MASERATI GRANTURISMO Folgore (2024 - )

Coup de foudre ?
La Maserati GranTurismo revient dans une toute nouvelle génération. Si sa plastique ne le met pas beaucoup en évidence, aucun élément technique n'est repris de sa devancière. Le merveilleux V8 laisse sa place à deux nouvelles motorisations : 100% thermique grâce à un V6 bi-turbo ou bien 100% électrique avec la "Folgore". Deux salles, deux ambiances ?
Texte : Maxime JOLY
Photos : Sébastien DUPUIS
C'est le paradoxe actuel chez Maserati. Jamais depuis les années 70 il n'y avait eu simultanément dans la gamme deux coupés de tel standing : MC20 et GranTurismo II. Cela rappelle les époques bénies des supercars et 2+2. Paradoxal car, malgré cette gamme sublime, le refus des précédents dirigeants de prendre le virage de l'hybride rechargeable a actuellement un effet catastrophique sur les ventes...
C’est en novembre 2019, soit plus de 5 ans après la présentation du cioncept-car Alfieri (voir encadré) que la Maserati GranTurismo première du nom tire – enfin – sa révérence après 12 ans de bons et loyaux services. 28 805 exemplaires de GranTurismo et 11 715 exemplaires de GranCabrio seront sorties des chaînes de Modène. Cela sans compter les 1000 châssis ayant servis à l’Alfa Romeo 8C. La mauvaise nouvelle est qu’il aura fallu attendre 2022 pour avoir les premiers teasers d’une nouvelle GT... qui n'arrivera finalement qu'en 2024. La bonne nouvelle néanmoins est que la plateforme technique est totalement inédite ! Il faut donc relativiser la soi-disant absence d’investissements chez Maserati, un discours que l’on entend souvent de la part de ceux qui voudraient que le Trident retourne sous la tutelle du Cheval Cabré.
CONCEPT MASERATI ALFIERI
En 2014, Maserati présente le superbe concept car Alfieri, censé prendre la relève de la GranTurismo. Dans les faits, elle aurait pris la suite des 3200 GT et Coupé 4200, du fait d'une longueur plus raisonnable de 4m59, en comparaison des 4m88 de la première GT. S’il est plus que probable que le succès aurait été au rendez-vous, il faut toutefois tempérer certaines choses. D’abord, il n’existe alors pas de nouvelle plateforme capable d’en faire un nouveau modèle à proprement parler. Cela aurait signifié de repartir sur une GranTurismo. C’est d’ailleurs ce qui explique que le concept soit en réalité une MC Stradale recarrossée. De plus, le V8 atmo de 4,7 litres n’aurait pas été reconduit sur le modèle de série, et aurait été remplacé par les V6 et V8 bi-turbo de la Quattroporte VI. Ce concept rappelle que les plans produits n’engagent que ceux qui y croient, selon la formule consacrée, aussi bien chez FCA (Fiat Chrysler Automobiles) que Stellantis, l’Alfa 8C de 2018 étant devenue la Maserati MC20 (comme détaillé dans notre essai)…
PRESENTATION
La GranTurismo a grandi d’une génération sur l’autre, en passant de 4m88 à 4m96. C’est toujours un point négatif pour nous autres européens car nos rues et places de parking n'ont pas évolué. Le constructeur italien a toutefois pris le parti de ne pas métamorphoser le design de sa précédente GranTurismo, mais de la moderniser tout en l’adaptant à la gamme actuelle, notamment en ce qui concerne les phares verticaux. Sur le principe, c’est une bonne idée tant la GT était à la fois racée et séduisante. Maserati assume clairement cette filiation. Cependant, cela peut être à double tranchant lorsque l’on n’a pas le statut d'icône comme Porsche avec sa 911. Car, vu de loin, beaucoup s'imagineront qu'il ne s’agit que d'un restylage. C’est donc au constructeur d’être bon sur sa communication pour expliquer que c’est un tout nouveau véhicule.
Un des codes les plus distinctifs et représentatifs du design de la GranTurismo II est son « cofango ». Ce terme est l’association des « cofano » (capot) et « parafango » (bouclier) pour désigner un composant de la voiture né de l’union de ces deux pièces de carrosserie. Le « cofango » de la GranTurismo a une surface de plus de 3 m². Concernant la version Folgore, le plus facile pour la reconnaître est de chercher... les échappements. La calandre spécifique de la Folgore allie également des inserts noir brillant à une base noir silk légèrement anodisée. La lame avant, les poignées et la poignée du coffre sont en noir brillant, tandis que l'inscription Folgore, le logo du Trident, les inscriptions Maserati et GranTurismo sont de couleur dark copper. Sinon, vous pouvez tenter votre chance avec les jantes mais ça ne fonctionne pas à coup sûr... La preuve avec notre modèle d’essai qui n’a pas les jantes pleines aérodynamiques. En plus des nombreuses possibilités de personnalisation du programme Fuoriserie, il existe également un vaste choix de couleurs sur les étriers de frein.
