LA GTI LATINE
En pleine période d'euphorie "GTI", on distinguait
deux clans bien distincts. Les atmos et les turbos. La Uno Turbo
aurait pu faire figure de chef dans le clan Turbo, si elle n'avait
pas souffert de quelques petits défauts qui ont aujourd'hui
moins d'importance, depuis que la Uno a entâmé le repos
mérité du guerrier...
Texte :
Sébastien DUPUIS
Photos : D.R.
On se souvient vaguement d'elle, déjà, comme d'une
petite teigne mal finie et dont le train avant n'était de
toute évidence pas à la hauteur de son joyeux moteur
turbo. Ce serait lui faire peu d'honneur que de n'en retenir que
ça. C'est pourquoi nous vous proposons de reprendre, dans
un premier temps virtuellement, le volant de la petite Fiat Uno
Turbo i.e. Fermez les yeux, nous sommes dans le milieu des années
80, Dire Straits innonde le "Top 50" de son "Money
for nothing" et Mickael Jackson de "We are the World".
Pendant ce temps là, quelque part en Europe, la guerre des
petites sportives n'a jamais été aussi virulente qu'en
cette période bénite où le super coûte
peu cher et les radars, encore bien rares sur le bord des routes,
ne menacent pas le permis de conduire...
PRESENTATION
Dessinée par Giorgio Giugiaro pour remplacer la Fiat 127,
la Uno démarra sa carrière en Janvier 1983 et fût
immédiatement élue "voiture de l'année"
par le jury de journalistes européens. D'après les
annonces de l'époque, pas moins de 700 millions de dollards
avaient été dépensés pour le design
et le développement de la petite Fiat. 6 millions de km furent
parcourus pour les tests, usant 360 prototypes ! La production de
la Fiat Uno débuta à l'usine de Mirafiori et Rivalta,
au rythme de 450000 unités par an. L'automatisation de la
chaîne de montage comprenait 200 robots soudeurs et 20 robots
rien que pour la peinture. Pour limiter la corrosion, le grand mal
des Fiat, de nombreux efforts furent réalisés dont
un traitement particulier de la carrosserie. La Fiat UNO Turbo i.e.
apparait en avril 1985. C'est alors la "méchante"
sportive qui manquait à la gamme. Elle le revendique clairement
par une tenue de sport typiquement années 80. Jantes alliages,
boucliers, jupes et élargisseurs d'ailes en plastique noir,
phares longue portée, sortie d'échappement chromée
et bien sûr d'imposantes peintures de guerre sur ses flancs
avec son nom de guerre tatoué en gros : Uno Turbo i.e.
HABITACLE
L'habitacle
est lui aussi représentatif de son époque, avec des
plastiques durs et des assemblages approximatifs. Le point d'honneur
était alors de proposer des petites sportives performantes
et abordables, ce qui imposa quelques concessions au luxe, chose
inimaginable aujourd'hui. Toutefois, la Uno est plutôt spacieuse
et lumineuse, c'est une voiture accueillante et chaleureuse, latine
à n'en point douter. La Fiat Uno Turbo est également
généreuse en équipement. En revanche question
position de conduite, on peut rêver mieux.
MOTEUR
Initialement, la Fiat Uno Uno Turbo i.e. (pour Iniezione Elettronica)
aurait été conçue avec un 4 cylindres de 1299
cm3, développant 105 ch, et devait concurrencer directement
la Peugeot 205 GTI 1.6 105,
la nouvelle star de son segment. Finalement, pour le lancement en
juin 85, la cylindrée est de 1301 cm3 pour 105 ch à
5750 tr/mn. Ce moteur moderne, bloc en fonte et culasse en aluminium,
est doté d'un arbre à came en tête, d'un allumage
électronique intégral Microplex, d'une injection électronique
Bosch LE Jetronic et d'un turbocompresseur avec intercooler air/air,
radiateur d'huile, ventilateur bi-vitesse et refroidissement par
huile de la culasse. On note aussi le montage d'une waste-gate pour
réguler la pression du turbocompresseur et limiter le temps
de réponse. Le brillant moteur italien relègue l'antique
Cleon culbuté à carbu de la Renault
Super 5 GT Turbo au rang de vieillerie. Les publicités
de l'époque s'enorgueillissent d'ailleurs de cette technologie
"issue de la compétition F1".
En 1987, la Uno est
disponible avec un catalyseur sur certains marchés, le 1301 cm3
étant conservé jusqu'en 1989 avant d'être remplacé
par le nouveau moteur de 1372 cm3 turbocompressé sur la Uno Turbo I.E. Phase 2 (voir EVOLUTION).
