© L'AUTOMOBILE SPORTIVE (30/11/2003)
GRAINE DE CHAMPIONNE !
Après sa berline Sierra Cosworth
qui brilla en rallyes notamment aux mains de François Delcourt
et Didier Auriol précédemment, Ford mise sur son modèle
compact, l'Escort, pour lutter en rallye contre les Toyota Celica
et Lancia Delta Integrale. Mais, pour l'homologation en groupe A,
il faut commercialiser 2 500 exemplaires
Texte :
Nicolas LISZEWSKI
Photos : D.R.
A la fin des années 80, Ford possédait
bien dans sa gamme Escort des sportives avec en point d'orgue la
RS Turbo, mais l'arme de Ford Europe en rallyes s'appelait alors
Sierra RS Cosworth. D'abord sur la Sierra 3 portes dans la période
Sierra phase 1, puis sur la base d'une berline quatre portes avec
la phase 2. Avec son deux litres 16 soupapes turbocompressé,
la Sierra Cosworth 4x4 faisait alors parler la poudre puisque ses 220
ch transmis au sol par les quatre roues lui permettaient des performances
de premier plan : 240 km/h et 6,9 secondes pour atteindre les 100
km/h. Mais en compétition, la Sierra est évidemment
handicapée par ses dimensions et son architecture (un porte-à-faux
arrière trop important) de départ pas forcément
propice à la compétition.
OBJECTIF RALLYE !
Ford, malgré les résultats encourageants de la
Sierra Cosworth en rallyes, ne veut plus se contenter de places
d'honneurs, même si François Delcourt défend
avec passion les couleurs du constructeur américain. Si l'ensemble
mécanique (moteur-boîte-pont) a confirmé ses
qualités, il faut revoir la base. C'est donc sur sa nouvelle
Escort, que Ford décide de greffer ces éléments.
Avec l'Escort, les dimensions sont réduites en matière
d'empattement surtout ce qui favorise la vivacité et la maniabilité
du comportement routier. Sinon l'implantation mécanique est
strictement identique à la Sierra. Le moteur est monté
à l'avant longitudinalement (alors que toutes les Escort
ont des mécaniques transversales). La chaîne cinématique
de transmission est également la même avec une prise
de force en bout de boîte, un différentiel inter-pont
épicycloïdal répartissant asymétriquement
le couple entre les deux essieux (34% vers l'avant et 66% vers l'arrière)
et l'appoint de deux viscocoupleurs. Toujours dans la série
du pillage, l'Escort RS Cosworth reprend les trains roulants, les
freins et la direction assistée de la Sierra du même
nom.
UNE AERODYNAMIQUE
SOIGNEE
Les ingénieurs ont
étudié et conçu l'énorme aileron arrière
et surtout une lame de bouclier avant réglable que l'on peut
plus ou moins sortir. Si dans le cadre d'un usage routier ces caractéristiques
ne servent à rien, cela permet à Ford d'exploiter
au maximum le travail de la charge aérodynamique sur ses
versions compétitions. Dès sa commercialisation en
1992, l'Escort RS Cosworth est commercialisée en deux versions
: l'une baptisée Motorsport, sorte de version compétition
client allégée et à l'équipement succin,
et l'autre standard dont la dotation de série est riche (vitres
électriques, toit ouvrant, isolation phonique poussée,
sièges Recaro
). La version Motorsport était
vendue alors moins cher que la standard, et toutes deux possédaient
une instrumentation particulièrement complète sur
fond blanc électroluminescent, selon un procédé
emprunté à Aston Martin, du meilleur effet.
MOTEUR
Si le moteur est celui de
la Sierra, nous l'avons déjà évoqué
plus haut, il est désormais catalysé et il bénéficie
d'un turbocompresseur de taille majorée afin d'autoriser,
sinon une puissance plus généreuse, du moins un fonctionnement
plus harmonieux avec la bride de 36 mm imposée en groupe
A. Le résultat est que sur la version destinée au
grand public le confort de conduite n'est pas des plus aisé.
Au-dessous de 4 000 tr/mn il ne sa passe pas grand chose, puis au-dessus,
c'est en revanche la charge de la cavalerie. Les 29,6 mkg de couple
et les 220 ch propulsent l'Escort Cosworth à près
de 240 km/h et lui font abattre la borne kilométrique en
tout juste plus de 26 secondes. Et avouons que 110 ch au litre de
rendement moteur, cela reste toujours exceptionnel. Question physique,
Ford a plutôt opté pour une carrosserie bodybuildée.