LA GAMME GRANTURISMO II
Elle est articulée en trois variantes : deux V6 (Modena et Trofeo) débutant respectivement à 160 650 € et 201 200 € et la Folgore affichée à partir de 199 950 €. Les Modena et Trofeo se distinguent par leurs niveaux de puissance (490 contre 550 chevaux) et d’équipement de série. Moins de 500 chevaux pour un V6 et plus de 160 000 € à débourser, sans compter le malus Co2 dont est épargnée la Folgore, les prétentions sont élevées chez Maserati... et malheureusement trop d’après les alarmants chiffres de ventes et production. Sans doute manque-t-il encore une version plus accessible, par exemple en propulsion. En effet, outre le fait que la GranTurismo II soit une 4 places à moteur avant, elle se différencie d’autant plus de la MC20 qu'elle impose la transmission intégrale.
HABITACLE
L’intérieur de la nouvelle Maserati GranTurismo II est sobre et, surtout, de bonne facture. Historiquement irréprochable, la qualité des habitacles a régulièrement fluctué avec les aléas financiers rencontrés par Maserati. Ces difficultés ont fini par se voir à l’intérieur à partir des années 80 (et même avant sur les premières Merak à intérieur de SM) et jusqu’à la GT (les fameux boutons qui collent « à la Ferrari ») ou bien encore l’autoradio de Peugeot 307 dans la première GranTurismo…
Les écrans se sont par ailleurs imposés dans le poste de pilotage. Cette Maserati ne fait pas exception avec le cockpit digital épaulé par un écran central de 12,3''. La montre Maserati, elle aussi digitale, n’est pas oubliée, en haut et au centre. On ne peut toutefois pas s’empêcher de reprocher que toutes les fonctionnalités, dont la ventilation, se gèrent par l’interface de la tablette. Certains constructeurs en reviennent, espérons que ça sera le cas de Maserati sur les prochains modèles.
Par ailleurs, ne cherchez pas de levier de vitesse et ce n'est pas spécifique à notre GranTurismo électrique. Comme sur la MC20, la commande de boîte est transférée vers des boutons (parking, marche arrière, neutre et drive) directement sous l'écran central. Si cela demande un peu de temps pour s’y habituer, cela a le mérite de libérer de l’espace pour des rangements. N'espérez pas non plus différencier les versions thermiques et électrique par la présence des palettes au volant ; les (très belles) palettes fixes en aluminium servent à gérer le degré de régénération du freinage sur la Folgore.
Enfin, le luxe s’entretient aussi par un catalogue d’options. Ainsi, vous trouverez le DC Booster, Pack confort Trofeo & Folgore, le système audio High Premium Sonus Faber (19 haut-parleurs), le système caméra 360° - Mur 2D et virtuel ou encore les sièges avant ventilés.
MOTEUR
De manière parfaitement incompréhensible, Maserati annonça dans ses bande-annonces une puissance de 1200 chevaux pour la GranTurismo Folgore. S’il s’agit effectivement de la puissance théorique additionnée de chacun des trois moteurs électriques, la puissance homologuée est quant à elle de 761 chevaux pour 1 350 Nm, en overboost pendant 30 secondes. Mais même avec cette puissance limitée par la batterie, les performances sont stratosphériques comme en témoignent le 0-100 km/h catapulté en 2,7 secondes, le 0-200 km/h en 8,8 secondes et même une vitesse maximale de 325 km/h atteinte en 32 secondes. Même si nous sommes conscients que la vitesse de pointe d’une électrique est sans réelle valeur, compte tenu de la consommation à ces vitesses.
