrée dans ses formes, l'Alfa Romeo SZ ne fait aucune concession aux modes ou aux critères esthétiques standards. Le toit porte la signature typique de Zagato avec sa grande surface vitrée et l'arrière abrupt rappelle un peu la Giulia TZ, oeuvre du carrossier dans les années 60, à l'exception du gros spoiler en carbone qui surplombe le hayon. La face avant est plus harmonieuse mais tout aussi originale, avec ses 6 petits phares carrés et son long capot qui pointe vers une calandre verticale, presque pleine et suggère en son centre le logo en pointe de la marque alors que celui-ci figure sur le dessus du capot. La courbure très technique du pare-brise au niveau du pavillon est pour le moins originale et de toute beauté.
HABITACLE
Pour une supercar, l'Alfa SZ propose un habitacle futuriste, assez dépouillé mais dont la planche de bord est bardée d'une armada de manomètres. Faisant fi du luxe ostentatoire de certaines pseudo-sportives, la SZ se pare de superbes sièges baquets en cuir Connoly fauve et d'un tableu de bord recouvert de cuir rouge qui sont les seules concessions à un semblant de luxe à bord. On notera nénamoins la présence d'une climatisation, des vitres électriques et de la fermeture centralisée dans la dotation standard. La SZ souhaite transmettre l'idée du sport, de la performance et de la compétition avant tout. Une fois le petit volant 3 branches en main, le dos bien calé dans le baquet et les yeux posés sur la multitude de cadrans orientés vers le pilote, on est immédiatement séduit par cette ambiance sportive et chaleureuse, typiquement italienne, un peu à la manière d'une Ferrari des mêmes années.
ALFA ROMEO RZ
Pour seule évolution du modèle SZ, Zagato va présenter
au salon de Paris 1992 une SZ convertie en cabriolet, la "R.Z." ("R"
pour roadster). Le surpoids dû aux renforts de structure
atteint 120 Kg mais la voiture ainsi découverte est (un peu)
plus séduisante aux yeux du public. Derrière les sièges de cette
stricte 2 places, un capot avec 2 bossages au niveau des appuis
tête remplace le hayon. Contrairement à la SZ, la RZ est proposée en trois couleurs en plus du Rosso Alfa (130) : un jaune (Giallo Ginestra), un gris argent (Argento) et un noir (Nero). L'Alfa RZ sera produite en très petite série puisque sur les 350 prévus seuls 241 exemplaires sortiront des lignes d'assemblage.
CARACTERISTIQUES
ALFA-ROMEO SZ / RZ

MOTEUR
Type : 6 cylindres en V à 60°, 12 soupapes
Alimentation : Injection électronique Bosch Motronic ML 4.1.
Position : longitudinal AV
Cylindrée (cm3) : 2959
Alésage x course (mm) : 93 x 72,6
Puissance maxi (ch DIN à tr/mn) : 210 à 6200
Couple maxi (Nm à tr/mn) : 245 à 4500
TRANSMISSION
AR
Boite de vitesse (rapports) : manuelle (5)
ROUES
Freins Av-Ar (ø mm) : Disques ventilés (284) /disques (250)
Pneus AV-AR : 205/55 ZR16 - 225/50 ZR16
FREINS
Av/AR POIDS
Données constructeur (kg) : 1260 / 1380
Rapport poids/puissance (kg/ch) : 6 / 6,7
PERFORMANCES
Vitesse maxi (km/h) : 245 / 227
1 000 m DA : 27"4 / 28"1
0 à 100 km/h : 7" / 7"9
CONSOMMATION
Moyenne (L/100 Km) : 10,2
PRIX NEUF (1989) : 425.800 FF
COTE (2010) : 30.000 €
PUISSANCE FISCALE : 16 CV
MOTEUR
Apparu avant la sortie du nouveau V6 3.0 à 24 soupapes qui fera les beaux jours de l'Alfa Romeo 164 Q4, et faute de mieux, le coupé Zagato se trouve condamné à utiliser le V6 en alliage d'aluminium de l'Alfa 75 America. Voilà une décision bien étrange de la part d'Alfa Romeo qui semble en contradiction avec la ligne fulgurante de la SZ. En effet, malgré une petite cure de puissance qui en fait l'un des meilleurs 6 cylindres en V de l'époque, sinon le meilleur, ce V6 d'une cylindrée de 2959 cm3 ne délivre pourtant "que" 210 ch à 6 200 tr/mn (au lieu de 190 dans la 75) et un couple de 25 Mkg à 4 500 tr/mn, ce qui n'a rien de "monstrueux" compte-tenu des ambitions de la SZ.
Le moteur est implanté à l'avant en position longitudinale et, au grand bonheur des puristes, il est accouplé à l'ensemble de transmission comprenant la boîte manuelle à 5 rapport qui transfère la puissance à l'essieu arrière, doté d'un pont de Dion. L'arbre de transmission reliant le moteur à cet ensemble est donc solidaire de la mécanqiue et tourne toujours à la même vitesse que celui-ci. Contrairement aux apparences, l'Alfa SZ n'est pas non plus ultra légère : 1260 Kg à la pesée... Ce qui signifie qu'avec sa puissance modeste et son poids "normal", elle ne peut prétendre offrir un rapport poids/puissance véritablement avantageux pour les performances.
