| FORMULE 1 CARROSSEE ! La Mercedes 300 SLR W196S, en version 
                fermée, est certainement une des autos les plus désirables 
                de la planète. Pourquoi ? Elle n'est ni plus ni moins qu'une 
                vraie Formule 1 Mercedes de la saison 1955 avec une carrosserie 
                fermée inspirée de la 300 SL avec l'aérodynamique 
                en plus. Et comble d'excitation pour les passionnés que nous 
                sommes tous, les 300 SL W196S en versions fermées n'ont été 
              produites qu'à... 2 exemplaires sur les 8 produits !! En 
              route pour un mythe
 Texte : 
              Nicolas LISZEWSKIPhotos : D.R.
 Pour les néophytes amateurs de voitures, 
              on parle en termes génériques des Mercedes 300 SL. 
              Mais dans la famille des 300 SL, il faut distinguer les premières 
              générations de 1952, totalement dédiées 
              à la course, celles de 1954-57 qui sont des coupés 
              portes papillon commercialisés et les roadsters de 1957-64. 
              Et dans ces méandres de la maison de Stuttgart il convient 
              de distinguer une race à part, qui porte d'ailleurs un numéro 
              constructeur spécifique (le " Baumuster " dans 
              le jargon officiel de l'usine) W196S alors que les 300 SL de 1952 
              sont des W194 et les coupés et roadsters commercialisés 
              des W198. Le mot " désirable " n'est pas assez 
              fort pour ces modèles puisque seulement 8 exemplaires connus 
              ont été produits et deux seulement ont connu une carrosserie 
              fermée. Les Mercedes 300 SLR W196S étaient dérivées 
              des Formule 1 W196 mais avaient un moteur dont la cylindrée 
              était portée à 3 litres comme l'autorisait 
              à l'époque le règlement du Championnat du Monde 
              de Voitures de Sport. Pour l'anecdote, il avait été 
              initialement prévu de donner la forme des 300 SL à 
              portes papillon à la Mercedes 300 SLR. Mais les pilotes, 
              alors incommodés par la chaleur, l'accès difficile 
              et le bruit régnant dans l'habitacle des coupés 300 
              SL W194 s'étaient opposés à cette solution 
              et avaient préféré une barquette découverte. 
              Mais le directeur des études de Mercedes-Benz, Rudolf Uhlenhaut, 
              a donné l'ordre de produire tout de même deux exemplaires 
              à carrosserie fermée. Il utilisa même une de 
              ces deux voitures au quotidien comme véhicule de service 
              ! Lorsque l'on sait (on le verra après) que la Mercedes 300 
              SLR est une véritable Formule 1 W196 de la saison 1955 carrossée, 
              on imagine la passion et la détermination de notre homme... DESIGNTout a été dit ou écrit sur le style des Mercedes 
              300 SL. Que cela soient les versions compétition de 1952 
              à la ligne très pure, ou même celle des coupés 
              et roadsters W198 des années 54-64. Pour sa voiture de sport 
              qui doit lutter aux 24 Heures du Mans ou aux Mille Miles, l'équipe 
              d'Alfred Neubauer reprend le dessin de la Mercedes 300 SL W198 commercialisée 
              depuis un an alors. Mais l'aérodynamique est bien entendu 
              retravaillée, car la Mercedes 300 SLR doit être capable 
              de rouler à près de 300 km/h pour pouvoir lutter. 
              La partie avant est donc plus profilée afin d'affiner l'aérodynamique 
              de l'auto et les phares sont carénés sous globe. Totalement 
              découverte, la Mercedes 300 SLR est équipée 
              d'un profilage des appuie-têtes. Seule la course des Mille 
              Miles, pour laquelle deux personnes sont en voiture, voit des Mercedes 
              300 SLR avec 2 appuie-têtes profilés. Sur la Mercedes 
              300 SLR, les ingénieurs étaient préoccupés 
              par l'efficacité du freinage confiés à quatre 
              tambours. Alors un volet aérofrein qui recouvre la malle 
              arrière est actionné dans les phases de freinage. 
              Efficace et impressionnant. Pour la version coupé, baptisée 
              par les aficionados du modèle la Mercedes 300 SLR W196S " 
              Uhlenhaut ", ce système est supprimé puisque 
              le toit vient descendre sur la malle arrière. Sur cette dernière, 
              un " D " métallique (pour " Deutschland ") 
              est apposé pour rappeler à tous que c'est une voiture 
              allemande. Comparé aux Mercedes 300 SL W198, la Mercedes 
              300 SLR possède toujours ses arêtes sur les passages 
              de roue avant mais les a perdu sur les roues arrière. Cela 
              augmente encore son élégance aérodynamique. 
