LEXUS RC F (2014 - )
GHOST IN THE SHELL
Après les IS F et LFA, voici le retour de Lexus dans le monde des super sportives. La division luxe de Toyota délaisse la berline et commercialise un coupé moins exclusif que l’ancienne supercar mais suffisamment puissant pour aller chatouiller les références de la catégorie. Toutefois, en reprenant le gros V8 atmosphérique, cette Lexus se démarque instantanément de la concurrence…
Texte :
Maxime JOLY
Photos : Étienne ROVILLÉ
Pour nos lecteurs qui connaissent davantage Lexus pour sa gamme de véhicules hybrides que pour ses sportives, plusieurs précisions s’imposent. Le label F est, chez Lexus, dédié au sport, comme peuvent l’être les AMG, RS et autres Motorsport. La lettre F a été choisie en l’honneur du terme anglais « Flagship » que l’on pourrait traduire par ‘porte-drapeau’ et du circuit Fuji Speedway. Après la berline IS F et la LF-A, la RC F est le troisième modèle à bénéficier de ce traitement spécifique. Cependant, une gamme intermédiaire F Sport est également disponible depuis peu...
PRESENTATION
Après la nouvelle Honda Civic Type R, voici une autre sportive venue du pays du Soleil-Levant, ou plus simplement d’un manga. D évoilé au Salon de de Tokyo 2013, le nouveau coupé RC de Lexus a vu arriver sa déclinaison F début 2014 à Detroit, date coïncidant avec le 25ème anniversaire du lancement de la marque Lexus aux USA en 1989. La base reste donc la même mais la carrosserie du RC F fait recours à la fibre de carbone pour certains éléments comme le pavillon, le capot et l’aileron arrière actif... si vous optez pour la bien nommée finition "Carbon" (détail un peu plus bas).
Bien que cet aspect soit purement subjectif, la Lexus RC n’est pas à proprement parler une "belle voiture". Difficile en effet de tomber sous le charme au premier coup d'oeil, à moins d'être empreint de la culture japonaise. Elle n’est pas non plus moche. L’avant très agressif passe même plutôt bien, en tout cas mieux qu'en photos. Reconnaissable au maillage exclusif de la grille de calandre, la face avant de la version F fait évoluer la calandre trapézoïdale de Lexus avec un discret motif en F. Le capot, plus haut que celui du RC, crée un profil puissant et évasé. Les sorties d’air intégrées aux ailes avant améliorent le refroidissement du moteur et des gros freins logés derrière les jantes de 19’’ en aluminium forgé.
J’ai plus de réserves sur l’arrière où les doubles sorties d’échappement superposées façon IS F sont reprises (mais pas factices cette fois…) et sur le profil qui laisse apparaître de gros porte-à-faux. Les feux arrière incisifs et très effilés donnent une nouvelle interprétation en 3D du motif en L de Lexus. Dans tous les cas, on ne pourra pas reprocher au coupé Lexus de manquer d'originalité ni de personnalité quand, en Europe, tout le monde a tendance à se copier mutuellement.
HABITACLE
Je serai plus sévère sur la présentation intérieure, assez torturée mais dans le mauvais sens du terme. Tout semble avoir été disposé "en vrac" chaque chose après l’autre, sans que cela n’ait été fait dans une recherche globale d'ergonomie. Esthétiquement, l’intérieur du RC s’inspire très largement des récents concept-cars sportifs présentés par Lexus. L’ornementation de la console centrale et les généreux capitonnages pour les genoux complétent le maintien offert par la sellerie. Les reproches énoncés ne valent pas pour les sièges avant, très jolis. Ceux à l’arrière le sont aussi, remarquez, mais pour en profiter, il ne faudra pas être trop grand. Et comme le malheur des uns fait le bonheur des autres, le coffre hérite d’une capacité de chargement absolument invraisemblable !
Le nouveau combiné d’instruments, réservé aux versions F, s’inscrit dans le prolongement du cadran central de la LFA mobile et évolue en fonction du programme de conduite. Le design s’inspire de l’instrumentation de bord d’un cockpit d’avion, caractérisée par la richesse des informations dont le cosntructeur vante la lecture simple et rapide. Le RC F inaugure pour Lexus le premier volant à section elliptique et jante épaisse.
A 79.370 € en prix de base, la Lexus RC F est un peu moins chère qu'une BMW M4 mais elle se ratrappe sur les niveaux supérieurs à 88.790 € pour la GT et 91.990 € pour la Carbon. La GT comprend le toit ouvrant électrique, entrebâillant et coulissant, le système audio à 17 haut-parleurs, la navigation, la sellerie cuir semi-aniline et les jantes 19" multi-branches.
