UNE LEGENDE ETAIT NEE !
Lorsqu'en 1948, William Lyons présente la Jaguar
XK 120 au salon de Londres à Earl's Court, il pare au plus
pressé et remplace au pied levé une berline qui n'est
pas encore prête. Il était loin d'imaginer alors l'engouement
qu'allait susciter la Jaguar XK 120. Les commandes affluent, et
l'année suivante au salon de Paris, l'histoire se répète.
Une légende était alors née, et si Jaguar possédait
déjà une renommée dans les années 30
en Angleterre, avec la Jaguar XK 120 et William Lyons aux commandes,
la marque de Coventry allait connaître ses heures de gloire...
Texte :
Nicolas LISZEWSKI
Photos : D.R.
Sir Williams Lyons et son équipe doivent présenter
leur nouvelle berline Mark V au salon de Londres à Earl's
Court en 1948. Ce rendez-vous est d'autant plus important et capital
pour Jaguar qu'en cet immédiat après-guerre, tous
les constructeurs automobiles sont très strictement contingentés
sur la fourniture d'acier. La production d'automobiles qui peuvent
être exportées avec succès, sont synonymes de
devises (notamment en or et en dollars) qui intéressent fortement
les gouvernements européens. Dès lors, les constructeurs
qui rencontrent le succès à l'export deviennent prioritaires
sur la fourniture d'acier. Malheureusement, si tout devait être
prêt pour le salon, la Pressed Steel Company se retrouve dans
l'incapacité de respecter ses délais. Pris au dépourvu,
William Lyons va travailler avec son équipe à la hâte
pour concevoir une auto, qui au départ, ne serait qu'un prototype
de salon : la Jaguar XK 120. Son nom lui provient de sa vitesse
maximale de 120 miles à l'heure, soit 196 km/h ! Avec sa
ligne sculpturale conçue en quelques jours seulement, son
moteur XK solide et performant, sa caisse alu et ses performances,
il n'en fallait pas plus à la firme de Coventry que la légende
soit en marche.
DESIGN
C'est William Lyons lui-même qui supervise et réalise
le design des Jaguar.
Sur la Jaguar XK 120, il ne déroge pas à cette règle,
sauf que l'urgence est là ! L'auto doit être présentable
pour le salon de Londres 1948 qui se tient seulement dans quelques
semaines. En deux semaines seulement, notre anglais réalise
l'impossible gageure sans passer par l'étape grand plan et
maquette. Il sculpte donc directement une carrosserie aluminium
sur armature en bois. Et lorsque l'on contemple son uvre,
on sent que le talent de l'artiste a encore frappé ! Un long
capot interminable, un cockpit découpé avec élégance
et souligné par un bourrelet en cuir, des feux avant semi-encastrés,
une fine calandre ovale qui restera dans l'histoire Jaguar et une
ligne semi-ponton caractérisent cette Jaguar XK 120 roadster.
Le pare-brise est en deux parties comme à la belle époque
et la poupe arrière affiche une finesse sans égale.
De fines lames chromées font offices de pare-chocs, mais
toujours avec élégance, et les premiers modèles
recevaient des roues arrière carénées. Les
roues sont reprises des berlines. Après, en commençant
par les versions SE plus performantes, les jantes à rayons
seront disponibles permettant en outre un meilleur refroidissement
des freins à tambours. Les premiers exemplaires sont équipés
d'une carrosserie tout alu, alors que dès 1950 la caisse
est désormais en acier avec les ouvrants en alu.
