FERRARI BB 512i (1981 - 1984)
Boxer magique...
Après la charismatique 365 GTB4 Daytona, Ferrari et Pininfarina révolutionnent leurs habitudes avec la nouvelle 365 GT4 BB. Moteur central arrière 12 cylindres à plat et une ligne à couper le souffle vont caractériser la nouvelle supercar qui couronne la gamme Ferrari. Mais le boxer Ferrari se doit d'évoluer pour survivre en pleine crise énergétique avec des normes antipollution toujours plus sévères. Après quelques modifications, la BB 512i arrive pour remettre tout le monde d'accord...
Texte & photos : Nicolas LISZEWSKI
Ferrari avait été piqué au vif par Lamborghini et sa très innovante Miura. Il faut avouer que dans le même temps la présentation de la Ferrari Daytona qui restait très conservatrice avait de quoi surprendre sur le marché des supercars. Cela n'a toutefois pas réellement handicapé la Daytona puisque elle connu tout de même une carrière très honorable (environ 1 350 exemplaires) et une cote d'amour qui aujourd'hui encore surclasse sa rivale italienne. Mais Ferrari pris le taureau par les cornes (!) et changea son fusil d'épaule ou plutôt son moteur de côté...
Lors de la présentation de la Ferrari 365 GT4 BB au salon de Turin en 1971, les visiteurs découvrent médusés la ligne très pure de la nouvelle Ferrari et son implantation centrale arrière. Comme sur les Ferrari de Formule 1 ! D'ailleurs Maranello ne se prive pas pour rappeler que le nouveau moteur 12 cylindres boxer qui a donné son nom à cette Ferrari est dérivé de celui qui équipe ses voitures de course. Toutefois, la revendication d'une telle filiation est pour le moins osée puisque la nouvelle venue dispose notamment d'un carter humide. Plutôt un choix incongru sur une auto de ce rang et dotée d'un châssis si performant.
Mais plus encore que les quelques défauts qui caractérisent cette nouvelle Ferrari, ce sont surtout les multiples crises énergétiques avec des normes anti-pollution de plus en plus sévères et une répression routière accrue qui risque de sonner le glas de la nouvelle supercar Ferrari. Les clients vont-ils en effet toujours craquer pour auto qui ne possède aucun aspect pratique, que deux places, qui consomme énormément (avec un prix du carburant qui grimpe en flèche), et des képis qui fleurissent sur les bords des routes en même temps que les limitations de vitesses ? C'était sans compter sur la magie Ferrari mais aussi l'opiniâtreté des techniciens de Maranello qui ne cesseront de faire évoluer la saga " BB " pour la maintenir dans la course, même si quelques poignées de chevaux feront leurs valises. Une mise au point permanente
DESIGN
Difficile d'imaginer un autre partenaire que Pininfarina pour dessiner une Ferrari. Il y eut bien quelques infidélités mais sans réel succès et il n'est donc pas étonnant que le maître carrossier turinois soit aux crayons sur la Ferrari BB 512i. D'ailleurs, il a retravaillé son dessin qu'avait étrenné la 365 GT4 BB. Par rapport à sa devancière, la BB 512i a connu quelques modifications de détails. Le bouclier avant a hérité d'un spoiler aérodynamique suite aux études dans la toute nouvelle soufflerie de Pininfarina. Il améliore ainsi la stabilité à haute vitesse. Les clignotants avant glissent dans la fine lame de pare-chocs et les feux arrière sont désormais ronds par paire de deux et non plus par trois. Une prise d'air Naca est apposée sur le bas des flancs devant la roue arrière afin d'optimiser le refroidissement des freins. Toujours dans les modifications utiles plus qu'esthétiques dictées par le travail en soufflerie le toit est légèrement modifié. Pour mieux asseoir l'auto au sol et améliorer encore sa tenue de cap à haute vitesse les roues sont plus larges et de même dimension à l'avant et à l'arrière, imposant ainsi un élargissement de 3 cm de la carrosserie.
Certains amateurs avaient été très critiques sur la ligne de la lignée des " BB " lors de sa sortie. Il est vrai qu'avec le recul des années on pourrait lui reprocher un porte-à-faux avant très prononcé. Mais la " BB " va pourtant initier un style typé berlinette pour une supercar ce qui était plutôt nouveau, et elle va marquer de son empreinte le style Ferrari pendant des années encore. La Ferrari 308 lui devra d'ailleurs beaucoup. On retrouve sur la BB 512i de nombreux détails qui concourent à entretenir la passion Ferrari : jantes Cromodora cinq branches avec écrou central " papillon ", loquets de portières très fins et élégants, petits rétroviseurs, phares escamotables, aileron dans le prolongement du toit, essuie-glace à la cinématique particulière (articulation " pantographe ")
HABITACLE
L'habitacle a très peu évolué par rapport au 365 GT4 BB et BB 512. Les sièges sont communs à la version 512 (contrairement à ceux de la 365 GT4 BB), mais reçoivent, et c'est nouveau, une sellerie mixte cuir Connolly alliée en option à un tissu pur laine vierge entièrement réalisée par Ermenegildo Zegna pour un confort et une perméabilité accrus. Ferrari annonce également une isolation thermique plus efficace et une plus grande résistance au feu. La position de conduite est améliorée ce que constatera d'ailleurs à l'époque José Rosinski dans Sport Auto, souvent handicapé par sa grande taille dans les autos sportives. La présentation est très sportive mais la finition reste critiquable notamment sur la qualité des matériaux employés et leur résistance aux outrages du temps.