Pour parvenir à de tels chiffres, Maserati a développé une plateforme spécifique. Il faut donc impérativement distinguer ce modèle des autres de la gamme, à commencer par le Grecale Folgore qui utilise une évolution peu convaincante de la plateforme Giorgio, initiée par l’Alfa Romeo Giulia. Les petits plats ont été mis dans les grands afin d’offrir une technologie 800 volts. La presse est d’ailleurs unanime sur le bond technologique opéré par Maserati. Ces investissements conjugués aux faibles volumes de vente d’un tel produit donnent une indication sur la cause des tarifs hors sol. Cependant, ce n’est pas en faisant une tarification lunaire que l’on rentabilise les investissements si la clientèle n’existe pas. Un partage avec un autre modèle Stellantis semble indispensable pour faire baisser les coûts…
La GT Folgore est animée par trois moteurs à aimant permanent - un à l’avant et deux à l’arrière - de type "flux radial", une technologie qui profite d'une densité de puissance/couple supérieure à celle des moteurs à induction. Cependant, l'évacuation efficace de la chaleur des composants internes est essentielle. On oublie que Maserati est engagé dans divers compétitions automobiles. Bien que peu médiatisés, ses résultats sont d'ailleurs excellents en GT2 European Series avec la MC20, mais il y a également l’écurie Maserati MSG Racing avec la Tipo Folgore. Ainsi, l’onduleur SiC (au carbure de silicium) qui accompagne ces moteurs est un héritage direct de la Formule E. La batterie à refroidissement liquide est, quant à elle, produite à Turin, au Mirafiori Battery Hub, et affiche une capacité nominale de 92,5 kWh et une capacité de décharge de 560 kW. Le choix technique sur la forme de la batterie est novateur car elle est dite « T-Bone », en rapport à sa forme. Cela a permis de ne pas mettre les modules de batterie sous les sièges, mais de les positionner principalement à l'avant, dans le tunnel central et derrière les sièges, ce qui offre l’avantage d’abaisser considérablement le point « H » du véhicule, limitant par la même occasion la hauteur. Une solution également retenue par Porsche sur sa Taycan. Maserati insiste d'ailleurs sur le fait que le coupé GranTurismo Folgore est la voiture électrique la plus basse du marché.
A la conduite, la GT Folgore peut montrer plusieurs visages. D’abord parce qu’il y a de nombreux modes de conduite, allant du Max Range favorisant l’autonomie au Corsa, privilégiant puissance et un comportement joueur. Le GT est un bon compromis avec 80% de la puissance maximale disponible. Pour avoir toute la puissance, il faut être au moins en Sport. Nous avons apprécié qu’il soit assez naturel de doser les accélérations (et les reprises) avec une pédale progressive. Il est possible d’aller très vite comme d’être plus doux pour un(e) passager(e)... et son permis.
En revanche, il n’y a pas de miracle sur les sensations de vitesse. Ce n’est pas le son artificiel, sans intérêt et non désactivable, qui permet de se rendre compte de l’allure. Il est clair que sur ce plan, Hyundai a démodé le monde des électriques avec son système génial de simulateur sur la Ioniq 5 N. On attend évidemment autre chose d’une Maserati. Ferrari semble en être conscient si l’on en croit les rumeurs d’un procédé assez proche de celui des Coréens de N…
La consommation moyenne de 23kW/100 km relevée sur l’ensemble de notre essai est correcte compte tenu du rythme soutenu, de la puissance et du poids. En conditions réelles avec le couteau entre les dents, cela donne environ 350 km d’autonomie. Et si la recharge peut être faite en un éclair jusqu’à 270 kW, encore faut-il trouver les bornes compatibles. Une recharge plus modeste sur du 50 kW s’avère être en outre nettement plus intéressante financièrement. Pour être transparent, notre escapade en Normandie nous a coûté 17,41 euros de recharge à l'occasion d'une pause déjeuner !
SUR LA ROUTE
La première Maserati GranTurismo avait 3 éléments distinctifs pour se distinguer de la concurrence : son design intemporel, son V8 à la sonorité ensorcelante et son tempérament joueur. Pour le reste, c’était quand même beaucoup de défauts, à commencer par une plateforme préhistorique doublée d’un amortissement trop peu rigoureux. Mais c’étaient des défauts que l’on pouvait accepter à sa sortie avec des tarifs cohérents.
Pour cette nouvelle génération, on est sur l’exact opposé. Les ingénieurs du Maserati Innovation Lab sont repartis de zéro et ont eu carte blanche pour concevoir "leur" plateforme avec l'ambition de ne céder à aucun compromis. Cela ressemble beaucoup à ce qui fut réalisé chez Alfa Romeo pour la Giulia. Voici deux exemples qui nous font dire qu’il est dommage que les financiers ne laissent pas plus souvent les coudées franches aux ingénieurs. Ainsi, la coque de la GranTurismo II privilégie des matériaux coûteux tels que l'aluminium et le magnésium, aux aciers réservés aux parties les plus critiques. Au final, plus de 65 % de la GranTurismo II est en aluminium.
Mais c’est surtout la polyvalence de la plateforme STLA qui est à mettre en avant, car rares sont ces plateformes modulaires thermiques/électriques à être réussies ! Instantanément, la direction incisive charme le conducteur. On remarque un bouton permettant de gérer l’amortissement piloté indépendamment du mode de conduite. L’amortissement est relativement ferme, rien d'étonnant compte tenu des 2 260 kg, à sec, annoncés. Les sièges ergonomiques et bien rembourrés permettent néanmoins de conserver un excellent niveau de confort, digne d’une GT de luxe.
