| DELIRE NIPPON Lorsqu'un constructeur de motos, 
                très connu et renommé, consultant de luxe en engineering 
                pour les constructeurs automobiles, décide de concevoir une 
                supercar, cela peut en surprendre plus d'un. Pourtant à la 
                fin des années 80 et au début des années 90, 
                la flambée des prix aux enchères des voitures anciennes 
                et d'exception ont suscité les convoitises. Chaque constructeur 
                veut avoir sa supercar, quitte à y perdre son âme et 
              ternir son image... Texte : 
              Nicolas LISZEWSKIPhotos : D.R.
 Yamaha était connu du grand public 
              pour ses articles de sport, les chaînes hi-fi, les pianos 
              et évidemment les motos. Des domaines dans lesquels Yamaha 
              s'est toujours distingué par la qualité de ses produits. 
              Toutefois, les plus érudits d'entre-nous se souviendront 
              que Yamaha a une présence régulière dans l'automobile, 
              qui tient plus dans l'engineering et le développement de 
              moteurs et de certains projets que dans la fabrication et la commercialisation 
              pure. Ainsi, dès les années 60 un projet de coupé 
              sportif pour le compte de Mazda va finalement être revendu 
              à Toyota pour devenir la Toyota 2000 GT. Plus récemment, 
              dans les années 80, Yamaha avait fourni des moteurs V8 de 
              Formule 1 à l'écurie allemande Zakspeed, sans grand 
              succès. Mais les dirigeants de Yamaha ont récidivé 
              avec l'écurie de Formule 1 Brabham, alors à l'agonie, 
              en 1991 puis Jordan en 1992. C'est un V12 3,5 litres 60 soupapes 
              qui tentait donc d'imposer la marque Yamaha en Formule 1. Mais les 
              casses à répétition et les piètres performances 
              de Jordan (une déception comparée à sa première 
              saison en 1990) ne vont pas servir Yamaha dans son projet ambitieux 
              : construire une supercar dont le concept est d'être ni plus 
              ni moins une Formule 1 routière ! La Yamaha ox99-11, c'est 
              son nom, sera donc étudiée et développée 
              pendant 1991 et 1992. L'euphorie du marché des automobiles 
              d'exception et des supercars donne des idées à de 
              nombreux constructeurs grands et petits. La presse sera officiellement 
              informée des développements et recevra également 
              un communiqué indiquant que l'aventure ox99-11 est arrêtée. 
              Trop chère, trop compliquée, pas assez performante 
              et cohérente dans un marché des supercars déjà 
              encombré, et surtout la crise du segment auront raison des 
              ambitions démesurées de Yamaha. DESIGN              La ligne de la Yamaha justifie à elle seule ce dossier sur 
              cette supercar. Pour l'étude de cette auto, Yamaha va s'associer 
              avec Ypsilon Technology, filiale de la firme basée à 
              Milton Keynes, sous la direction de Robin Herd (le " H " 
              initial de March) qui possède son propre bureau d'études 
              à Bicester. Il fut notamment impliqué avec Larrousse-Venturi 
              en Formule 1. La grande particularité du design de la Yamaha 
              ox99-11 est bien entendu la place du pilote et du cockpit. Bien 
              assis en position central, c'est un véritable habitacle digne 
              d'une monoplace de Formule 1. Et autour de ce cockpit entièrement 
              basculant vers la droite du véhicule, l'aérodynamique 
              est spécifiquement étudiée. Ainsi, la carrosserie 
              semble disparaître vers le sol à l'embase du cockpit. 
              Les deux doubles feux avant intégrés sous un globe 
              de plexiglas encadrent un aileron avant. Cela rappelle quelque peu 
              les réalisations (de mauvais goût) d'un tuner allemand 
              qui creusait les malles arrière de BMW en y intégrant 
              un aileron. Derrière le cockpit, la carrosserie pour sa partie 
              supérieure semble empruntée à la Jordan de 
              Grands-Prix. Elle sert en outre à accueilli la prise d'air 
              moteur et peut basculer entièrement vers l'arrière 
              pour dévoiler ses atours mécaniques. Des prises d'air 
              latérales sont encastrées dans les flancs en avant 
              des passages de roues arrière afin d'alimenter en air frais 
              les deux radiateurs d'eau latéraux. A l'arrière, deux 
              paires de double feux ronds tout simples semblent sortis d'une autre 
              époque et font anachroniques sur cette coque en alliage léger 
              sculptée par des bureaux d'études.  A BORD DE LA OX99-1Pour prévoir 
              à l'imprévu, les concepteurs de la Yamaha ox99-11 
              ont prévu un petit strapontin dans l'habitacle, derrière 
              le baquet du pilote. Un volant en peau retournée de 10 pouces 
              de diamètre était monté dans le premier prototype. 