La boîte manuelle à 5 rapports par commande à
câble se montre moins ferme que sur la série 1 (mais
ce n'est pas encore ça) et un peu mieux étagée
sur la série deux, les premiers rapports exagérément
courts ayant été revus.
La Fiat Uno Turbo s'offre
des performances canon dans sa classe; 204 km/h (contre 200), 0
à 100 en 7"7 (contre 8"3) et 1000 m DA en 29"
(contre 30") malgré un poids qui a évolué,
en mal, de 845 à 925 Kg à vide. Les reprises de l'italienne
sont également diaboliques, meilleures même que celles
de la Renault et la sonorité enjouée de son petit
moteur incite à l'attaque. Il se montre aussi plus sobre
et d'un niveau sonore pas trop fatiguant.
CHASSIS
Qu'on se le dise, la Fiat Uno Turbo aurait été bien
mieux servie par un châssis à la hauteur de son moteur.
Le principal point noir de la motricité étant dû
aux piètres pneumatiques de 175/60 montés sur des
roulettes de 13" ! Par ailleurs, la barre antiroulis ne sera
montée que sur la série 2 et l'arrière se montrera
plus mobile également, bien qu'on soit loin en la matière
du plaisir procuré par le châssis de la 205 GTI ou
même de la R5 GT Turbo. Jamais dangereuse, la Uno a une fâcheuse
tendance à tirer tout droit, il faut donc constamment gérer
le couple du turbo et la faible adhérence des pneus. Mais
quoi qu'on y fasse, le train avant se montre peu coopératif.
De même, la direction agréable en ville car assez légère,
se montre peu rassurante à vive allure. Irréprochable
au niveau freinage, la Fiat s'offre les services de freins à
disques ventilés à l'avant et de disques pleins à
l'arrière, de respectivement 240 et 227 mm de diamètre. A partir de 1988, la Fiat Uno Turbo i.e. étrenne un ABS baptisé
"Antiskid", signé AP.
La suspension est assez rudimentaire
en matière de confort, c'est caractéristique de cette
époque. Elle est en plus mal aidée par un amortissement
qui tente de préserver un compromis au confort et qui maîtrise
mal les mouvements de caisse.
Les vraies GTI de l'époque
n'étaient pourtant pas des bourgeoises, mais avant tout des
sportives assez viriles dans leur conduite. Ce qui aujourd'hui semble
devoir ne plus être incompatible était une évidence
il y a 20 ans de cela et a coûté à la Fiat la
première marche du podium.
EVOLUTION
Le restylage de
septembre 1989 marque le point de départ de la Uno Turbo I.E. "série
2". Dérivé
de sa version atmosphérique (Uno 70ie de 72 ch), le nouveau moteur 1.4l fait un
bond de puissance grâce au turbo Garett T2 soufflant à
0,8 bar (qui remplace le IHI à 0,7 bar) pour atteindre 118
ch à 6000 tr/mn ! Le couple est désormais de 16,8
Mkg à 3500 tr/mn contre 147 Nm à 3200 tr/mn. Tout
y gagne, la souplesse et les performances. Le moteur italien est
clairement devant son rival français en matière d'agrément.
Le restylage de la Uno se remarque immédiatement à sa calandre redessinée
et son nouveau hayon (qui n'est plus en résine mais en tôle),
l'ensemble permettant d'améliorer un peu le Cx qui descend
de 0,33 à 0,30. Les proportions de la petite Fiat augmentent
légèrement. Le look est également moins tape
à l'oeil, les larges stripping latéraux devenant de
simples bandes rouges, façon 205 GTI. Souci du détail
(marketing) les nouvelles jantes à quatres branches sont
frappées du sceau Abarth, qui n'a pourtant rien à
voir dans cette histoire... La série 2 va aussi permettre
de revoir la planche de bord de la Uno Turbo qui gagne un petit
volant Momo à 3 branches garni de cuir ainsi que des sièges
avant au meilleur maintien. L'instrumentation est complète,
on y trouve pression et température d'huile comme dans la
205. L'équipement comprend de série tout ce qui est
sur la liste des options des françaises, à savoir
verrouillage centralisé par télécommande, vitres
électriques, chauffage à régulation automatique,
phares réglables de l'intérieur avec lave-phares,
des longues portées et même un rétro droit.
Bref, l'italienne se montre séduisante pour les jeunes amateurs
de petites sportives, d'autant plus que son prix de vente (environ
70 000 FF en 1985) est hyper compétitif !
