© L'AUTOMOBILE SPORTIVE (05/04/2004)
CRAVATE ET SURVETEMENT
Après avoir plusieurs fois
confirmé son talent sur base de Clio, Renault Sport s'attaque aujourd'hui
à la Mégane, une gamme riche de sept carrosseries, dont la berline a été
élue « Voiture de l’Année 2003 », mais dépourvue de tout intérêt
pour les amateurs d'automobiles "passion". Pour combler ce vide émotionnel,
la Mégane Renault Sport sous sa robe soigneusement retouchée, revendique
l’agilité, la vélocité et le plaisir de conduite d’une sportive tout en préservant
les qualités de confort, de sécurité et d’insonorisation d’une grande
routière...
Texte : Sébastien DUPUIS
Photos :
D.R.
Derrière toute la passion automobile
dont font preuve les gens de Renault Sport, se cache un service marketing bien
à l'écoute du marché. En 2002, près de 30 000 berlines compactes
sportives, concurrentes potentielles de la Mégane Renault Sport, ont été immatriculées
en Europe occidentale, contre 5 300 unités en 1998. Ce marché en pleine
croissance des "maxi-GTI",
initié notamment par l'Audi S3 et rejoint depuis par les Ford
Focus RS et autres Honda
Civic Type R ou Alfa
Romeo 147 GTA, représente aujourd’hui plus de 1 % des ventes de berlines,
coupés et cabriolets du segment M1. En 2002, le Royaume-Uni (42 %), l’Allemagne
(24 %) et la Suisse (12 %) ont constitué en Europe les principaux marchés pour
ce type de véhicules. Pour se faire une place sur un segment de niche très
exigeant, la Mégane RS bénéficie du savoir-faire de Renault Sport en matière
de véhicules sportifs, qu’ils soient de série ou de compétition.
DESIGN
Entièrement reconvertie à la seule cause des véhicules sportifs
développés par Renault Sport Technologies, l'ancienne usine Alpine de Dieppe (76)
assemble la Mégane RS à partir de caisses provenant de l’usine Renault
de Palencia en Espagne. Le processus de montage fait appel à une conception modulaire
: les modules du poste de conduite et des panneaux de porte sont directement assemblés
à Dieppe, celui de la façade avant (traverses supérieures et inférieures, projecteurs)
est préparé à Douai. La production est ainsi adapté aux spécificités de cette
version sportive, tout en garantissant un standard de qualité issu de la grande
série. Dessinée au technocentre Renault sous la responsabilité de
Patrick Le Quément, la Mégane Renault Sport conserve les gènes stylistiques
de la Mégane II, dont le style très personnel ne fait pas l'unanimité,
en y ajoutant une touche de sportivité sobre et élégant mais identifiable au premier
regard. Agressive à l'avant, elle reprend les fondamentaux de ce qui constitue
"la griffe Renault Sport" en adoptant un bouclier plus enveloppant et
une large grille d’entrée d’air. Très étrange, le positionnement
des antibrouillards est en revanche plus contestable... A l'inverse, la double
sortie d’échappement chromée parfaitement intégrée au bouclier
arrière, à l’image de celle des nouvelles Clio V6 phase 2 et Clio RS 2004, est de toute
beauté. Et malgré son originalité très contestée,
la partie arrière avec sa vitre verticale et son coffre plongeant gagne
beaucoup en séduction sur la Mégane RS. Éléments complémentaires
caractéristiques des versions développées par Renault Sport, un discret becquet
sur le hayon et des jantes en aluminium de très grand diamètre (du 18 pouces
!) contribuent à la fois au style dynamique et à l’efficacité de la voiture. Egalement
disponible en 3 portes, la Mégane RS est faussement appelée "coupé". Dommage
que Renault n'ait pas perpétué un vrai coupé pour la Mégane 2 car on imagine mal
le moteur la RS en coupé-cabriolet ! Mais qui sait...
HABITACLE
À l’intérieur, on retrouve
le design à la fois moderne et épuré de la Mégane II, avec quelques rajouts en
plastique noir verni sur la planche de bord et la console de levier de vitesses.