              De chaque côté des aérations latérales 
              sont prévues, et par le côté droit les échappements 
              sortent fièrement. Comme sur les coupés 300 SL W194, 
              la Mercedes 300 SLR conserve le principe des portes papillon, obligatoire 
              en raison du châssis tubulaire très présent. 
              Avec ses roues à rayons de 16 pouces et dépourvue 
              de tout pare-chocs, la Mercedes 300 SLR est certainement l'une des 
              autos produite à Stuttgart les plus envoûtante de son 
              histoire avec quelques autres monuments de la marque (540 K,¼).               A BORD DE LA 300 SLRL'habitacle conserve l'esprit de la marque en voiture de sport avec 
              toujours les sièges recouverts de tissu à carreaux. 
              Le grand volant ne facilite pas l'accès à bord d'autant 
              qu'il ne se replie pas comme sur les 300 SL W198. Très typé 
              course des années 50, le tableau de bord est très 
              minimaliste et n'en est que plus pur. Le petit rétroviseur 
              est fixé sur le dessus de la planche de bord comme dans les 
              Citroën DS. Enfin, le plus rigolo et surprenant est l'implantation 
              du pédalier. Le pilote est en effet obligé de conduire 
              les jambes écartées puisque le pédalier est 
              séparé dans deux tunnels respectifs. C'est avec une 
              clé au tableau de bord que l'on met le contact et ensuite 
              on actionne un bouton pour réveiller le 8 cylindres en ligne. MOTEUR              La Mercedes W196, utilisée en Championnat du Monde de Formule 
              1, était motorisée par un moteur 8 cylindres en ligne 
              de 2 496 cm3. Le règlement imposait en effet une cylindrée 
              inférieure à 2,5 litres. Sur la Formule 1, ce moteur 
              (type M196) développait donc 257 ch était original 
              par son architecture : il était divisé en deux parties 
              de quatre cylindres chacune pour limiter au maximum les vibrations. 
              Pour ses Mercedes 300 SLR W196S, le constructeur de Stuttgart reprend 
              donc le même bloc moteur mais le réalèse à 
              2 982 cm3. Le Championnat du Monde des Voitures de Sport accepte 
              effectivement les cylindrées de 3 litres. Il est monté 
              longitudinalement sous le capot avant incliné dans un angle 
              de 33°. Son bloc est entièrement fondu dans du silumin, 
              un alliage d'aluminium, qui possède un rendement thermique 
              supérieur, est plus léger (le moteur ne pèse 
              que 232 kg à vide) et résistant. Une injection directe 
              Bosch alimente le 8 en ligne du précieux carburant et les 
              soupapes sont actionnées par des commandes extérieures 
              (desmodromiques). Selon les courses, sa puissance est modulable 
              et oscille entre 276 ch à 310 ch. Selon la tradition maison 
              et la politique de l'inflexible Alfred Neubauer, ce moteur fut testé 
              sur 10 000 km, puis passé 32 heures au banc avant d'être 
              enfin monté dans les Mercedes 300 SLR. La politique qualité 
              de Mercedes-Benz n'était pas un vain mot ! Une boîte 
              mécanique à 5 rapports permettait au pilote de faire 
              vivre et chanter ce moteur de course. Ainsi doté, les Mercedes-Benz 
              300 SLR W196S " Uhlenhaut " ont été chronométrées 
              à près de 300 km/h par la Revue Automobile Suisse 
              en 1955, et ont abattu le 0 à 80 en 5,2 secondes et le 0 
              à 160 km/h en 13,6 secondes. Inutile d'ajouter qu'aujourd'hui 
              encore ces performances sont peu communes. Comme toute voiture de 
              compétition plus typée circuit, la puissance pure 
              est privilégiée au couple (seulement 218 Nm) et les 
              hauts régimes de rotation sont à la fête. CHASSIS              On l'a vu plus haut, les Mercedes 300 SLR W196S reprennent intégralement 
              le châssis tubulaire des Mercedes W196 de Grands-Prix. En 
              bonne voiture issue de la compétition, c'est toujours la 
              même obsession qui a guidé les ingénieurs de 
              l'équipe d'Alfred Neubauer : rigidité et légèreté. 