Dans les petites particularités, on notera un habitacle avec un équipement de série plutôt généreux pour l'époque (vitres électriques, climatisation, ) et également un auto radio en deux parties de chaque côté du poste de pilotage ! Accessoires qui sont incontournables chez Ferrari, le volant Momo trois branches frappé du Cavalino Rampante est face au pilote, et le levier de vitesse du haut de sa tige chromée coudée coulisse toujours dans la grille faite du même métal. L'ergonomie du poste de conduite ne soufre pas la critique pour la partie conduite pure, puisque le levier tombe idéalement sous la main et les quelques réglages manuels du siège permettent une position idéale, sauf pour les très grands gabarits. Une particularité propre à toutes les Ferrari, juste devant le volant se trouve la plaque d'identification de la voiture avec le numéro de châssis.
MOTEUR
C'est l'ingénieur De Angelis qui eut la paternité de ce moteur boxer qui n'en est pas un vrai ! Scoop ? Non pas réellement, mais un vrai moteur boxer possède ses pistons qui se déplacent de manière opposée alors que dans le cas de la " BB ", les pistons se déplacent dans le même sens. Initialement dévoilé en 4,4 litres, ce moteur se distingue par de très nombreuses attentions. Maranello a réalisé une magnifique pièce de fonderie avec un bloc cylindres en alliage léger (Silumine), dans lequel des chemises en fonte sont calées. Sur le moteur de la BB 512i, la cylindrée passe à 5 litres (4943 cm3 plus exactement) par un une légère augmentation de l'alésage (de 81 à 82 mm) mais surtout grâce à un nouveau vilebrequin qui a permis d'allonger la course de près de 10% (de 71 à 78 mm). De la 365 GT4 BB à la BB 512, la puissance est restée stable à 360 ch, mais obtenus à un régime moteur inférieur. L'augmentation de cylindrée profite ainsi plus à la souplesse à bas régime qu'à la recherche de performance pure. Depuis la BB 512, le moteur a également largement évolué dans le bon sens avec enfin un carter sec (les premières 365 GT4 BB rencontraient des problèmes de déjaugeages dans les courbes rapides en appui !). De même un embrayage double disque plus costaud est monté.
Dans le cas qui nous intéresse, la BB 512i, une injection mécanique Bosch K-Jetronic a remplacé les quatre carburateurs double corps de la 512. La recherche d'atteinte des nouvelles normes antipollution a motivé ce choix, d'autant plus que la BB est la dernière Ferrari de la gamme à passer à l'injection après la 400i, la Mondial 8 et la 308 GTB et GTS. Ce passage à l'injection n'est toutefois pas une nouveauté pour les BB puisque les quelques exemplaires qui se sont illustrés en compétition, notamment au Mans, étaient déjà équipés d'une injection. En outre, à la différence de la Ferrari 400i, le compartiment moteur et surtout l'accessibilité mécanique (grâce au capot moteur qui bascule intégralement vers l'arrière) ont permis d'intégrer le volumineux système d'injection plus aisément.
Malheureusement pour les accrocs de la fiche technique et des statistiques de performances pures, la BB 512i en adoptant l'injection perd une vingtaine de chevaux sur l'autel de la dépollution pour se situer à 340 ch à 6000 tr/mn. Pas de quoi s'attrister pour autant avec tout de même des performances peu communes, aujourd'hui encore, avec près de 300 km/h en vitesse maxi et surtout un kilomètre départ arrêté en 25,1 secondes ! Pas de doute, même " dépollué ", le 12 à plat de la Ferrari BB 512i a du coffre et le fait savoir notamment à vos oreilles. Au ralenti, il ne tourne pas, il commence déjà vous faire vibrer les tripes ! Et dès les montées en régime, il sonne la charge Envoûtant et un plaisir dont on ne se lasse jamais. La boîte offre une heureuse surprise avec un maniement plutôt facile à chaud, contrairement aux légendes sur les Ferrari.