A BORD DE LA XK120
Pour pénétrer
dans l'auto, il faut se glisser habilement entre le siège
et le grand volant à quatre branches. Ce qui frappe le plus
sur les autos anciennes, c'est le manque d'habitabilité et
d'ergonomie. La position de conduite n'est pas des plus adéquates
pour une auto sportive et le grand volant vient frotter sur vos
cuisses. La planche de bord est d'une simplicité monacale
mais est très complète avec une batterie de cadrans
indicateurs. Sur les roadsters, elle est peinte au départ
et sera seulement recouverte de cuir par la suite. Le tunnel central
est très volumineux et la largeur aux coudes inexistante
obligeant ainsi les occupants à poser leur coude sur les
portières. Une ambiance inimitable se dégage d'une
Jaguar XK 120 et vous permet d'effectuer un voyage dans le temps
MOTEUR
Les études sur le moteur XK démarrent déjà
durant le deuxième conflit mondial. Il devait initialement
pouvoir être décliné en quatre cylindres et
en 6 cylindres en ligne. Sur la Jaguar XK 120, qui lui doit donc
une partie de son nom, le moteur XK avec son bloc fonte présente
en outre une innovation majeure pour l'époque avec une culasse
alu et deux arbres à cames en tête. Ce six en ligne
de 3,4 litres est très typé longue course avec un
couple conséquent de 27 mkg dès 2 500 tr/mn. Il développe
alors 160 ch SAE à 5 000 tr/mn lui conférant des performances
flatteuses pour l'époque avec 196 km/h en pointe, 18,3 secondes
au 400 mètres départ arrêté et moins
de 10 secondes au 0 à 100 km/h. Pas mal alors que la première
2 CV contemporaine plafonnait alors à 60 km/h ! Sa sonorité
rageuse et ses carburateurs SU lui confère en plus une personnalité
propre. Côté transmissions en revanche, la boîte
Moss à quatre rapports dont la première non synchronisée
se manifeste par un maniement viril alors que le passage du premier
rapport doit se faire avec finesse et doigté.
CHASSIS
La Jaguar XK 120 est une ancienne et le fait savoir par la lecture
de sa fiche technique. Le châssis est en acier et la caisse
acier (en alu initialement on l'a vu plus haut) est boulonné.
Seuls les ouvrants restent en alu. L'essieu avant est constitué
de roues indépendantes avec triangles, barres de torsion
longitudinales, amortisseurs télescopiques et une barre antiroulis.
L'essieu arrière est pour sa part rigide avec des ressorts
à lames semi-elliptiques et des amortisseurs à leviers.
Pour diriger les roues avant, le conducteur peut compter sur un
classique boîtier à circulation de billes tandis que
pour ralentir cette noble sportive, quatre freins à tambours
sont présents. Avec un poids de plus de 1,3 tonnes, des freins
à tambours sujets à l'échauffement, un essieu
arrière rigide et une direction à l'ancienne, vous
comprendrez vite que les petits virolos de montagne ne sont pas
sont fort. Pourtant, c'est une Jaguar XK 120 roadster qui remporta
la Coupe des Alpes en 1950 et 1951. Mais autres temps, autres murs,
les habitudes des conducteurs ont changé et de nos jours
il faut plusieurs dizaines de kilomètres et même plus
pour commencer à avoir les limites de ce roadster anglais
en tête. Conduire sportivement est en effet possible, mais
il faut conduire avec les paramètres de l'époque de
la Jaguar XK 120 et non pas vouloir la conduire comme une "
moderne ".
EVOLUTION
Dès 1942 l'équipe de Coventry démarre l'étude
et de la conception du moteur XK. Six et quatre cylindres en ligne
prévus au départ. Trois ans plus tard en 1945, la
conception du moteur XK terminé. Le 27 octobre 1948, le roadster
Jaguar XK 120 roadster est présenté au salon de Londres
à Earl's Court. L'année suivante, le 30 mai, une Jaguar
XK 120 roadster pilotée par le pilote " Soapy "
Sutton atteint 213,4 km/h à Jabeke en Belgique. En octobre
de la même année, la Jaguar XK 120 rencontre de nouveau
le succès au salon de Paris. En 1950, la carrosserie de la
Jaguar XK 120 Roadster est désormais en acier. Seuls les
ouvrants sont toujours en aluminium. Prévue initialement
pour ne pas être produite ou en très petite quantité,
l'aluminium pouvait se justifier. Mais devant le succès rencontré
et la demande croissante, Coventry passe à l'acier pour des
raisons de coûts et d'adéquation avec le passage de
la construction à la chaîne. En 1951, Jaguar lance
la version Jaguar XK 120 Roadster SE (pour " Special Equipment
") avec roues fils, 2 carbus SU HD8 (180 ch, 210 ch avec culasse
Type C). Le 15 mars, le coupé Jaguar XK 120 est commercialisé.
Son équipement est plus luxueux avec une planche de bord
recouverte de cuir, de la moquette et du chauffage. Deux ans plus
tard, une version cabriolet est commercialisée. Enfin en
1954, les Jaguar XK 120 sont arrêtées et remplacées
par les Jaguar XK 140. C'est en 1961 que la génération
XK prend fin avec l'avènement de la mythique Jaguar
Type E.
ACHETER UNE
JAGUAR XK 120 Roadster
Par chance, la Jaguar XK 120 a été largement diffusée
pour l'époque avec plus de 12 000 exemplaires produits !