CARACTERISTIQUES
LEXUS RC F
MOTEUR
Type : 8 cylindres en V à 90°, 32 soupapes
Position : longitudinal AV
Alimentation : bi-injection D4-S + Dual VVT-iE
Cylindrée (cm3) : 4969
Alésage x course (mm) : 94 x 89,5
Puissance maxi (ch DIN à tr/mn) : 477 à 7100
Couple maxi (Nm à tr/mn) : 530 de 4800 à 5600
TRANSMISSION
AR + autobloquant Torsen ou TVD piloté à répartition vectorielle de couple (option)
Boîte de vitesses (rapports) : automatique (8)
ROUES
Freins Av-Ar (Ø mm) : disques ventilés (380), étriers fixes 6 pistons - disques ventilés (345), étriers fixes 4 pistons + ABS
Pneus Av-Ar : 255/35 - 275/35 R19
POIDS
Donnée constructeur (kg) : 1765
Rapport poids/puissance (kg/ch) : 6,0
PERFORMANCES
Vitesse maxi (km/h) : 270
400 m DA : 12"5
1000 m DA :
0 - 100 km/h : 4"5
0 - 200 km/h :
80 - 120 km/h (mini) : 3"7
CONSOMMATION
Moyenne cycle mixte (L/100 km) : 10.8
Moyenne de l'essai (L/100 km) : 18
CO2 (g/km) : 251
PRIX NEUF (06/2015) : 79.370 €
PUISSANCE FISCALE : 38 CV
MOTEUR
Dans certains pays, le coupé Lexus RC dispose de plusieurs motorisations mais, en France, nous n’avons droit pour le moment qu’à sa version décomplexée. Tellement décomplexée qu’il n’est ici pas question d’hybride, en dépit du savoir-faire de Lexus, sans doute pour une question de poids…
Après avoir déjà refusé la suralimentation sur la GT86, Toyota renouvelle sa confiance au moteur atmosphérique au travers de sa division luxe Lexus. Depuis l’arrêt récent de l’Audi RS5, il ne reste guère plus que la Chevrolet Corvette C7 à jouer aussi les anti-conformistes... Mais quand votre premier marché est les USA, un V8 de 5.0 est encore un bon passeport pour espérer percer. Dommage pour le malus qui ne fait en revanche pas de cadeau à cette Lexus chez nous (8000 €) et vient s'ajouter à un prix de base déjà élevé.
Sur la forme, le coupé RC-F reprend le V8 de l’IS F. Sur le fond, ce dernier a été profondément remanié. Que ce soit la culasse ou les pièces mobiles, tout est nouveau. La première modification est la levée variable des soupapes qui se fait dorénavant à l’admission ET à l’échappement. Sur le moteur 2UR-GSE de la RC F, cette technologie est rebaptisée VVT-iE car elle se fait à l’admission par commande électrique. La distribution en variable en continu est compatible avec le cycle Atkinson, déjà vu chez Lexus car il se prête bien aux motorisations hybrides. Ici, la gestion est différente car à l’Atkinson privilégié pour la conduite à vitesse stabilisée se mêle aussi le classique cycle Otto, utilisé sur les hauts régimes. L’alimentation se fait via la bi-injection D4-S et le taux de compression passe à 12,3.
Toutes ces améliorations profitent à la puissance qui progresse de 54 chevaux tandis qu’elle est à présent atteinte à 7.100 tr/min ! La puissance spécifique atteinte la coquette valeur de 95 ch/L, une donnée que l’on n’a plus l’habitude de relever avec les moteurs turbos mais qui garde ici tout son sens… Dans le même temps, le couple passe à 530 Nm, disponible à la fois plus tôt et plus longtemps que sur l’IS F. C’est ce qui fait la force du nouveau V8 5 litres Lexus : sa souplesse extraordinaire qui vous permet de rouler en 6ème à 40 tout en étant capable d’accrocher les 7.300 tr/min à la première occasion. Jusqu’à 4.000 tours, ce gros moteur joue les timides. Ce n’est qu’après qu’il se dévergonde et fait étalage de toute sa force. Pour gagner en réactivité, il faut jouer sur les différents modes qui vont de l’économie au Sport+. Malgré les près de 1.800 kg à vide à tracter, les reprises sont de tout premier ordre et il faut 4,5 secondes pour atteindre 100 km/h sur un départ-arrêté. Sans être phénoménal, le son du V8 est plutôt sympathique… à condition de penser à déconnecter l’horripilant amplificateur Active Sound Control qui dénature ce son via les haut-parleurs.
Les 477 chevaux sont transmis aux roues arrière par l’intermédiaire d’une boîte automatique à huit rapports, développée par Aisin et retravaillée chez Lexus. Les temps de passage se font en seulement 100 ms en Sport+ mais la gestion globale n’est pas irréprochable. Rapide en conduite dynamique, la transition conduite coulée et sportive n’est absolument pas efficace. On l’impression de déranger la boîte en pleine pause-café quand on lui fait tomber les rapports… Dans le genre, la boîte ZF8 d'une Jaguar F-Type est plusieurs crans au-dessus.