              La planche de bord a délaissé les compteurs digitaux 
              des Formule 1 pour des compteurs analogiques plus classiques et 
              plus lisibles. Autre particularité, le sommet de l'habitacle 
              est tapissé de céramique pour faire écran au 
              rayonnement du soleil. Pour compléter ce dispositif, une 
              climatisation est montée en série, et les commandes 
              sont installées avec les autres autour de la boîte. 
              Inutile de préciser que l'accès à bord est 
              des plus délicats. La position de conduite, et surtout le 
              champ de vision est inhabituel mais très efficace, dans le 
              cadre d'une conduite sur circuit. MOTEUR              A voiture exceptionnelle, moteur d'exception. Pour animer sa supercar, 
              Yamaha a donc emprunté le moteur qui est monté dans 
              le châssis des Jordan F1 en Grands-Prix. Mais pas question 
              pour autant d'édulcorer cette brillante mécanique 
              pour l'adapter à la route. Ainsi, le V12 monté dans 
              la Yamaha ox99-11, d'une cylindrée de 3,5 litres (conformément 
              à la réglementation en vigueur en Championnat du Monde 
              de Formule 1), conserve les fonderies (bloc, culasse, et carter), 
              le vilebrequin, les bielles et même les 60 soupapes. En revanche, 
              pour permettre un usage plus civilisé, les arbre à 
              cames, les pistons ( à 3 segments au lieu de 2), les collecteurs 
              d'admission (à papillons et non à guillotines) et 
              d'échappement et la gestion électronique sont spécifique 
              à la Yamaha ox99-11. De chaque côté du V12, 
              un radiateur est installé. Bien entendu, pour l'usage routier, 
              ce V12 Yamaha est filtré et catalysé, d'où 
              la cartographie moteur spécifique. Le résultat de 
              ces études est mitigé. Si le régime maximum 
              de 11 000 tr/mn peut paraître flatteur, nous sommes loin des 
              valeurs maximales des moteurs de Formule 1, et surtout la puissance 
              de 400 ch est finalement très juste dans ce segment de la 
              course à la puissance. Pour mémoire, la McLaren F1              et son V12 atmo d'anthologie développait plus de 600 ch et 
              offrait une homogénéité remarquable, sans parler 
              des performances supersoniques. Aucune données chronométrées 
              n'avaient alors été délivrées par Yamaha 
              à la presse en 1992. Pour alimenter le V12, trois nacelles 
              de réservoirs en matériau souple (une de chaque côté 
              et une dans le dos) qui contiennent 120 litres d'essence. La boîte 
              de vitesses est transversale et à 6 rapports entièrement 
              synchronisés et commandée par câble. Mais au 
              cours du développement, elle ne donne pas entièrement 
              satisfaction. Trop lourde et trop encombrante, des essais avec la 
              suppression de quelques synchros seront tentés sans grands 
              succès. CHASSIS              C'est dans l'ancienne usine de Brabham à Milton Keynes, que 
              le châssis a été conçu et développé. 
              Avec une coque entièrement en carbone, le châssis de 
              la Yamaha ox99-11 revendique sa filiation avec la Formule 1. En 
              effet, sur la supercar japonaise, le moteur est directement boulonné 
              sur la coque en carbone, et est surtout porteur. Cela signifie que 
              c'est sur l'ensemble moteur-boîte que sont fixés les 
              suspensions arrière. Les suspensions à éléments 
              superposés (à triangle à l'avant et trapèze 
              à l'arrière) sont assurées par des ressorts/amortisseurs 
              actionnés par des poussants et des basculeurs avec naturellement, 
              de fermes barres anti-roulis. Les amortisseurs sont réglables 
              et les débattements limités à plus ou moins 
              50 mm, avec une garde au sol réglable (10 cm minimum). Très 
              surprenant, la direction n'est pas assistée et possède 
              une démultiplication très courte (à peine plus 
              d'un tour entre butées !). Lors des développements 
              les ingénieurs vont d'ailleurs monter un volant de 12 pouces 
              pour atténuer le défaut de lourdeur dans la direction. 
