AERO, DYNAMIQUE !
C'est en faisant des avions que Saab
a appris à faire des voitures, d'où le nom "Aero",
qui désigne au sein de chacune des gammes le modèle
le plus sportif. Concernant la 9-3 Aero, les ailes se trouvent dans
le turbo dont la maîtrise a été élevée
au rang d'art par les ingénieurs Suédois. Alors, prêt
pour le décollage ?...
Texte :
Sébastien DUPUIS
Photos : D.R.
Vous ne le savez peut-être pas, mais
la première génération de Saab 93 date de 1955
! La dénomination a été abandonnée dans les années 60, et ce n'est
qu'en 1998 qu'elle est réapparue. Or, depuis 1990 la marque appartient
au groupe General Motors qui tente avec difficulté de dynamiser
les ventes. Bon gré mal gré, Saab écoule difficilement
120 000 voitures par an auprès d'une clientèle qui
recherche avant tout l'originalité pour se démarquer
du classique trio germanique Mercedes-Bmw-Audi qui règne
sur le haut de gamme. Pour autant, la nouvelle 9-3 tente de cacher
ses origines communes avec l'Opel Vectra dont elle partage bon nombre
d'éléments mécaniques afin de se faire une
place sur un marché exigeant mais très rentable.
DESIGN
Le hayon ayant désormais disparu, la première impression
qui se dégage de la Saab 9-3 Aero Sport Sedan est celle d'une berline
3 corps un peu trop classique. Prêtant à confusion
au premier regard, la 9-3 n'est d'ailleurs pas sans rappeler la
9-5, et surprend justement par un manque d'originalité stylistique,
pourtant caractéristique de cette marque nous ayant habitué
à plus d'audace. La face avant adopte la nouvelle calandre, plus
agressive, et se prolonge en courbes plus douces sur les flancs
jusqu'aux feux arrières et au petit décrochement du coffre
qui dynamisent agréablement une ligne générale
assez conventionnelle, mais dont l'aérodynamique très
bien étudiée permet d'obtenir un Cx de 0,28. C'est
à coup de détails très subtiles que la sportive
Aero se distingue du reste de la gamme. En plus des belles roues
en alliage léger de grand diamètre (17") à
10 bâtons fins et de l'assiette sensiblement plus basse et
sportive, la Saab Aero se reconnait à une optimisation des
éléments aérodynamiques, discrète mais
qui n'échappera pas aux connaisseurs. Sur la 9-3 Aero, disponible
en berline et en cabriolet, le becquet arrière est plus proéminent,
les bas de caisse revus. Le bouclier avant est percé d'une
large prise d'air grillagée et supporte des antibrouillards
à la fois très efficaces et très bien intégrés.
Le design à la scandinave se prolonge jusque dans l'habitacle où
sobriété et efficacité prévalent. La 9-3 Aero dispose d'une finition
spécifique de l'habitacle, caractérisée par
une sellerie cuir sport. Pour les habitués, on retrouve le
traditionnel emplacement de la clé de contact (un transpondeur
en réalité), au milieu de la console. Ca et là,
certains matériaux spécifiques y font leur apparition,
comme le chrome mat des poignées de portes ou le carbone
du tableau de bord. A bord, on apprécie surtout une ergonomie soignée
et un confort de haut niveau, qui commencent par une très
bonne position de conduite et s'étendent à des détails
comme par exemple le frein à main intégré dans le design de la console
centrale, ou les sièges avant arrondis rehaussés par des appuie-tête
actifs SAHR2 "anti coup du lapin", inclinés vers le conducteur.
Autre attention, issue de l'aéronautique, la fonction "Night
panel" permet d'oculter une partie des cadrans lumineux en
conduite nocturne. La couleur verte de l'éclairage est d'ailleurs
celle qui fatigue le moins les yeux. De même, la qualité
de fabrication figure parmi les meilleures de la production mondiale.
En revanche, pour l'ambiance, il faudra passer votre chemin si vous
n'êtes pas déjà habitués aux références
germaniques, alternant avec talent des teintes allant de... gris
à noir. Enfin, c'est une bonne habitude de la maison, la
conception de la Saab 9-3 inclut une sécurité passive
et active de haut niveau, passant par la présence de 10 airbags
à déclenchement "intelligent".
MOTEUR
Fidèle au turbocompresseur depuis de nombreuses années,
Saab s'est forgé une solide réputation dans la maîtrise
du couple et de la puissance. Alors que ses concurrentes ont massivement
opté pour des 6 cylindres, la 9-3 Aero conserve donc un 4
cylindres en ligne turbocompressé. Ce 2 litres se distingue
notamment par une distribution particulièrement légère,
deux arbres à cames en tête commandant aux seize soupapes.
Très moderne, le moteur turbo Saab n'a plus le temps de réaction
de ses ancêtres. Désormais, la puissance est distillée
de façon linéaire, sur une large plage de régime.