Autant on peut apprécier le simili aluminium dans la Clio RS et la V6,
autant ce choix stylistique ne nous a pas du tout convaincu. En effet, l'habitacle
étant déjà par nature sobre et germanisant dans son ambiance,
il en devient carrément austère et froid. Certes, ce sont les marchés
nordiques les premiers visés par la RS mais tout de même ! Seul le
pédalier et le repose-pieds bénéficient d’une finition en aluminium véritable.
Éléments clés du plaisir de conduite, le volant et le siège avant disposent de
multiples réglages pour que chacun trouve une position de conduite idéale. Les
sièges avant, au galbe prononcé, sont pourvus de zones de maintien latéral spécifiques
au niveau de l’assise et du dossier. On regrette cependant que le cuir intégral
soit relégué dans les options et qu'à la place Renault habille
les sièges de la RS d'un simple "semi-cuir". Cela serait sans
doute acceptable et même presque idéal, si ce mariage était
de type Cuir-Alcantara comme on peut en trouver souvent à ce niveau de
gamme, mais voilà... à la place, Renault a choisi un tissu à
peine digne d'une twingo de base. Bon, ne soyons pas trop durs, car en dépit
d'un dépouillement apparent et de certains matériaux donnant un
"aspect bas de gamme", la Mégane RS offre de nombreux équipements de
série, comme le système de surveillance de la pression des pneumatiques,
le régulateur-limiteur de vitesse, le rétroviseur intérieur électrochrome, l’allumage
des projecteurs et le cadencement des essuie-glaces automatique. Des projecteurs
à lampes au xénon avec lave-phares sont également fournis. De série, la
Mégane RS est aussi équipée de la carte Renault « mains libres », un gadget bien
agréable, dont on finit rapidement par ne plus pouvoir se passer ! En option,
il est encore possible de garnir le panier à l'aide d'airbags latéraux
arrière, du Radiosat 4x40W Cabasse-tronic avec changeur 6 CD intégré, éventuellement
couplé au système Carminat Navigation Informée, ou plus indispensable
à notre goût, pour rehausser l'habitacle au niveau de standing qui
devrait être le sien, la sellerie cuir "carbone foncé" à
800 euros seulement. Enfin, cinq couleurs de carrosserie sont disponibles et spécifiques
à la Mégane Renault Sport.
MOTEUR
Voilà
bien longtemps que nous avions tiré un trait, à tord, sur l'hypothèse
d'une sportive Renault turbocompressée, susceptible de prendre la relève
de la R21 2L turbo. En effet,
si on exclue l'anecdotique Safrane Bi-turbo qui fut sous-traitée en Allemagne,
les choix des motoristes Renault se sont jusqu'alors essentiellement portés
vers les moteurs atmosphériques, plus dociles et aussi plus fiables et
moins gourmands. Et à force, on allait finir par penser que le turbo resterait
l'apanage (indispensable) du Diesel. Baptisé F4RT, le moteur de la Mégane
RS est donc une agréable surprise qui nous rappelle tout un tas de bons
souvenirs dont celui de la mythique R5 Turbo ! Sur la base du moteur 2.0 16v turbocompressé
déjà présent sur quelques modèles du segment supérieur de la marque, Renault Sport
a développé une évolution hautes performances qui sait rester agréable au quotidien.
La puissance de ce moteur passe ainsi de 165 à 225 ch et le couple à
300 Nm ! Avec 90 % du couple maximal disponible entre 2 000 et 6 000 tr/mn, ce
moteur offre une plage d'utilisation impressionnante procurant une poussée franche
et continue à tous les régimes ! Ce bond en puissance réjouissant
est obtenus grâce à l’évolution de pièces maîtresses, l’équipage mobile du moteur
et surtout le turbo à double entrée de type “twin scroll” d'origine Mitsubishi.
Ce dernier bénéficie d’une turbine et d’un compresseur spécifiques pour augmenter
le remplissage des cylindres et diminuer le temps de réponse. Les injecteurs sont
adaptés au débit d’air plus important qui provient du turbo. Le moteur dispose
d’un calculateur à la mise au point spécifique pour optimiser l’agrément d’utilisation.