Mais ce n'est pas qu'une question de style. Il y a également
des raisons techniques dans ces choix : les ailes larges et passages
de roues proéminents permettent l'augmentation de la taille
des roues avec du 16", mais du 17 et même du 18"
sont prévues pour la compétition. Toute la face avant
est également agressive à souhait. Cela est du en
partie par les larges ouvertures destinées à refroidir
la bouillante mécanique et évacuer toutes ses calories.
Pour ces dernières les extracteurs d'air sur le capot et
dans la partie finale des ailes avant ont été prévus.
SUR LA ROUTE
Les voitures prévues
initialement pour les homologations en rallyes sont comme cela.
Toujours dans la démesure. C'est soit une réussite
totale dans sa version civile (Lancia Delta Intégrale, Renault
5 Turbo, Celica Turbo 4WD) soit des autos bancales et peu adaptées
à un usage quotidien (Citroën BX 4TC, Peugeot 205 T16).
Et l'Escort RS Cosworth alors ? Elle appartient heureusement à
la première catégorie avec une efficacité et
un charisme de tous les instants. Si vous avez le privilège
de conduire les premiers millésimes, sachez anticiper avec
l'effet turbo ancienne mode. La violence du turbocompresseur qui
se déchaîne à partir de 4 000 tr/mn vous rappelera
que votre Ford n'a d'Escort que le nom, et vous penserez à
mettre un cierge à l'église pour celui qui a eu l'idée
de monter une transmission intégrale. Quel châssis
! Par n'importe quel temps, et dans n'importes quelles conditions,
l'Escort RS Cosworth s'extrait des virages et des courbes avec un
grip et une accroche exceptionnels. Même des GT bien plus
puissantes ne peuvent être efficaces sur le terrain de jeu
de l'Escort. Certes, l'autoroute n'est pas sa tasse de thé
avec son physique de camionneur, mais que les routes se rétrécissent,
le conducteur commence à se cracher dans les mains. Les modèles
ayant bénéificié de l'évolution avec
un turbocompresseur plus petit sont nettement plus agréables
à l'usage et en plus les performances progressent sensiblement.
Confortable avec ses sièges baquets Recaro, quoique ferme,
l'Escort RS Cosworth est une auto authentique à piloter,
et chaque départ vous replonge dans l'ambiance des rallyes
des années 90.
EVOLUTION
En 1994, Ford réagit
sur sa bête de rallye et installe un turbo plus petit que
celui monté jusque-là. C'est à la fois suite
à la réaction du public et de la presse sur la version
de "série" et également en raison de règlements
changeants que Ford a décidé cette modification. Si
elle paraît mineure sur le plan de la puissance pure (+7 ch
seulement), il en est tout autre sur le plan de l'agrément
de conduite et de l'exploitation du moteur. Le trou qui existait
jusqu'à 4 000 tr/mn a réellement disparu ce qui nous
donne une mécanique moins pointue à utiliser surtout
dans le cadre d'un usage quotidien. Même les accélérations
y gagnent puisque sur le kilomètre départ arrêté,
l'Escort Cosworth 227 ch accélère plus fort de 5 dixième
de seconde. Dans la foulée, l'Escort prend un tout petit
peu de poids supplémentaire (+20 kg) ce qui détériore
très légèrement son rapport poids/puissance.
La tenue de route reste quant à elle toujours aussi efficace
avec ce subtil compromis confort/efficacité. Et pour finir
sur le moteur, il améliore encore un peu son exceptionnel
rendement moteur de 4 ch/litre pour passer à 114 ch/litre.
En 1996, Ford stoppe la commercialisation d'un des derniers monstres
sacrés (la Lancia Delta Intégrale n'étant plus
là non plus) homologué sur route pour le rallye. L'Escort
RS Cosworth n'est plus mais va laisser une trace indélébile
dans le cur de tous les passionnés.
ACHETER UNE FORD ESCORT
RS COSWORTH
Sur le marché de l'occasion, les Ford Escort RS Cosworth
conservent encore une cote soutenue en raison d'une diffusion relative
sur notre marché. Comptez donc à partir de 14 500
euros pour un exemplaire en très bon état et entretenu
avec origine connue. Certaines sportives sont réputées
indestructibles et fiables. Pour d'autres, et c'est souvent le cas
pour les moteurs turbocompressés dont les rendements sont
plus élevés, l'adage est totalement inverse. L'Escort
Cosworth est une voiture très fiable si l'entretien et la
conduite ont été en rapport avec le pedigree de l'auto.
