MISE AU POINT
Après la Ferrari
Daytona très conservatrice mais ô combien charismatique à
bien des égards, Ferrari et Pininfarina révolutionnent leurs habitudes
avec la nouvelle Ferrari 365 GT4 BB. Moteur central arrière, 12 cylindres
à plat et une ligne à couper le souffle vont caractériser
cette nouvelle supercar qui va couronner la gamme Ferrari. Pas exempte de critiques,
la Ferrari 365 GT4 BB se doit d'évoluer pour survivre en pleine période
de crise énergétique avec des normes antipollution toujours plus
sévères. Après quelques modifications le 12 cylindres à
plat dérivé de celui des Formule 1 victorieuses va recevoir une
injection et s'appeler BB 512i...
Texte : Nicolas LISZEWSKI
Photos : D.R.
Ferrari avait été piqué au vif par Lamborghini et sa très innovante Miura.
Il faut avouer que dans le même temps la présentation de la Ferrari
Daytona qui restait très conservatrice avait de quoi surprendre sur le
marché des supercars. Cela n'a toutefois pas réellement handicapé
la Daytona puisque elle connu tout de même une carrière très
honorable (environ 1 350 exemplaires) et une cote d'amour qui aujourd'hui encore
surclasse sa rivale italienne. Mais Ferrari pris le taureau par les cornes (!)
et changea son fusil d'épaule ou plutôt son moteur de côté.
Lors de la présentation de la Ferrari 365 GT4 BB au salon de Turin en 1971,
les visiteurs découvrent médusés la ligne très pure
de la nouvelle Ferrari et son implantation centrale arrière. Comme sur
les Ferrari de Formule 1 ! D'ailleurs Maranello ne se prive pas pour rappeler
que le nouveau moteur 12 cylindres boxer (qui a donné son nom à
cette Ferrari) est dérivé de celui qui équipe ses voitures
de course. Toutefois, la revendication d'une telle filiation est pour le moins
osée puisque la nouvelle venue dispose d'un carter
humide ! Plutôt
un choix incongru sur une auto de ce rang et doté d'un châssis si
performant. Mais plus encore que les quelques défauts qui caractérisent
cette nouvelle Ferrari, ce sont surtout les multiples crises énergétiques
avec des normes anti-pollution de plus en plus sévères et une répression
routière accrue qui risque de sonner le glas de la nouvelle supercar Ferrari.
Les clients vont-ils en effet toujours craquer pour auto qui ne possède
aucun aspect pratique, que deux places, qui consomme énormément
(avec un prix du carburant qui grimpe en flèche), et des képis qui
fleurissent sur les bords des routes en même temps que les limitations de
vitesses sont imposées sur la plupart des autoroutes dans le monde occidental
? C'était sans compter sur la magie Ferrari mais aussi l'opiniâtreté
des techniciens de Maranello qui ne cesseront de faire évoluer la saga
" BB " pour la maintenir dans la course, même si quelques poignées
de chevaux feront leurs valises. Une mise au point permanente
DESIGN
Difficile d'imaginer un autre partenaire que Pininfarina pour dessiner une Ferrari.
Il y eut bien quelques infidélités mais sans réel succès
et il n'est donc pas étonnant que le maître carrossier turinois soit
aux crayons sur la Ferrari BB 512i. D'ailleurs, il a retravaillé son dessin
qu'avait étrenné la 365 GT4 BB. Par rapport à sa devancière,
la BB 512i a connu quelques modifications de détails. Le bouclier avant
a hérité d'un spoiler aérodynamique suite aux études
dans la toute nouvelle soufflerie de Pininfarina. Il améliore ainsi la
stabilité à haute vitesse. Les clignotants avant glissent dans la
fine lame de pare-chocs et les feux arrière sont désormais ronds
par paire de deux et non plus par trois. Une prise d'air Naca est apposée
sur le bas des flancs devant la roue arrière afin d'optimiser le refroidissement
des freins. Toujours dans les modifications utiles plus qu'esthétiques
dictées par le travail en soufflerie le toit est légèrement
modifié. Pour mieux asseoir l'auto au sol et améliorer encore sa
tenue de cap à haute vitesse les roues sont plus larges et de même
dimension à l'avant et à l'arrière, imposant ainsi un élargissement
de 3 cm de la carrosserie. Certains amateurs avaient été très
critiques sur la ligne de la lignée des " BB " lors de sa sortie.