SUR LA ROUTE
Pour les dessous de la belle de Maranello, c'est l'ingénieur Bellei et son équipe qui s'est chargé de la conception. Il s'est inspiré du système composite apparu sur les Dino. Ce système est constitué d'un cadre de tubes de section carrée couvert sur les deux faces de tôles soudées. A l'avant et à l'arrière, deux berceaux en tubes de section également carrée sont adjoints et reliés entre eux par les montants de pare-brise et le toit. Le moteur et la boîte de vitesses sont fixés au cadre inférieur par des silent-blocs dont les pattes sont sur le carter moteur. La liaison au sol des quatre roues indépendantes est opérée par des triangles superposés avec des amortisseurs télescopiques, ressorts hélicoïdaux co-axiaux et barres stabilisatrices. Pour traquer les kilos superflus, la carrosserie est un patchwork de matériaux. La cellule centrale est en acier. Les boucliers avant et arrière sont en polyester. Les ouvrants basculants avant et arrière sont en alu et recouverts de polyester sur les parois intérieures. Quatre freins à disques ventilés largement dimensionnés sont prévus pour ralentir la " BB " et surtout pouvoir tenter de jouer au maximum le transfert des masses plus dur à obtenir avec une répartition des masses optimales. Les premières " BB " étaient équipées de jantes avec des pneus Michelin XWX. Mais pour la BB 512i, Michelin a prévu ses pneus TRX en 240/55 VR 415 ce qui obligea Cromodora à refaire de nouvelles jantes adaptées mais toujours à cinq branches. Petit détail, les jantes et pneus sont de même dimension aux quatre roues.
Hormis une direction un peu lourde qui fait bonne figure à haute vitesse et permet de mieux ressentir la chaussée, la BB 512i est facile à conduire. Certes, il faut laisser un temps d'adaptation pour que la montée d'émotion que connaît chaque amateur de sportives au volant d'une Ferrari se soit dissipée et que l'on ne subisse plus la voiture mais qu'au contraire on la pilote. La Ferrari offre un comportement très équilibré et vire à plat. Lorsque le pilote la presse un peu dans ses retranchements elle sous-vire ce qui peut demander beaucoup de doigté pour la mener rapidement dans des enchaînements. Car mine de rien, 340 ch sont tout de même distillés à la route par les seules roues arrière. Les capacités de ralentissements sont conséquentes sur la BB, grâce aux gros freins refroidis au maximum par les prises d'air multiples, mais ne comptez pas aller sur circuit et conduire franchement sans quelques modifications. L'auto pèse tout de même près d'une 1,6 tonnes Ce qui reste tout de même surprenant dans cette " BB ", c'est son confort (relatif) bien réel nous rappelant ainsi son statut de GT.
ACHETER UNE FERRARI 512BB
Plus que pour tout autre sportive, l'achat d'une Ferrari BB 512i devra passer au préalable par une inspection en règle et même une recherche d'historique du modèle convoité. Les frais de remise en état sont tels, qu'il vaut mieux fuir immédiatement toute auto au passé peu clair ou peu entretenu. Se rapprocher de clubs et spécialistes n'est d'ailleurs pas superflu, et il ne faut pas hésiter à aller en voir plusieurs avant de se décider. Cela permet ainsi de mieux estimer une auto en bon état et une en état moyen voire mauvais. Pour les prix, il faut compter environ 110 000 euros pour un exemplaire en très bon état. Un prix finalement honnête aujourd'hui pour une GT de ce rang et de ce pedigree (une Testarossa plus charismatique par sa ligne n'a jamais couru et est plus répandue !) et vu sa rareté sur le marché. Pour résumer, on peut s'acheter une BB 512i pour moins cher qu'une F430 ! L'état de la finition et des accessoires de la BB convoitée doit être bon car certaines pièces sont très dures à trouver.