Dans les faits, on lui attribue tout de même une vitesse maximale de 245 Km/h mais des accélérations un peu décevantes pour une voiture qui possède une telle allure : le 0 à 100 Km/h est atteint en 7" et le kilomètre départ arrêté en 27"4. Heureusement, le V6 italien possède toujours une voix de Diva et ravit les tympans des conduteurs mélomanes, rendant la présence de l'autoradio superflue...
SUR LA ROUTE
Eprouvée sur les berlines 75 et avant elles sur l'Alfetta et le coupé GTV6, la transmission par ensemble boîte-pont (dit "de Dion") fut inaugurée chez Alfa dès les années 30. Cette disposition permet d'obtenir une répartition de poids quasi-idéale, proche des 50/50 entre l'avant et l'arrière (56% / 44% exactement). Le comportement routier s'en trouve d'autant plus équilibré.
Le caractère sportif du coupé Alfa se retrouve au niveau de certains choix : pas d'ABS, jugé incompatible avec une conduite sportive, suspensions montées sur rotules Uniball comme en compétition ou encore la recherche d'un effet de sol grâce à un dispositif hydraulique actif sur la suspension arrière permettant d'abaisser la garde au sol de la voiture de 40 mm (soit à 6 cm du sol en position basse) depuis l'habitacle. Avec de robustes double quadrilatères superposés, des barres stabilisatrices anti-roulis et des combinés ressorts + amortisseurs à gaz, l'Alfa Romeo SZ est d'une redoutable efficacité. Les freins à disques auto-ventilés de 284 mm de diamètre, issus de la 75 turbo Evoluzione, sont montés à l'avant et à l'arrière où ils sont accolés à la boîte-pont. Les jantes en alliage léger sont de dimensions respectables 7Jx16 (chaussées de pneus Prielli P Zero en 205/55 ZR16) et 8Jx16 à l'arrière (225/50 ZR16) ce qui contribue évidemment à l'efficacité de la SZ.
Malgré tout, ce petit monstre pèse 1260 kg. C'est moins que l'Alfa 75 V6, de surcroît moins puissante, mais encore trop peu pour en faire un bolide d'exception. Dommage, si le ramage avait été à la hauteur du plumage (avec un petit V8 par exemple...), Alfa aurait pu faire des étincelles ! Mais quoi qu'il en soit, la SZ et plus encore la RZ sont des voitures fabuleusement excitante à conduire. Le V6 chante à merveille et la tenue de route est largement au-dessus du potentiel mécanique. Ce qui fait qu'on peut attaquer tout en gardant une impressionante homogénéité et un grand équilibre. Pour l'anecdote, la SZ peut tenir 1.3 G d'accélération latérale.
ACHETER UNE ALFA ROMEO SZ/RZ
1035 exemplaires de l'Alfa Romeo SZ et 241 exemplaires de la RZ furent construits par Zagato. Toutes deux étant limitées à de petites séries elles sont aujourd'hui de véritables collectors pour tous les admirateurs de la marque et de voitures de sport en général. Les prix sur le marché de l'occasion se situent à un minimum de 30.000 euros pour une SZ en état concours et un peu plus de 40.000€ pour une RZ. Autrement dit, rien d'inaccessible pour une voiture aussi atypique. La faute sans doute à son physique sans compromis et à sa puissance modeste. Car au-delà de la rareté de ces modèles et de leur ligne extravagante, le plaisir de conduire cette voiture est bien réel et en fait l'une des plus passionnantes et plaisantes Alfa Romeo de ces dernières années. Dans l'éventualité d'un achat, vérifiez minutieusement les numéros de châssis et de moteur. Un collector se doit d'être le plus conforme à l'original pour avoir une cote justifiée. Inspectez la carrosserie, le moindre choc ou accroc peut engendrer des travaux très vite coûteux ou indiquer une réparation mal faite. Pour ne pas sacrifier la qualité de conduite, Alfa Romeo a utilisé des rotules qui n'aiment pas autant les chocs que les joints classiques. A vérifier si la voiture a tourné sur circuit. Pour le reste suivez les conseils de base et consultez les forums spécialisés.
CONCLUSION
:-) Ligne originale V6 chantant Châssis |
:-( Performances moyennes Finition Trop marginale ? |
Finalement, l'Histoire de l'Alfa Romeo SZ n'est pas très éloignée de celle d'un certain... Quasimodo ! On a beau la trouver affreusement laide au premier regard, on finit par lui trouver du charme au fur et à mesure que l'on fait connaissance avec "Le Monstre". L'Alfa SZ/RZ, c'est une voiture pas comme les autres qui avait décidé de jouer les marginales, et qui mérite, justement pour ça, qu'on se souvienne d'elle très longtemps.
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Peu savent que la ligne générale de cette voiture est due à Robert Opron après qu'il eût quitté Citroën pour Alfa Romeo, la preuve en est la face avant à 6 petits phares qui est un hommage rendu par Opron à son chef-d'œuvre, la Citroën SM Plus tard, les designers Alfa seront si impressionés par cette face avant à 6 phares qu'ils en reprendront l'idée pour les 159 et Brera