Il est vrai qu'avec le recul des années on pourrait lui reprocher un porte-à-faux
avant très prononcé. Mais la " BB " va pourtant initier
un style typé berlinette pour une supercar ce qui était plutôt
nouveau, et elle va marquer de son empreinte le style Ferrari pendant des années
encore. La Ferrari 308 lui devra d'ailleurs beaucoup. On retrouve sur la BB 512i
de nombreux détails qui concourent à entretenir la passion Ferrari
: jantes Cromodora cinq branches avec écrou central " papillon ",
loquets de portières très fins et élégants, petits
rétroviseurs, phares escamotables, aileron dans le prolongement du toit,
essuie-glace à la cinématique particulière (articulation
" pantographe ")
L'habitacle a très peu évolué
par rapport au 365 GT4 BB et BB 512. Les sièges sont communs à la
version 512 (contrairement à ceux de la 365 GT4 BB), mais reçoivent,
et c'est nouveau, une sellerie mixte cuir Connolly alliée en option à
un tissu pur laine vierge entièrement réalisée par Ermenegildo
Zegna pour un confort et une perméabilité accrus. Ferrari annonce
également une isolation thermique plus efficace et une plus grande résistance
au feu. La position de conduite est améliorée ce que constatera
d'ailleurs à l'époque José Rosinski dans Sport Auto, souvent
handicapé par sa grande taille dans les autos sportives. La présentation
est très sportive mais la finition reste critiquable notamment sur la qualité
des matériaux employés et leur résistance aux outrages du
temps. Dans les petites particularités, on notera un habitacle avec un
équipement de série plutôt généreux pour l'époque
(vitres électriques, climatisation,
) et également un auto
radio en deux parties de chaque côté du poste de pilotage ! Accessoires
qui sont incontournables chez Ferrari, le volant Momo trois branches frappé
du Cavalino Rampante est face au pilote, et le levier de vitesse du haut de sa
tige chromée coudée coulisse toujours dans la grille faite du même
métal. L'ergonomie du poste de conduite ne soufre pas la critique pour
la partie conduite pure, puisque le levier tombe idéalement sous la main
et les quelques réglages manuels du siège permettent une position
idéale, sauf pour les très grands gabarits. Une particularité
propre à toutes les Ferrari, juste devant le volant se trouve la plaque
d'identification de la voiture avec le numéro de châssis.
MOTEUR
C'est l'ingénieur De Angelis qui eut la paternité de ce moteur boxer
qui n'en est pas un vrai ! Scoop ? Non pas réellement, mais un vrai moteur
boxer possède ses pistons qui se déplacent de manière opposée
alors que dans le cas de la " BB ", les pistons se déplacent
dans le même sens. Initialement dévoilé en 4,4 litres, ce
moteur se distingue par de très nombreuses attentions. Maranello a réalisé
une magnifique pièce de fonderie avec un bloc cylindres en alliage léger
(Silumine), dans lequel des chemises en fonte sont calées. Sur le moteur
de la BB 512i, la cylindrée passe à 5 litres (4943 cm3 plus exactement)
par un une légère augmentation de l'alésage (de 81 à
82 mm) mais surtout grâce à un nouveau vilebrequin qui a permis d'allonger
la course de près de 10% (de 71 à 78 mm). De la 365 GT4 BB à
la BB 512, la puissance est restée stable à 360 ch, mais obtenus
à un régime moteur inférieur. L'augmentation de cylindrée
profite ainsi plus à la souplesse à bas régime qu'à
la recherche de performance pure. Depuis la BB 512, le moteur a également
largement évolué dans le bon sens avec enfin un carter sec (les
premières 365 GT4 BB rencontraient des problèmes de déjaugeages
dans les courbes rapides en appui !). De même un embrayage double disque
plus costaud est monté. Dans le cas qui nous intéresse, la BB 512i,
une injection mécanique Bosch K-Jetronic a remplacé les quatre carburateurs
double corps de la 512. La recherche d'atteinte des nouvelles normes antipollution
a motivé ce choix, d'autant plus que la BB est la dernière Ferrari
de la gamme à passer à l'injection après la 400i, la Mondial
8 et la 308
GTB et GTS. Ce passage à l'injection n'est toutefois pas une nouveauté
pour les BB puisque les quelques exemplaires qui se sont illustrés en compétition,
notamment au Mans, étaient déjà équipés d'une
injection. En outre, à la différence de la Ferrari 400i, le compartiment
moteur et surtout l'accessibilité mécanique (grâce au capot
moteur qui bascule intégralement vers l'arrière) ont permis d'intégrer
le volumineux système d'injection plus aisément. Malheureusement
pour les accrocs de la fiche technique et des statistiques de performances pures,
la BB 512i en adoptant l'injection perd une vingtaine de chevaux sur l'autel de
la dépollution pour se situer à 340 ch à 6000 tr/mn. Pas
de quoi s'attrister pour autant avec tout de même des performances peu communes,
aujourd'hui encore, avec près de 300 km/h en vitesse maxi et surtout un
kilomètre départ arrêté en 25,1 secondes ! Pas de doute,
même " dépollué ", le 12 à plat de la Ferrari
BB 512i a du coffre et le fait savoir notamment à vos oreilles. Au ralenti,
il ne tourne pas, il commence déjà vous faire vibrer les tripes
! Et dès les montées en régime, il sonne la charge
Envoûtant et un plaisir dont on ne se lasse jamais. La boîte offre
une heureuse surprise avec un maniement plutôt facile à chaud, contrairement
aux légendes sur les Ferrari.