Pour vous aider dans votre quête, il faut commencer par regarder attentivement les factures d'entretien. Les vidanges doivent intervenir tous les 5000 km pour le moteur et 15000 km pour la boîte. Les courroies de distribution doivent être remplacées tous les 40000 km ou tous les 3 ans. Une auto qui n'aura pas tourné depuis longtemps devra également passer par cette opération pour plus de sécurité. Attention également à l'état du circuit de refroidissement, car certains conduits passent dans les flancs de l'auto et là des frais inconsidérés seraient à prévoir. La transmission est à surveiller et à ménager car elle est plutôt sous dimensionnée par rapport au couple et à la puissance du moteur. L'embrayage n'est lui non plus pas un modèle d'endurance et il conviendra d'avoir bien libéré l'embrayage avec de remettre les gaz brutalement. L'état des pneus doit être excellent, car les TRX sont fabriqués par lots et parfois il faut attendre plusieurs semaines avant qu'une re-fabrication soit lancée. Il est impératif également qu'une BB 512i soit entretenue par un professionnel qui connaît les Ferrari tant certaines caractéristiques peuvent entraîner des conséquences fâcheuses. Par exemple, inutile de vouloir lever l'auto avec un cric mobile d'atelier en plaçant ce dernier sous la boîte de vitesse. Il faut lever l'auto de chaque côté des trains arrière. Bien que le capot arrière dévoile toute sa mécanique et la rende plus accessible que sur une Lamborghini Countach, il ne faut pas se réjouir trop vite tant certains organes sont compliqués d'accès grevant ainsi le coût de l'intervention. Il conviendra également de ne pas noyer le moteur à froid, cas fréquent par des néophytes, sous peine de devoir changer les 12 bougies, qui heureusement restent encore très classiques et peu chères en comparaison des Ferrari modernes. Enfin, pour les amateurs de sorties circuit, il faudra prévoir un budget très conséquent pour les pneus, les freins et l'embrayage. D'ailleurs une paire de jantes avec d'autres pneus que les TRX seraient les bienvenues
CHRONOLOGIE
1971 : Au salon de
Turin, présentation de la première Ferrari 365 GT4 BB équipée
d'un moteur 12 cyl. Boxer de 4,4 litres.
1973 : Commercialisation de
la Ferrari 365 GT4 BB, deux ans après (!) sa présentation.
1975 : Niki Lauda devient champion du monde de F1 des pilotes sur sa Ferrari équipée
d'un moteur 12 cyl. Boxer dont dérive celui de la BB.
1976 :
La Ferrari 365 GT4 BB devient Ferrari BB 512 et évolue sur de très
nombreux détails : moteur 12 cyl. Boxer de 5 litres à carburateurs,
habitacle revu, dimensions extérieures, bouclier avant modifié
1977 : Deuxième titre pilote de Niki Lauda sur sa Ferrari de Formule 1.
1979 : Jody Schekter remporte le titre de champion du monde des pilotes en Formule
1 sur sa Ferrari.
1981 : La Ferrari BB 512 reçoit une injection
mécanique Bosch K-Jetronic pour mieux passer les normes antipollution.
1984 : Ferrari arrête la production de la série des " BB "
après 2 323 exemplaires produits.
Présentation de la nouvelle
Ferrari Testarossa.
1988 : En août, Enzo Ferrari décède
à Modène au moment du 40e anniversaire de la création de
Ferrari.
PRODUCTION
Ferrari 365 GT4 BB : 387 exemplaires
Ferrari
BB 512 : 929 exemplaires
Ferrari BB 512i : 1 007 exemplaires
TOTAL FERRARI "BB" : 2 323 exemplaires
CARACTERISTIQUES TECHNIQUES
FERRARI BB 512i
MOTEURType : 12 cylindres à plat, 24 soupapes, 2 arbres à cames en tête
Position: longitudinal central AR
Alimentation : Injection mécanique Bosch K-Jetronic.
Cylindrée en cm3 : 4 942
Alésage x course (mm) : 82 x 78
Puissance ch DIN à tr/mn : 340 à 6 000
Couple maxi en mkg à tr/mn : 46 à 4 200
TRANSMISSION
AR + pont autobloquant en option
Boîte de vitesses (rapports): mécanique (5)
ROUES
Freins : 4 disques ventilés AV (Ø 288 mm) et AR (Ø 297 mm)
Pneus : Michelin TRX AV et AR 240/55 VR 415
POIDS
Données constructeur (kg) : 1 580
Rapport poids/puissance en kg/ch DIN : 4,64
CONCLUSION
Une Ferrari reste toujours un moment magique, surtout pour les acheteurs potentiels. Mais une BB 512i c'est la Ferrari au superlatif ! Celle qui coiffe une gamme avec un inévitable 12 cylindres… mais cette fois-ci il est à plat comme sur les F1 victorieuses de l'époque. La Ferrari BB 512i a révolutionné les " dinosaures " et fait entrer de plein pieds les supercars routières de Maranello dans l'ère moderne. La BB aujourd'hui encore possède un pouvoir de séduction intact, et est nettement plus facile à conduire qu'une Daytona ou une 275 GTB. En revanche, pour la partie budget, elle reste une Ferrari tant l'achat que l'entretien ne sont pas à la portée de tous hélas...
Mythe !
Performances
Ligne sculpturale
Châssis sportif
Présentation
Moteur !
Première Ferrari 12 cylindres moderne
Boîte facile
Budget achat !
Direction dure
Délicate à la limite
Usage restrictif
Coût de l'entretien
Nécessite beaucoup d'attentions pour bien vieillir
Attise la jalousie
Nous tenons à remercier Bernard Chevallier de la société Dino Sport qui assure lentretien de ce très bel exemplaire pour a patience et sa gentillesse lors de la prise des photos et pour ses conseils éclairés.