Un double volant amortisseur à faible inertie minimise l’excitation de la boîte
de vitesses par le vilebrequin. Ce dispositif améliore ainsi le rendu acoustique
sans pénaliser les montées en régime. Le carter-cylindre dit “grande face” permet
un accouplement plus rigide avec la boîte de vitesses, au profit des prestations
acoustiques. La sonorité du moteur a également été travaillée pour fournir un
véritable agrément acoustique avec une ligne d’échappement spécifique à double
sortie. Le diamètre de 60 mm de la ligne diminue les contre-pressions nuisibles
aux performances. La sonorité est racée et modulée, avec un contraste marqué entre
régime stabilisé et accélération franche. Enfin, le moteur de la Mégane RS est
associé à la boîte manuelle 6 vitesses (ND0) d’origine Nissan qui se caractérise
par des passages de rapports particulièrement précis et rapides. Les débattements
courts et le verrouillage franc contribuent à l’agrément de conduite. L’étagement
spécifique est plutôt réussi (seule la 5ème est trop longue)
et favorise les reprises les intermédiaires, tandis que la consommation et le
niveau sonore sont très bien maîtrisés sur autoroute. Ce groupe motopropulseur
permet à Mégane Renault Sport de passer de 0 à 100 km/h en seulement 6,5 secondes
et de franchir le 1 000 m départ arrêté en 26,7 secondes. Avec 8,8 l/100 km en
cycle mixte, la consommation est la plus basse du segment des berlines sportives
de puissance comparable, tandis que le niveau d’émissions répond d'ores et déjà
à la prochaine norme Euro 4.
SUR LA ROUTE
Polyvalence et efficacité sont les mots qui viennent à l’esprit pour évoquer
la base roulante de la Mégane II signée Renault Sport. Bien qu'elle conserve l’architecture
châssis des Mégane II coupé et berline, ses voies sont augmentées à l’avant de 7 mm et de 15 mm à
l'arrière, au bénéfice de la stabilité et de l’adhérence. Ayant fait l'objet
d'un brevet et inauguré sur la R21 Turbo de Superproduction, le train avant
"à pivot indépendant" est pour beaucoup dans la précision et l'efficacité
du comportement routier de la RS. Ce train avant élimine les désagréments fréquemment
rencontrés sur les tractions avant à puissance élevée sous fortes sollicitations,
à savoir micro-braquage en virage serré et mauvaise tenue de cap en ligne
droite (ou “chariotage”). Ici, l’axe de pivot du train avant est totalement découplé
du système d’amortissement, contrairement à un train de type McPherson où l’axe
de pivot passe par la rotule de bras inférieur et la fixation supérieure d’amortisseur.
La rotation de la roue suivant son axe de pivot est assurée par une liaison pivot
entre le porte-moyeu et un porte-pivot en aluminium. Le déport fusée est ainsi
réduit à 32 mm, contre 60 mm pour un train de type McPherson. Le porte-pivot est
fixé sur le bras inférieur rectangle. Sa tenue en rotation est assurée par une
biellette qui relie les deux pièces. Le train arrière est quant à lui constitué
d’un essieu souple à épure programmée dont la raideur a été augmentée de 12 %
par rapport à Mégane "standard" pour obtenir une meilleure maîtrise
du roulis. Ses points de fixation sont placés juste au-devant et dans l’axe de
la roue. Les courses de suspension réduite, la raideur des éléments filtrants
augmentée de 22 % et le tarage renforcé des amortisseurs procurent à la Mégane
Renault Sport un comportement parfaitement stable et rigoureux, tant que la route
est lisse. A l'inverse, sur chaussée dégradée, l'amortissement
perd beaucoup de sa superbe... Equipée d’une direction assistée électrique variable
à la démultiplication raccourcie (2,7 tours de volant), nous pouvions
craindre au feeling de conduite de la Mégane RS. Renault a pourtant revu
sa copie en conséquence avec des lois d’assistance plus fines mais le manque
de ressenti demeure très caractéristique et pénalise le plaisir
de conduite. On est encore assez loin du toucher de route d'une bonne direction
hydraulique... A ce propos, inutile de rappeler que les pneumatiques jouent un
rôle déterminant dans des liaisons au sol performantes. Bonne nouvelle, la Mégane
RS s'offre, comme ses soeurs, du "sur-mesure" de haute couture avec