ACHETER UNE
FIAT UNO Turbo i.e
Les Fiat Uno sont des voitures d'occasion pas chères, boudées
par le public, et la Turbo i.e. produite de 85 à 93 n'échappe
pas à la règle. La Punto GT ayant considérablement
augmenté le niveau de qualité globale, les acheteurs
se sont rapidement portés vers cette remplaçante et
la mauvaise réputation de la Uno la suit encore aujourd'hui.
C'est donc un moyen très abordable de s'offrir une sympathique
bombinette, d'autant plus que ses principaux défauts peuvent
être en partie atténués. Il suffirait par exemple
de lui monter des jantes plus larges et de revoir le couple ressorts/amortisseurs,
ce qui malheureusement a fait sombrer bon nombre d'exemplaires dans
un tuning approximatif. Sans parler des bidouilles moteur qui entraînent
souvent une fiabilité aléatoire. On peut à
l'inverse considérer la Fiat Uno Turbo i.e. comme une évidente
future voiture de collection, à l'image d'une Autobianchi
Abarth A112, et composer avec ses défauts pour retrouver
tout le "charme" d'une époque à travers
une sportive qui vient de souffler ses 20 bougies. La difficulté
étant dans ce cas, d'en trouver une en suffisamment bon état
pour ne pas investir des fortunes que ne justifierait pas sa côte
sur le marché de l'occasion, se situant autour de 1000 euros...
Même pour un modèle 100% d'origine et correctement
entretenu ! En comparaison, la cote des 205 GTI 1.6, la star de
notre marché national, est aujourd'hui d'environ 3000 euros.
Car c'est toute la difficulté de cette période ingrate
que constitue la transition entre le monde de l'occasion et celui
de la collection, surtout quand on s'appelle Fiat. Avant achat,
il faut savoir que les Uno série 1 sont sensibles à
la rouille, au niveau des passages de roues, des baguettes de vitres
et de l'entourage du pare-brise. Les choses ont été
sensiblement améliorées sur la Uno série 2.
Notons aussi le vernis des jantes, aussi fragile que celui des peintures.
Niveau moteur, pas de mauvaise surprise, le petit 1300 Turbo i.e.
se montre finalement assez dur au mal dans sa configuration d'origine.
On n'en dira pas tant de la boîte de vitesses et de l'embrayage,
tous deux vieillissant prématurément, tout comme l'échappement.
Et puis que dire de l'habitacle, rien ne peut cacher son âge
et sa fabrication légère : électricité,
plastiques, tissus, assemblages, l'ensemble est d'une bien médiocre
qualité. Enfin, dans un but de collection, l'amateur pourra
éventuellement se mettre en quête d'une des rares séries
limitées comme la Turbo ie "Formula" de 1987 ou
la "Racing" de Juillet 1991. Mais dans tous les cas, il
faudra être plus patient que riche pour dénicher la
perle rare.
PRODUCTION FIAT UNO TURBO I.E.
UNO TURBO I.E. Phase 1 105 ch (01/1983-1989) : 35 000 exemplaires
UNO TURBO I.E. Phase 2 118 ch (1989-1993) : env. 25 000 exemplaires
TOTAL : Plus de 60 000 exemplaires
:: CONCLUSION
Un peu oubliée, la Fiat Uno Turbo i.e. prépare doucement
son entrée dans le petit monde de la collection. Dotée
d'un excellent moteur, elle compense par ce caractère mécanique,
ses défauts évidents de conception et de fabrication.
A moindre coût, on peut toutefois s'offrir une bombinette
de la belle époque, encore capable de procurer de bonnes
sensations. A ce prix là, c'est cadeau...
CE QU'ILS EN ONT PENSE :
"Les dirigeants de Fiat aussi pourraient dire que la Uno Turbo
n'est pas une sportive. Certes, sa robe est discrète au possible;
sa présentation intérieure, sa finition et son confort
sont en progrès sensible; tandis que son moteur est un modèle
du genre. Mais sa cavalerie sait aussi se montrer rageuse et lui
donner pour un prix très attrayant, des performances de véritable
GTI. Et puis, ne serait-ce qu'à la vue de son superbe volant
cuir Momo à trois branches, on ne les croirait pas. Toutefois,
ses qualités ne lui permettent pas de se hisser au niveau
de la 5 GT Turbo, plus chère mais au tempérament plus
affirmé, grâce à sa meilleure position de conduite
et son excellent comportement. Des vrais pneus et une boîte
bien étagée, ce n'est pourtant pas la mer à
boire... "
L'ACTION AUTOMOBILE - N°338 - MATCH DES PETITES SPORTIVES. |