              Pour habiller ce châssis tubulaire léger et rigide, 
              la carrosserie des 300 SLR W196S est constituée d'une tôle 
              de magnésium dure, au poids encore plus léger. Pour 
              compléter une véritable suspension " course ", 
              la Mercedes 300 SLR a reçu une direction à recirculation 
              de billes avec un diamètre de braquage direct (2 tours de 
              butée à butée). Pour ralentir la bête, 
              seuls quatre tambours sont de la partie et la 300 SLR W196S " 
              Uhlenhaut " ne profite pas de l'aérofrein. Si le freinage 
              est donc bien dans le ton de l'époque, il conviendra de nos 
              jours à être particulièrement vigilant et d'anticiper 
              au maximum. Les 142 litres du réservoir ne sont pas de trop 
              pour alimenter le 8 cylindres, mais ils ne grèvent pas trop 
              le poids de la 300 SLR qui ne pèse que 880 kg. Avec son châssis 
              rigide et son rapport poids/puissance des plus favorables, la Mercedes 
              300 SLR rappelle à tous qu'elle fut en son temps une véritable 
              voiture de course, même plus ; une véritable Formule 
              1 de la route. Pour retrouver dans un passé récent 
              ce type d'analogie dans la démarche, il faut se tourner vers 
              les Porsche 911 GT1, Mercedes CLK GTR et également la Dauer, 
              véritable Porsche 962 immatriculée pour la route
 ACHETER UNE 
              MERCEDES-BENZ 300-SLR (W196S)                          Inutile de vous précipiter sur internet pour fouiner dans 
              les petites annonces à la recherche de l'oiseau rare. Il 
              n'existe tout simplement pas sur le marché. Et pour cause, 
              seuls 2 exemplaires de Mercedes 300 SLR W196S " Uhlenhaut " 
              (châssis 0007/55 et 0008/55) ont été produits. 
              Ils sont toujours la propriété de DaimlerChrysler 
              AG et coulent des jours heureux au musée de Stuttgart. Quant 
              aux 6 versions W196S course, elles sont également la propriété 
              de musées ou du constructeur. Trois de ces exemplaires sont 
              à Stuttgart chez DaimlerChrysler AG (châssis 0002/55, 
              0004/55 et 00010/55) et les trois autres sont exposées au 
              musée Ford de Dearborn, au Deutsche Museum de Münich 
              et au Musée national de l'Automobile de Mulhouse. La construction 
              du châssis 0009/55 ne fut jamais achevé tandis que 
              la dernière Mercedes 300 SLR (châssis 0006/55) a disparu 
              tragiquement dans l'accident des 24 Heures du Mans en 1955 qui coûta 
              la vie à Pierre Levegh, son pilote français, mais 
              également à 83 personnes dans le public sans compter 
              les blessés. La carrière sportive de la Mercedes 300 
              SLR W196S n'en est que plus mythique puisqu'elle s'est interrompue 
              après une année seulement de compétition et 
              tous les succès promis. A la fin de la saison 1955, en raison 
              du dramatique accident du Mans, l'usine décide de se retirer 
              de toute compétition jusqu'à nouvel ordre. Il faudra 
              attendre 1989, pour voir le retour officiel de l'usine de Stuttgart 
              aux 24H du Mans avec Sauber.  LA MERCEDES 300 SLR W196S EN COMPETITION La Mercedes 300 SLR W196S comme son illustre aînée 
              la 300 SL W194 de 1952 a tout raflé ou presque. 
              Il n'y a que les 24 Heures qui ont échappé 
              au palmarès de la belle suite à l'incident 
              dramatique survenu à son pilote Pierre Levegh. 
              Sinon, les plus grands pilotes du moment ayant approché 
              l'équipe d'Alfred Neubauer ont piloté 
              une 300 SLR W196S : Juan Manuel Fangio, Stirling Moss, 
              Karl Kling, Denis Jenkinson, Peter Collins, John Fitch¼ 
              A son tableau de chasse, la Mercedes 300 SLR W196S a 
              pu accrocher : La Targa Florio 1955, les Mille Miles 
              1955, Nürburgring 1955, Course International de 
              l'Eiffel 1955, Tourist Trophy 1955, Grand Prix de Suède 
              1955. 
              A la tête de Stirling Moss, le visage maculé 
              d'huile, les conditions de course aux Mille Miles ne 
              sont pas de tout repos.
 CHRONOLOGIE1951 : En mai-juin, présence en visiteurs de pilotes 
              et responsables Mercedes-Benz aux 24H du Mans pour préparer 
              le retour de la firme de Stuttgart en compétition.En décembre 
              le premier prototype du Mercedes 300 SL fait ses premiers tours 
              de roue.1952 : En janvier, premier article (Auto Motor und Sport) 
              relatant la future Mercedes 300 SL.Le 19 février, le service 
              des Mines allemand reçoit les 5 premiers exemplaires type 
              W194.En mai, première apparition officielle dans la presse 
              (Road & Track) d'un coupé Mercedes 300 SL.Le 5 mai, première 
              participation d'un Mercedes 300 SL à une compétition 
              automobile : les Mille Miles.En juin, victoire aux 24H du Mans de 
              la Mercedes 300 SL n°21.En novembre, victoire de la Mercedes 
              300 SL de Hermann Kling à la Carrera Panamerica.
 1953 : Durant l'année, l'usine Mercedes étudie 
              et développe des évolutions pour son 300 SL de course, 
              mais également pour une version routière homologuée.Le 
              11 décembre, la première 300 SL de série est 
              prête.