Ainsi, avec la turbine Mitsubishi TD04 qui lui souffle dans les
cylindres (0,85 bar de pression) de l'air refroidi à travers
un intercooler, le moteur Saab développe 210 ch à
5500 tr/mn. La puissance spécifique atteint donc 105 ch/litre
de cylindrée, une valeur moyenne pour un moteur turbo qui
démontre que l'on a pas recherché la puissance à
tout prix, mais plutôt l'agrément d'utilisation. D'une
douceur très agréable, ce bloc reçoit deux
arbres d'équilibrage et un volant d'inertie à double
masse, garant d'une belle absence de vibrations. Bien aidée
dans les relances par un couple confortable de 300 Nm disponible
de 2500 tr/mn à 4000 tr/mn, la Saab 9-3 Aero reçoit
l'adjonction d'une inédite boîte manuelle à 6 rapports,
une première chez Saab, ou d'une boîte automatique Sentronic
5 rapports à commandes au volant. L'étagement de la
nouvelle boîte 6 à commande par câble est vraiment
bien étudié par rapport à la plage d'utilisation
du moteur et seuls les 2 premiers rapports, trop courts, déclenchent
facilement l'antipatinage. Certes, la mécanique, très
civilisée et insonorisée, procure peu de sensations
de conduite, mais elle démontre une efficacité indéniable,
à commencer par des reprises énergiques plus appréciables
au quotidien que les 235 km/h maxi... Le maniement précis
et pas trop ferme se laisse d'autant plus rarement apprécier
que le recours au levier de vitesse est souvent rendu facultatif
par la souplesse exceptionnelle du moteur. D'ailleurs, la consommation
est directement proportionnelle au rythme adopté, et comme
avec tout moteur turbo on peut atteindre des minimums intéressants
en roulant "sur le couple" (9,0 L/100 Km de moyenne) et
des maximum assez vite dissuasifs en fréquentant les hauts
régimes trop longtemps (plus de 20 L/100) ! Enfin, lorsque
l'on aborde le point plus passionnel de la sonorité, le 4
cylindres Saab, aussi sophistiqué soit-il, ne peut tenir
la comparaison face à un 6 en ligne bavarois ou à
un V6 italien. Un point pourtant essentiel dans le créneau
des berlines d'exception et dont Saab pourrait bien faire les frais
sur des marchés incontournables comme les Etats-Unis ou l'allemagne,
friands de cylindres.
SUR LA ROUTE
Chaussée de larges roues (225/45 R 17) et dotée d'un
amortissement raffermi aux débattements plus courts, la Saab
9-3 Aero tente tant bien que mal de contenir au maximum le roulis
tout en préservant un confort de vraie routière. Le
compromis étant souvent délicat à atteindre,
certains lui reprocheront un manque de tenue en conduite vraiment
sportive. Le train avant, souvent débordé par le couple
soulève des réactions dans la direction, au demeurant
agréablement communicative. Faisant châssis commun
avec l'Opel vectra dernière génération, la
Saab 9-3 hérite d'une base roulante unanimement saluée
par la presse pour les progrès accomplis en matière
de dynamisme. Certes, cette traction avant ne se montre pas trop
souvireuse et le système ReAxs aide bien au placement de la voiture
en courbe grâce à une correction passive du pincement
sur le train arrière. En clair, les roues tournent légèrement à
l'inverse du coup de volant, imitant l'essieu arrière à
effet autodirectionnel de Citroën. Mais globalement, la Saab
9-3 Aero manque de vivacité pour réellement se targuer
d'un statut de sportive. Pour sentir les limites de la voiture,
il faut se détourner des grands axes et emprunter les petites
routes à bonne allure. Là, le travail du châssis
et de la suspension parait nettement moins remarquable. La virulence
du moteur sollicite fréquemment le dispositif de surveillance
électronique ESP et la caisse accuse les effets d'un compromis
d'amortissement trop typé confort en subissant les déformations.
Encore une fois, il semble que Saab n'ait pas osé jouer à
fond la carte de la sportivité avec l'Aero. Le tempérament
de grande routière prédomine et la combinaison d'un
moteur turbocompressé avec la traction avant démontre
encore une fois ses limites. Par ailleurs, l'absence de sensations
mécaniques en finit de confiner la Saab 9-3 Aero au rôle
de berline rapide et confortable, rôle qu'elle asume en revanche
parfaitement bien. Attention toutefois à ne pas trop appuyer sur
l'accélérateur, l'aspect très sécurisant, silencieux et confortable
de la 93 Aero atténuant les sensations de vitesse, on se retrouve
rapidement en infraction caractérisée.
:: CONCLUSION
A 34.700 euros, la Saab 93 Aero se pose en concurrente sérieuse
face aux allemandes du même segment, mais pâtit d'une mécanique
aussi efficace et sophistiquée que dénuée de
caractère et de charme. De plus, la silhouette bien moins
originale que celle de la 900 en son temps enlève beaucoup
de personnalité à la Suédoise. Bref, la 9-3
progresse dans beaucoup de domaines sauf celui de la sportivité
et rentre dans le rang du classicisme en voulant séduire
une plus large clientèle... au risque de perdre ses fidèles
défenseurs.
CE QU'ILS EN ONT PENSE :
"Il ne faut pas croire tout ce que racontent les constructeurs
d'automobiles. Ainsi, ils vous vendent la 9-3 Aero comme la version
sportive d'une berline de sport. C'est un malentendu. Sa suspension
insuffisamment amortie ne lui permet pas de revendiquer ce statut.
Il s'agit plutôt d'une grande routière rapide et agréable
à vivre qui vient concurrencer les Audi A4 3.0, Bmw 330i,
Mercedes 320, Jaguar X-Type 3;à V6, etc. et qui pallie son
absence de moteur 6 cylindres par un 4 cylindres à la suralimentation
au demeurant remarquablement maîtrisée.."
LE MONITEUR AUTOMOBILE - N°1287 - ESSAI SAAB 9-3 AERO. |