La consommation en conduite stabilisée du coupé Lexus tourne autour des 8L/100 km à 110. Mais à peine on appuie sur l’accélérateur qu’on la multiplie par 2... En moyenne sur notre essai, nous avons tourné à 18L aux 100. En soi rien de vraiment hors norme pour un V8, mais le problème est que le réservoir n’offre pas une grande autonomie…
SUR LA ROUTE
Je dois l’admettre, après trois jours d’essai, je ne savais toujours pas quoi penser de ce coupé Lexus survitaminé et je vais tenter de vous expliquer pourquoi. L’installation à bord est étonnante. Il faut plusieurs minutes pour trouver la bonne position de conduite. Par contre, une fois que c’est fait, on est très bien installé. A faible vitesse, la direction est bien calibrée. La RC F est un mélange d’éléments issus de l’IS et d’autres provenant de la GS. Le train avant est à double triangulation tandis que l’arrière est de type multibras. Sur la déclinaison F qui nous intéresse, de nombreux éléments tels que les bras et les barres stabilisatrices sont en aluminium. La suspension est classique, autrement dit « pas pilotée ». Un choix courageux malgré le poids de la bête et la clientèle qui demande aussi du confort d’utilisation. Eh bien, nos amis japonais s’en sortent avec les honneurs car le compromis confort/efficacité de la RC F est plutôt bon et rien ne dit qu’un amortissement piloté aurait été plus efficace…
Deux types d’autobloquant sont disponibles : un Torsen à l’ancienne et un à répartition vectorielle du couple, fourni par ZF. C’est de ce dernier (plus lourd de 30 kg) dont notre modèle d’essai disposait. Par rapport à un Torque Vectoring classique qui va simplement freiner la roue intérieure, celui-ci gère la pression des embrayages à fournir à l’aide de deux moteurs électriques. Chaque roue est indépendamment contrôlée et pour chacune qui est accélérée, son opposée est inversement freinée à intensité équivalente. L’avantage est que les freins ne sont en fait pas sollicités ! Freinage qui s’est révélé endurant et puissant, même si la longue course de la pédale réclame un temps d’adaptation.
Trois modes de vectorisation sont disponibles : Normal, Slalom et Track et la différence entre le premier et les deux autres est flagrant ! Le sous-virage est en grande partie endigué et la RC F se montre performante sur petites routes. Ce n’est pourtant pas son terrain de jeu privilégié du fait de son gabarit et de son poids. On n’est d’ailleurs pas parfaitement serein sur ce type de tracé, à partir - il est vrai - de vitesses parfaitement inavouables. C’est moins efficace qu’une GT-R R35 mais plus flatteur à manier…
A côté de ça, la Lexus peut se montrer sage, trop sage. Oubliez les hurlements et la nature anarchiste d'une Jaguar F-Type V8. En tant que bonne japonaise, elle cultive le respect. Mais pour s’imposer dans une catégorie qui fait encore de la place aux rebelles, elle doit par moments renier sa nature profonde. C’est comme cela qu’on se retrouve à sentir l’arrière glisser sans qu’on ne s’y attende, après avoir tenté quelques minutes avant, en vain, de la faire déraper sur un banal départ-arrêté ! Les contrôles de trajectoire et de traction sont déconnectables et leur désactivation est signifiée par l’inscription « Expert » sur le compteur. Pour revenir à la direction, un sentiment bizarre s’inscrit au volant où elle donne l’impression de perdre en consistance à mesure que le rythme augmente. Cela paraît trop improbable pour que cela puisse être vrai mais que ces sensations soient justifiées ou non, elles sont là, malheureusement.
LEXUS RC F GT3
Issu d’un développement conjoint sur trois ans entre Lexus International et sa filiale Techno Craft, et produite par cette dernière au Japon, le coupé RC F GT3 est plus large etplus bas que le RC F de série et il n’accuse que 1.250 kg sur la balance grâce à un intérieur limité aux impératifs de la course. La version modifiée du moteur V8 du RC F développe environ 540 ch DIN. Homologuée par al FIA, la RC F GT3 devrait faire ses débuts en 2015 aux 24 heures du Nürburgring et dans les Super Taikyu Endurance et Super GT series au Japon.
CONCLUSION
:-) Ligne très personnelle (trop ?) Confort Sièges Coffre gigantesque V8 souple et rageur Performances Consommation à allure stabilisée Comportement joueur Autobloquant TVD (option) |
:-( Présentation intérieure Places arrière symboliques Poids Gestion de la boîte Autonomie |
Parfois aseptisée puis, l’instant d’après, totalement dévergondée, la Lexus RC F cultive les paradoxes et son positionnement n’est pas simple à définir. Typée GT, elle est capable de se laisser aller à quelques fantaisies inattendues prodiguées par l’intermédiaire de son gros V8 atmosphérique. Une boîte automatique plus réactive et mieux gérée, ainsi qu’une sonorité plus affirmée dans l'habitacle la rendraient sans doute plus attachante…