Mais bien entendu, elles ne sont pas toutes restées en vie
en raison des nombreux aléas des voitures âgées
: accidents, abandon, corrosion, compétition
Malgré
tout, le marché de la collection concernant la Jaguar XK
120 offre suffisamment d'exemplaires sur le marché sans avoir
à attendre des années pour faire son choix. Comptez
environ 45 000 euros pour un bel exemplaire. Les premiers exemplaires
avec carrosseries tout alu sont évidemment plus chers car
plus rares et recherchés par les amateurs et collectionneurs
de Jaguar (cela peut grimper jusqu'à 90-100 000 euros !).
Bonnes nouvelles pour l'amateur à la recherche d'une Jaguar
XK 120, elles ont presque toutes été restaurées
au moins une fois, et les pièces et accessoires sont tous
disponibles. Les spécialistes sont en outre nombreux à
pouvoir diagnostiquer, réparer et entretenir la belle anglaise.
En revanche, côté tarifs, on est dans l'anglaise de
sport et de luxe et tout n'est pas à la portée de
n'importe quelle bourse
En bonne sportive des années
40-50, la Jaguar XK 120 est exigeante par des entretiens réguliers
incluant de nombreux points de contrôles. A surveiller en
revanche sur des autos de cet âge, c'est la conformité
des équipements d'origine. Plusieurs exemplaires ont en effet
été modernisés avec moteur XK de berline ou
plus récent, crémaillère montée à
la place du boîtier à re-circulation à billes,
boîte 5 rapports plus facile à l'emploi que la Moss,
gros freins
Un modèle en bon état général,
dont la carrosserie en particulier sont à privilégier
pour limiter les frais. Il ne faut pas perdre de vue que les Jaguar
XK 120 sont des véhicules difficilement utilisables au quotidien
en raison de leurs qualités routières d'époques
et de dimensions déjà respectables. Il serait en outre
dommage de les faire souffrir dans les affres des trajets quotidiens.
Les sorties clubs et les balades les WE ensoleillées sont
certainement leurs terrains de prédilection.
CHRONOLOGIE
1942 : Démarrage de l'étude et de la conception
du moteur XK. Six et quatre cylindres en ligne prévus au
départ.
1945 : Conception du moteur XK terminé.
1948 : Le 27 octobre, présentation au salon de Londres
à Earl's Court du roadster Jaguar XK 120 roadster.
1949 : Le 30 mai, une Jaguar XK 120 roadster atteint 213,4
km/h à Jabeke en Belgique.En octobre, la Jaguar XK 120 rencontre
de nouveau le succès au salon de Paris.
1950 : La carrosserie de la Jaguar XK 120 Roadster est désormais
en acier. Seuls les ouvrants sont toujours en aluminium.
1951 : Lancement de la version Jaguar XK 120 Roadster SE
(pour " Special Equipment ") avec roues fils, 2 carbus
SU HD8 (180 ch, 210 ch avec culasse Type C).Le 15 mars, le coupé
Jaguar XK 120 est commercialisé. Son équipement est
plus luxueux avec une planche de bord recouverte de cuir, de la
moquette et du chauffage.
1953 : Une version cabriolet est commercialisée.
1954 : Les Jaguar XK 120 sont arrêtées et remplacées
par les Jaguar XK 140.
1957 : La Jaguar XK 150 remplace la Jaguar XK 140.
1961 : C'est la fin de la génération XK avec
l'avènement de la mythique Type E.
PRODUCTION
Jaguar XK 120 (1948-54) : 12 000 exemplaires environ.
:: CONCLUSION
Vrai mythe dans la gamme Jaguar à côté de la
Type E, C et D, la Jaguar XK 120 est surtout celle par qui tout
a commencé. Aujourd'hui, le charme et l'image de ce roadster
anglais sont intacts et son côté " oldies "
donne même une dimension supplémentaire. Alors soit,
comme toute ancienne de ces années-là, pas question
de vouloir conduire cette Jaguar XK 120 comme une auto moderne.
Mais une fois assimilé le mode d'emploi, et si vous l'entretenez
comme elle le mérite, la Jaguar XK 120 vous le rendra au
centuple et le plaisir sera au rendez-vous. Vous posséderez
en outre une auto qui peut flâner sur les petites routes départementales
par beau temps et être admise dans toutes les manifestations
de voitures anciennes, même les plus prestigieuses
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