Mais c’est en mode "attaque" que l’on tient à voir les progrès réalisés sur cette GranTurismo II. A moins de passer en Corsa, la première différence perceptible au volant est que l’Italienne utilise intelligemment ses 4 roues motrices. Par expérience, les électriques 4 roues motrices ne sont pas toujours exemptes de reproche à la conduite, la faute à une tendance accrue au sous-virage. Dans le cas de la GT, la prédominance de la propulsion est notable. Elle est même réelle en Corsa. Précisons que notre modèle d’essai n’avait pas exactement les mêmes Pirelli PZero à l’avant et à l’arrière. Les PZero Eco n’étaient « heureusement » qu’à l’avant. Tant mieux pour canaliser la fougue sur les roues arrière, dommage pour la stabilité du train avant qui en a pâti. Sans compter la légère dégradation subie sur l’homogénéité du véhicule…
Malgré ce montage peu orthodoxe, la grande et lourde GT de Maserati se montre douée partout, y compris dans le très sinueux. Un exercice où on pourrait l’imaginer peu à son aise. La faible hauteur de caisse fait qu’il n’a pas été nécessaire d’opter pour les barres antiroulis actives. Mais Maserati s’est même octroyé le droit de se priver des 4 roues directrices. La GranTurismo Folgore fait malgré tout preuve d’une insolente agilité. Le choix des deux moteurs électriques à l’arrière permet de paramétrer un Torque Vectoring des plus efficaces. Ces deux moteurs sont totalement autonomes sans aucune liaison mécanique entre les roues. Le mode Corsa est configuré avec à la possibilité de délivrer 100 % de la puissance uniquement à l’essieu arrière en configuration propulsion pure ou jusqu’à 400 chevaux sur une unique roue arrière. Le T-Bone profite également à la maniabilité du coupé : toutes les masses sont positionnées près de l’axe de roulis faisant que le moment d’inertie est très faible. Ces derniers éléments font de la Folgore un modèle nettement plus dynamique que son homologue thermique !
Hors supercars MC12 et MC20, et série spéciale MC Stradale dans sa version originale bi-place comme nous l’avions essayée, nous n’avions plus connu de coupé Maserati aussi dynamique depuis la GranSport (très différente du pataud Coupé 4200). Compte tenu de la réussite de cette nouvelle GranTurismo électrique, nous aurions été curieux d’essayer la MC20 Folgore. Mais comme annoncé en février dernier, Stellantis a décidé l’annulation de la MC20 Folgore (baptisée MC25 en interne). Il y aura donc bien un restylage de la MC20 mais sans version électrique, la raison étant que Maserati a compris, malheureusement un peu trop tard, qu'il n'y avait pas de marché actuellement pour ce genre de modèle...
CARACTERISTIQUES TECHNIQUES
MASERATI GRANTURISMO Folgore
MOTEURType : machine électrique à flux radial (x3)
Position : 1 essieu AV + 2 AR
Alimentation (capacité nette): 800V, batterie lithium-Ion (83 kWh)
Puissance maxi (ch DIN) : 761
Couple maxi (Nm) : 1350
TRANSMISSION
4x4 avec Torque Vectoring
Boîte de vitesses (rapports) : directe (1)
ROUES
Freins Av-Ar (Ø mm) : disques ventilés (380), étriers fixes 6 pistons - disques ventilés perforés (350), étriers fixes 4 pistons
Pneus Av-Ar : 265/35 ZR20 - 295/30 ZR21
POIDS
A vide constructeur (kg) : 2260
Rapport poids/puissance (kg/ch) : 3

PERFORMANCES
Vitesse maxi (km/h) : 325
0 - 100 km/h : 2"7
0 - 200 km/h : 8"8
CONSOMMATION
Cycle combinée WLTP (kWh/100 km) : 22,1
Moyenne de l'essai (kWh/100 km) : 23
CO2 (g/km) : 0
PRIX NEUF (03/2025) : 199 950 €
PUISSANCE FISCALE : 34 CV
CONCLUSION
La Maserati GranTurismo affiche enfin un tempérament réellement dynamique. Surpuissante, la nouvelle version électrique Folgore est un produit réussi. Aux dires de certains confrères, elle est même plus intéressante que son homologue V6, un beau compliment ! Cependant, à ce prix, il lui manque probablement l'émotion sonore typique d'une Maserati pour convaincre totalement…
Châssis / amortissement
Performances / reprises folles
Direction
Freinage
Recharge rapide / coûts de roulage
Présentation intérieure en progrès
Fausse sonorité sans intérêt
Masse / gabarit
Tarifs hors sol
Quelle clientèle pour une telle version ?