CHASSIS
Pour les dessous
de la belle de Maranello, c'est l'ingénieur Bellei et son équipe
qui s'est chargé de la conception. Il s'est inspiré du système
composite apparu sur les Dino. Ce système est constitué d'un cadre
de tubes de section carrée couvert sur les deux faces de tôles soudées.
A l'avant et à l'arrière, deux berceaux en tubes de section également
carrée sont adjoints et reliés entre eux par les montants de pare-brise
et le toit. Le moteur et la boîte de vitesses sont fixés au cadre
inférieur par des silent-blocs dont les pattes sont sur le carter moteur.
La liaison au sol des quatre roues indépendantes est opérée
par des triangles superposés avec des amortisseurs télescopiques,
ressorts hélicoïdaux co-axiaux et barres stabilisatrices. Pour traquer
les kilos superflus, la carrosserie est un patchwork de matériaux. La cellule
centrale est en acier. Les boucliers avant et arrière sont en polyester.
Les ouvrants basculants avant et arrière sont en alu et recouverts de polyester
sur les parois intérieures. Quatre freins à disques ventilés
largement dimensionnés sont prévus pour ralentir la " BB "
et surtout pouvoir tenter de jouer au maximum le transfert des masses plus dur
à obtenir avec une répartition des masses optimales. Les premières
" BB " étaient équipées de jantes avec des pneus
Michelin XWX. Mais pour la BB 512i, Michelin a prévu ses pneus TRX en 240/55
VR 415 ce qui obligea Cromodora à refaire de nouvelles jantes adaptées
mais toujours à cinq branches. Petit détail, les jantes et pneus
sont de même dimension aux quatre roues. Hormis une direction un peu lourde
qui fait bonne figure à haute vitesse et permet de mieux ressentir la chaussée,
la BB 512i est facile à conduire. Certes, il faut laisser un temps d'adaptation
pour que la montée d'émotion que connaît chaque amateur de
sportives au volant d'une Ferrari se soit dissipée et que l'on ne subisse
plus la voiture mais qu'au contraire on la pilote. La Ferrari offre un comportement
très équilibré et vire à plat. Lorsque le pilote la
presse un peu dans ses retranchements elle sous-vire ce qui peut demander beaucoup
de doigté pour la mener rapidement dans des enchaînements. Car mine
de rien, 340 ch sont tout de même distillés à la route par
les seules roues arrière. Les capacités de ralentissements sont
conséquentes sur la BB, grâce aux gros freins refroidis au maximum
par les prises d'air multiples, mais ne comptez pas aller sur circuit et conduire
franchement sans quelques modifications. L'auto pèse tout de même
près d'une 1,6 tonnes
Ce qui reste tout de même surprenant
dans cette " BB ", c'est son confort (relatif) bien réel nous
rappelant ainsi son statut de GT.
CHRONOLOGIE
1971 : Au salon de
Turin, présentation de la première Ferrari 365 GT4 BB équipée
d'un moteur 12 cyl. Boxer de 4,4 litres.
1973 : Commercialisation de
la Ferrari 365 GT4 BB, deux ans après (!) sa présentation.
1975 : Niki Lauda devient champion du monde de F1 des pilotes sur sa Ferrari équipée
d'un moteur 12 cyl. Boxer dont dérive celui de la BB.
1976 :
La Ferrari 365 GT4 BB devient Ferrari BB 512 et évolue sur de très
nombreux détails : moteur 12 cyl. Boxer de 5 litres à carburateurs,
habitacle revu, dimensions extérieures, bouclier avant modifié
1977 : Deuxième titre pilote de Niki Lauda sur sa Ferrari de Formule 1.
1979 : Jody Schekter remporte le titre de champion du monde des pilotes en Formule
1 sur sa Ferrari.
1981 : La Ferrari BB 512 reçoit une injection
mécanique Bosch K-Jetronic pour mieux passer les normes antipollution.
1984 : Ferrari arrête la production de la série des " BB "
après 2 323 exemplaires produits.
Présentation de la nouvelle
Ferrari Testarossa.