La mécanique, si elle a été maltraitée
ou bidouillée et que l'entretien n'a pas été
à l'avenant, vous allez au devant de nombreux problèmes
mécaniques. Factures et carnet obligatoires (courroies tous
les 40 000 km, révision tous les 5 000 km)
L'entretien
coûte relativement cher sur ces autos et il n'est pas à
négliger (environ 350 euros pour les révisions standards
et comptez minimum 600 euros s'il faut changer des pièces
en sus - freins, amortisseurs...). Sachez que lorsque vous attaquez
un peu, il fait laisser le moteur tourner une dizaine de secondes
avant de l'éteindre pour lui laisser le temps de redescendre
en température. Vous trouvez en outre sur le marché
des Escort qui ont subit les affres de la compétition (à
fuir pour tout usage routier traditionnel !), celles qui ont été
préparées dans les règles de l'art ou non et
celles strictement d'origine qui sont de plus en plus rares. Une
chose est certaine : la patience dans vos recherches doit être
de mise, car vu le nombre réduit d'exemplaires commercialisés
et survivants, il ne fait pas hésiter à en voir plusieurs,
non pas pour avoir le plus bas prix, mais la plus belle Escort.
les Escort Cosworth en strict état d'origine commencent à
être rares sur nos routes. Sans parler des versions compétitions,
de nombreuses Escort sont déjà passées entre
les mains de propriétaires tuners de tout poil. La carrosserie
peut également vous fournir de nombreuses informations sur
le passé de l'auto. Ainsi, si vous voyez la moindre soudure,
notamment au niveau des passages de roues qui est fissurée
ou refaite, passez votre chemin. Des amortisseurs et ressorts durs
alliés à une conduite très sportive ou de compétition
ont usé l'auto jusqu'à la corde. Sortez la loupe et
les aimants !
CHRONOLOGIE
1992 : Commercialisation
de l'Escort RS Cosworth. Les 200 premières voitures, les
Motorsport, n'étaient pas équipées de vitres
électriques et ni de toit ouvrant.
1993 : Débuts de l'Escort Cosworth en janvier au Rallye
de Monte Carlo à la place de la Sierra Cosworth.
1994 : Montage d'un turbo plus petit plus en rapport avec
un usage routier. Le moteur développe désormais 227
ch.
1996 : Arrêt de la commercialisation de l'Escort Cosworth
après de nombreuses victoires et titres en rallyes.
2002 : Commercialisation prévue en juin de la Focus
RS et ses 220 ch. Elle se place en digne héritière
des Cosworth.
::
CONCLUSION
Performante, exceptionnellement scotchée à la route
et un physique d'athlète comme on les aime caractérisent
ces Escort pas comme les autres. Et aujourd'hui, il n'est peut être
pas encore trop tard pour acheter ce mythe en devenir en bon état,
car cette Escort Cosworth peut se révéler fragile
si on ne respecte pas les règles d'usages sur les véhicules
pointus. Le prochain McRae ou Sainz, c'est peut-être vous
et ce ne sera pas sur PS2 ou Xbox
CE QU'ILS EN ONT PENSE :
"L'Escort Cosworth, dotée elle aussi de quatre roues motrices, mais de pneus
encore plus performants (Pirelli Pzero en 225/45 ZR 16), est moins
amusante à piloter en raison de son adhérence exceptionnelle.
En usage intensif, l'arrière accroche tellement que malgré
une répartition de couple encore plus prépondérante
sur l'arrière (66 %), c'est systématiquement l'avant
qui avoue ses limites, donnant à l'Escort Cosworth un comportement
sous-vireur alors qu'il est survireur sur la Sierra."
AUTOMOBILE MAGAZINE - 1992 - face à
la Mazda 323 4WD GT-R.
"Au premier abord, le confort de
suspension est agréablement surprenant. Sur ce point, la
Sierra Cosworth avec sa définition de familiale se montrait
très efficace également et, face à la monstruosité
de l'engin, nous n'aurions pas été surpris de découvrir
une voiture beaucoup plus typée dans ce domaine. Il n'en
est rien, l'Escort Cosworth reste une voiture toujours très
polyvalente. Autre point de satisfaction : un train antérieur
qui se montre plus précis avec une direction exempte de réaction.
Le comportement de l'Escort est remarquablement sain, efficace et
précis. Le travail des suspensions est efficace. "
SPORT AUTO - 1992.
"La RS Turbo (ou RS Cosworth) ne
passe pas inaperçue, c'est le moins que l'on puisse dire.
Haut perchée sur ses grandes roues de 16" chaussées
de monstrueux Pirelli Pzero, elle affiche son arrogance sans aucune
discrétion. Sa face avant, bien aérée pour
laisser respirer la mécanique, est percée d'extracteurs
d'air, disposés sur le capot et dans les ailes (aussi bodybuildées
que Schwarzenegger himself, au point que même les 16"
y semblent au large !)."
OPTION AUTO - 1993. |