              Les jantes de 17 pouces sont chaussées de pneus GoodYear 
              type " pluie F1 " à bande de roulement asymétrique 
              et unidirectionnelle. Inutile de préciser que les sensations 
              de conduite d'un tel engin (non-identifié ?) sont uniques 
              et méritent certainement d'être vécues. ACHETER UNE 
              YAMAHA OX99-11                           Après avoir bien ri, il sera inutile de chercher dans les 
              petites annonces ou dans les ventes aux enchères une Yamaha 
              ox99-11. L'aventure de la supercar de Yamaha n'a pas dépassé 
              le stade des développements. La crise, le poids toujours 
              trop élevé, un tarif annoncé exorbitant (les 
              prix estimatifs annoncés étaient entre 3 et 7 000 
              000 de francs en 1992 !!). Trois exemplaires seulement ont été 
              fabriqués à notre connaissances, tous à des 
              stades de développement divers : " K2 OXY " qui 
              était de couleur rouge était la numéro 001 
              avec le moteur numéro 7. C'est le prototype initial, ordinairement 
              basé au Japon. Il a subit progressivement chaque évolutions 
              mécaniques ; " K3 OXY " qui était de couleur 
              verte était le châssis numéro 003 avec le moteur 
              numéro 3 était le mulet de rodage et a donc parcouru 
              beaucoup de kilomètres. Bardé de capteurs, il avait 
              déjà parcouru 3 000 km en Angleterre en octobre 1992 
              ; " K1 OXY " qui était de couleur noire avait le 
              châssis numéro 007 et le moteur numéro 4 était 
              le modèle de présentation à la finition soignée. 
              Ses étriers de freins étaient siglés Yamaha 
              et non AP. Pour l'anecdote, lors du développement et des 
              premières tentatives d'homologation de la Yamaha ox99-11, 
              les ingénieurs durent augmenter la taille des rétroviseurs 
              extérieurs, car dans certains pays l'absence de lunette et 
              de rétrovison arrière, entraîne l'application 
              du règlement poids-lourds. Pendant son développement, 
              on parlait au départ d'une série de 500 exemplaires, 
              puis d'une centaine, puis d'une cinquantaine, puis
 plus rien 
              du tout ! En 1993, l'aventure est terminée, et Yamaha remise 
              son égérie dans ses garages. Personne, à notre 
              connaissance, n'aura acheté cette supercar japonaise. Il 
              faut reconnaître qu'au-delà des circonstances et de 
              la conjoncture, la Yamaha n'aurait certes pas pu s'imposer. Trop 
              chère, pas assez performante, trop lourde et sans image, 
              sans parler de ses déboires en Formule 1, la Yamaha avait 
              la chronique d'un échec annoncé... PRODUCTION YAMAHA OX99-11 TOTAL (1992) : 3 exemplaires
 :: CONCLUSIONDélire total d'ingénieur, mais dans le mauvais sens 
              du terme, la Yamaha ox99-11 aura marqué les esprits par son 
              look de voiture du futur et sa technologie d'avant-garde. Mais le 
              marché devenu morose en 1992 pour les supercars et les déboires 
              nombreux de Yamaha en Formule 1 auront raison du projet. Dommage, 
              car en voir de temps à autre dans les grands évènements 
              automobiles mondiaux (salons, festivals Goodwood, Peable Beach
) 
            nous aurait bien fait plaisir. Un exercice de style finalement...
 CE QU'ILS EN ONT PENSE :"Dans l'immédiat, deux points semblent à corriger 
              urgemment : la direction, extrêmement lourde, et la commande 
              de boîte encore très imprécise. La première 
              dispose actuellement d'une démultiplication de F1 (à 
              peine plus d'un tour entre butées !) et on a déjà 
              tenter d'améliorer la situation sur 003 (le n° de châssis 
              NDLR) avec un volant de 12 pouces au lieu de 10. Pour la seconde, 
              diverses dispositions de câbles ont déjà été 
              expérimentées, mais le salut pourrait passer par des 
              solutions plus radicales. La boîte transversale actuelle, 
              entièrement synchronisée, est extrêmement lourde 
              et encombrante, et l'on pourrait prochainement se passer de quelques 
              synchros superflus. En conjonction avec diverses autres mesures, 
              cela permettra peut être de maintenir l'objectif de poids 
              fixé à 1000 kg
"
 SPORT AUTO - Octobre 1992 - Yamaha ox99-11.
 "Le moteur est directement issu du 
              V12/60 soupapes 3,5 litres qui anime les Jordan de Formule 1. Yamaha 
              n'annonce aucun chiffre de puissance ni de couple mais revendique 
              un régime maxi de 10 000 tr/mn dans cette version " 
              routière ", qui se distingue par de nouveaux collecteurs 
              d'admission et d'échappement, des profils d'arbre à 
              cames différents et d'une cartographie d'injection et d'allumage 
              spécifiques pour en " civiliser " le comportement. 
              Chaque banc de cylindre est pourvu d'un catalyseur trois voies. 
              Le V12 conserve son carter sec et est flanqué de deux radiateurs 
              d'eau latéraux."ACTION AUTO MOTO - HS Supercars Juillet 1994 - Yamaha ox99-11.
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