le Continental SportContact2 montés sur d'imposantes roues de 18"
chaussées en 225/40. A défaut d'un antibloquant mécanique,
Renault Sport a sorti l'artillerie des puces électroniques. En complément
d'un bon niveau d'efficacité naturelle, les systèmes d’aide à la conduite,
dont l'ESP de dernière génération avec anti-patinage et contrôle de sous-virage,
bénéficient certes d’un paramétrage adapté à la philosophie de l'auto mais demeurent
impossibles à déconnecter entièrement. L'anti-patinage (ASR)
supervise la motricité quel que soit le type de revêtement ou de sollicitation
de l’accélérateur. Il est déconnectable au-dessous de 50 km/h via un interrupteur
pour faciliter les démarrages sur revêtements à faible adhérence mais la reconnexion
est automatique à chaque démarrage et lorsque la vitesse dépasse 50 km/h. Enfin,
la fonction de régulation du couple moteur en rétrogradage (MSR) permet d’éviter
le blocage de roues motrices en pilotant le couple moteur lors de lever de pied
ou de décélération par faible adhérence, ce qui a pour effet que le survirage
est totalement annihilé et qu'il est impossible de mettre la RS à
l'équerre. Tanpis pour le fun... Autre point crucial d'une voiture "hautes
performances", le système de freinage, puissant et endurant, est confié à
quatre disques de grand diamètre (312 mm ventilés à l’avant et 300 mm à l’arrière)
et de forte épaisseur (28 mm à l’avant et 11 mm à l’arrière), associés à des étriers
quatre pistons développés par Brembo, sur le train avant seulement. Parallèlement,
le système ABS Bosch 8.0 de dernière génération avec répartiteur électronique
de freinage EBV permet d’exploiter pleinement ce potentiel. Pour réduire au maximum
les distances d’arrêt, Mégane Renault Sport dispose également de l’assistance
au freinage d’urgence avec allumage automatique des feux de détresse. Ainsi stoppée,
la distance d’arrêt est inférieure à 36 m, même après dix freinages
consécutifs de 100 à 0 km/h ! Toutefois, lors d'une mise à lépreuve
en pilotage, ce système a la particularité extrêmementd ésagréable
d'interdire tout freinage dégressif... Vous l'avez compris, la sécurité
étant un axe stratégique et d’expertise pour Renault, aucun compromis n’a été
fait sur le plan du comportement routier, au détriment d'une utilisation
réellement sportive sur circuit.
::
CONCLUSION
Pour le circuit, il y avait déjà
la Clio V6, pour la route et le circuit, la Clio II RS, et maintenant vous avez la
Mégane II RS... pour la route ! Renault Sport pense à tout le monde
mais malheureusement, nous voilà un peu frustrés de ne pouvoir apprécier
à sa juste valeur le potentiel mécanique de cette sportive en costard
cravate ! Conscients de se priver d'une certaine clientèle, les gens de Renault
Sport nous prépareraient déjà une version entièrement débridée
pour la fin de l'année, probablement équipée d'un autobloquant mécanique... Patience
!
"Pit-Bull
en laisse. La Mégane RS est une athlète complète : musclée,
rapide et charismatique. Seulement, Renault Sport n'honore pas son patronyme en
jugeant préférable, dans un premier temps, de dispenser une éducation
stricte à sa progéniture. Affublée d'un caractère
trop consensuel, la plus puissante berline compacte de l'Hexagone peine à
susciter l'émotion et laisse son pilote frustré. Reste, et ce n'est
pas si mal, des performances de premier ordre et une efficacité époustouflante,
le tout pour un prix attractif."
ECHAPPEMENT - AVRIL 2004 - ESSAI
MEGANE RENAULT SPORT.
"Plus encore qu'à
la docilité et à la discrétion de son moteur, c'est sans doute à l'efficacité
de son train avant et de son amortissement que la Mégane RS doit son qualificatif
de "sportive polyvalente" ou de "Grand Tourisme". Avec un peu de discipline au
volant et pour peu que vous vous laissiez tenter par la version cinq portes, votre
conjoint et les bambins pourraient n'y voir que du feu : ils seront bien moins
secoués que dans une Audi A3 3.2 V6 ou une Seat Leon Cupra R bien plus cassantes
sur les nids de poule."
LE QUOTIDIEN AUTO.COM - 17 MARS 2004 - ESSAI
MEGANE RENAULT SPORT.
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