 1954 : Le 6 février, la Mercedes 300 SL type W198 
              est présentée officiellement au salon de New York 
              en compagnie de sa petite sur, la 190 SL type W121.En octobre, 
              première européenne de la Mercedes 300 SL au Salon 
              de Paris. Les premières études du roadster 300 SL 
              sont lancées.A l'automne, le premier exemplaire tombe des 
              chaînes de l'usine de Sindelfingen. Son prix est alors de 
              29 000 Deutsch Mark (soit quatre fois celui d'une berline 170 contemporaine).
 1955 : Au début de l'année, première 
              vente d'une Mercedes 300 SL en France à un client qui habite¼ 
              la Martinique !Au printemps, apparition de la Mercedes 300 SLR W196S.En 
              mai, 1ère place de Stirling Moss avec une Mercedes 300 SLR 
              W196S et 6ème place aux Mille Miles au général 
              d'Olivier Gendebien au volant d'un coupé 300 SL W198.Le 11 
              juin, Pierre Levegh se tue et blesse mortellement plus de 80 spectateurs 
              sans compter les blessés. Mercedes-Benz retire ses autos 
              de la course avant la fin.Les premiers tests du roadster 300 SL 
              W198 ont lieu à l'usine.Les Mercedes 300 SLR W196S ont remporté 
              6 courses sur les 7 disputées.L'usine arrête en fin 
              d'année toute épreuve sous forme d'un engagement officiel 
              suite à l'épisode malheureux de Mans.
 1956 : En mai, 6e place au général des Mille 
              Miles d'un Coupé 300 SL W198.Le 1er août, le premier 
              essai d'un magazine français (L'Auto-Journal) par André 
              Costa.Un coupé 300 SL W198 remporte le championnat d'Europe 
              des Rallyes 1956.
 1957 : En mars, le roadster 300 SL W198 II est présenté 
              au salon de Genève.En mai, démarrage de la production 
              des 300 SL roadsters.Le 27 septembre, fin de production des Mercedes 
              300 SL type W198 après .
 1958 : Le roadster 300 SL W198 II reçoit un hard top 
              en option.Victoire au rallye Lyon-Charbonnières d'un coupé 300 SL W198 avec au volant Willy Mairesse.
 1964 : En février, arrêt de la production des 
              roadsters 300 SL W198 II.
 2002 : Présentation du nouveau Mercedes SLR.
 PRODUCTIONTOTAL 300 SLR W196S : 10 exemplaires, dont :
 2 coupés " Uhlenhaut "
 1 détruit (châssis 0006/55)
 1 jamais achevé (châssis 0009/55)
 :: CONCLUSIONPlus qu'une icône, la Mercedes 300 SLR W196S " Uhlenhaut 
              " avec ses deux exemplaires produits s'est transformée 
              en impossible quête du Graal. Impossible car il n'y a aucune 
              chance que DaimlerChrysler AG se sépare d'un des deux exemplaires 
              produits. Il reste donc pour tous les passionnés le plaisir 
              de les admirer au musée de Stuttgart ou sur les pages web. 
              Voilà au moins un monstre sacré, un collector de chez 
              collector qui ramène tout le monde à égalité, 
              petits ou puissants, riches et moins riches, puisque dans tous les 
              cas de figure, vous n'en aurez jamais une dans votre garage. Il 
              fut donc un temps où les lettres " SL " (Sport 
              Léger en allemand) prenaient tout leur sens originel. C'est 
            bien le propre d'une légende...
 CE QU'ILS 
              EN ONT PENSE :"Une brève pression sur le bouton de démarreur, 
              et le moteur se met à hurler. Le bruit était incroyable, 
              mélange de claquements de soupapes, de pompe d'injection 
              et de pignons de boîte de vitesses. L'habitacle fermé 
              posait la touche finale, amplifiant le tout jusqu'à un niveau 
              incroyable. Nous avons utilisé des bouchons à oreille 
              réduisant le bruit ambiant, mais empêchant toute conversation. 
              Et encore, la 300 SLR avait été équipée 
              pour l'occasion d'un silencieux plus respectueux des normes en vigueur, 
              histoire de ne pas irriter les autorités."
 LA REVUE AUTOMOBILE SUISSE - 1955 - Mercedes-Benz 300 SLR.
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