1988 : En août, Enzo Ferrari décède
à Modène au moment du 40e anniversaire de la création de
Ferrari.
ACHETER UNE FERRARI BB 512i
Plus que pour tout autre sportive, l'achat d'une Ferrari BB 512i devra
passer au préalable par une inspection en règle et même une
recherche d'historique du modèle convoité. Les frais de remise en
état sont tels, qu'il vaut mieux fuir immédiatement toute auto au
passé peu clair ou peu entretenu. Se rapprocher de clubs et spécialistes
n'est d'ailleurs pas superflu, et il ne faut pas hésiter à aller
en voir plusieurs avant de se décider. Cela permet ainsi de mieux estimer
une auto en bon état et une en état moyen voire mauvais. Pour les
prix, il faut compter environ 110 000 euros pour un exemplaire en très
bon état. Un prix finalement honnête aujourd'hui pour une GT de ce
rang et de ce pedigree (une Testarossa plus charismatique par sa ligne n'a jamais
couru et est plus répandue !) et vu sa rareté sur le marché.
Pour résumer, on peut s'acheter une BB 512i pour moins cher qu'une F430
! L'état de la finition et des accessoires de la BB convoitée doit
être bon car certaines pièces sont très dures à trouver.
Pour vous aider dans votre quête, il vous suffit de regarder attentivement
mes factures d'entretien. Les vidanges doivent intervenir tous les 5000 km pour
le moteur et 15000 km pour la boîte. Les courroies de distribution doivent
être remplacées tous les 40000 km ou tous les 3 ans. Une auto qui
n'aura pas tourné depuis longtemps devra également passer par cette
opération pour plus de sécurité. Attention également
à l'état du circuit de refroidissement, car certains conduits passent
dans les flancs de l'auto et là des frais inconsidérés seraient
à prévoir. La transmission est à surveiller et à ménager
car elle est plutôt sous dimensionnée par rapport au couple et à
la puissance du moteur. L'embrayage n'est lui non plus pas un modèle d'endurance
et il conviendra d'avoir bien libéré l'embrayage avec de remettre
les gaz brutalement. L'état des pneus doit être excellent, car les
TRX sont fabriqués par lots et parfois il faut attendre plusieurs semaines
avant qu'une re-fabrication soit lancée. Il est impératif également
qu'une BB 512i soit entretenue par un professionnel qui connaît les Ferrari
tant certaines caractéristiques peuvent entraîner des conséquences
fâcheuses. Par exemple, inutile de vouloir lever l'auto avec un cric mobile
d'atelier en plaçant ce dernier sous la boîte de vitesse. Il faut
lever l'auto de chaque côté des trains arrière. Bien que le
capot arrière dévoile toute sa mécanique et la rende plus
accessible que sur une Lamborghini
Countach, il ne faut pas se réjouir trop vite tant certains organes
sont compliqués d'accès grevant ainsi le coût de l'intervention.
Il conviendra également de ne pas noyer le moteur à froid, cas fréquent
par des néophytes, sous peine de devoir changer les 12 bougies, qui heureusement
restent encore très classiques et peu chères en comparaison des
Ferrari modernes. Enfin, pour les amateurs de sorties circuit, il faudra prévoir
un budget très conséquent pour les pneus, les freins et l'embrayage.
D'ailleurs une paire de jantes avec d'autres pneus que les TRX seraient les bienvenues
PRODUCTION
Ferrari 365 GT4 BB 387 ex.
Ferrari
BB 512 929 ex.
Ferrari BB 512i 1 007 ex.
TOTAL FERRARI " BB " : 2 323 ex.
::
CONCLUSION
Une Ferrari reste toujours un moment magique, surtout pour
les acheteurs potentiels. Mais une BB 512i c'est la Ferrari au superlatif ! Celle
qui coiffe une gamme avec un inévitable 12 cylindres
mais cette fois-ci
il est à plat comme sur les F1 victorieuses de l'époque. La Ferrari
BB 512i a révolutionné les " dinosaures " et fait entrer
de plein pieds les supercars routières de Maranello dans l'ère moderne.
La BB aujourd'hui encore possède un pouvoir de séduction intact,
et est nettement plus facile à conduire qu'une Daytona ou une 275 GTB.
En revanche, pour la partie budget, elle reste une Ferrari tant l'achat que l'entretien
ne sont pas à la portée de tous hélas...
Nous
tenons à remercier Bernard Chevallier de la société Dino
Sport qui assure lentretien de ce très bel exemplaire
pour a patience et sa gentillesse lors de la prise des photos et pour ses conseils
éclairés. Pour en savoir plus : Dino Sport - Téléphone/Fax
: 01 39 61 51 44 Bezons (95) |