| LE LOUP DANS LA BERGERIE ! Depuis la fin le début des années 50, Ferrari est 
                devenue la marque étalon à battre, tant sur les circuits, 
                que sur le marché des GT haut de gamme ultra-performantes. 
                Jusqu'à ce jour, nombreux sont ceux qui ont relevé 
              le défi, et il n'y a guère que Lamborghini qui ait 
                réussi dans la durée, non sans mal, à tenir 
                la dragée haute à la firme de Maranello. Tous les 
                autres ont du cesser le combat, faute de clients, ou faute d'image. 
                Cizeta-Moroder est de ceux-là, et pourtant dans la corbeille 
                on pouvait trouver un design signé Marcello Gandini et un 
              moteur V16 de 520 ch à la mélodie envoûtante... Texte : 
              Nicolas LISZEWSKIPhotos : D.R.
 Claudio Zampolli débarque aux Etats-Unis en 1973. Sa mission 
              est de réorganiser le réseau Lamborghini 
              outre-Atlantique. Une fois sa mission acquittée, il a le 
              secret projet de concevoir une supercar d'exception capable de faire 
              oublier la Lamborghini 
              Countach. Ses connaissances avec le personnel Lamborghini lui 
              seront précieuses pour la réussite, ou tout du moins 
              l'aboutissement de son projet. Son cahier des charges reprend en 
              quelque sorte celui de la Countach mais en le magnifiant et l'actualisant. 
              Dans son esprit, son futur modèle devra notamment profiter 
              d'une finition très luxueuse, plus en rapport avec les prix 
              pratiqués dans ce segment. Sa vision du segment du très 
              haut de gamme lui vient de son expérience en tant que l'un 
              des fournisseurs des stars du show-bizz en voitures de sport et 
              de luxe. Son échoppe était alors sise sur Hollywood 
              boulevard à Los Angeles. Il sait donc mieux que quiconque 
              quelles sont les attentes de ses futurs clients. C'est durant cette 
              période qu'il va vendre des voitures et se lier avec Giorgio 
              Moroder. Ce dernier est un musicien célèbre qui a 
              notamment réalisé la musique du film Midnight Express 
              et a été parolier de Donna Summer. Leurs origines 
              italiennes et leur passion commune pour les belles mécaniques 
              vont entraîner les deux hommes dans le projet fou de Claudio 
              Zampolli. D'autant plus fou, qu'en bon visionnaire original dans 
              ses choix, c'est vers un V16 que Claudio Zampolli jette son dévolu 
              pour animer sa supercar. Une chose est certaine, la Cizeta-Moroder 
              V16T, sera unique, à commencer par son moteur
 DESIGN              Dès le premier coup d'il on s'exclame : " mais 
              c'est comme une Lamborghini 
                Diablo !! ". C'est vrai qu'elle y ressemble fortement, 
              mais après tout, rien d'étonnant à cela puisque 
              le designer des deux autos est le même : Marcello Gandini. 
              A l'époque, bon nombre de journalistes ont supposé 
              que Marcello Gandini n'aurait pas supporté les retouches 
              apportées par les designers de Chrysler ses dessins du projet 
              de la Diablo et qu'il aurait ainsi réparé cet affront. 
              D'autres affirment que Chrysler aurait refusé les dessins 
              de Gandini jugés trop agressifs. Toutefois, il n'y a semble-t-il 
              aucune déclaration de Marcello Gandini à l'époque 
              qui affirmerait cette hypothèse. Simple imagination de journaliste 
              ou réalité ? Nous n'avons pas réponse à 
              apporter aujourd'hui sur ce sujet. Si Marcello Gandini ou Claudio 
              Zampolli lisent ce dossier, nous serions très heureux qu'ils 
              éclairent notre lanterne sur ce sujet. Le design de la Cizeta-Moroder 
              V16T serait donc le dessin originel et original signé Marcello 
              Gandini. Le calendrier a de plus avantagé le petit constructeur 
              en création puisque la Cizeta-Moroder V16T a été 
              présentée un an avant la Lamborghini Diablo. L'implantation 
              de son moteur en position transversal (comme sur la Lamborghini 
                Miura !) a dicté en grande partie la tâche du designer. 
              Pour vous donner un ordre de grandeur, la Cizeta-Moroder V16T est 
              2 cm plus large et plus longue que la Lamborghini Diablo. Très 
              basse avec seulement 1,11 mètres de hauteur, la Cizeta-Moroder 
              V16T semble donc encore plus large et plate qu'en réalité. 
              Malgré tout le talent de Marcello Gandini, on constate quelques 
              lourdeurs de style comme les prises d'air latérales qui semblent 
              rapportées (contrairement à celles d'une Ferrari Testarossa 
              contemporaine) et la poupe est massive (avec des feux d'Alpine 
                GTA). Chose rare, les échappement ressortent au-dessus 
              du bouclier arrière. L'aileron n'est là que pour le 
              look et n'apporte aucun gain significatif en aérodynamique. 
              La proue de l'auto affiche fièrement le logo du loup (emblème 
              de Cizeta-Moroder) et est garnie de quatre petits feux escamotables 
              superposés l'un au-dessus de l'autre par paire. Une fois 
              les phares en place, l'esthétique en prend un coup
 
              La Cizeta-Moroder V16T est donc très basse, large de l'arrière 
              avec un habitacle avancé au maximum.  A BORD DE LA CIZETA V16TL'habitacle fait la 
              part belle aux matériaux précieux : cuirs, aluminium
 
              Comme sur bon nombre de supercars, l'accès à bord 
              est difficile, et la planche de bord est finalement très 
              classique dans son dessin. Surprenant surtout comparé à 
              l'extérieur. L'équipement est très complet 
              avec même la climatisation de série expliquant ainsi 
              le côté cossu de l'intérieur de la Cizeta-Moroder 
              V16T. MOTEUR : UN FABULEUX V16              Sous le capot arrière, c'est bien entendu l'une des surprises 
              de la production mondiale que l'on retrouve sous la forme de ce 
              moteur V16 en position transversale. C'est cette disposition qui 
              explique le " T " dans le nom de la Cizeta-Moroder qui 
              signifie " transversal " et non pas " turbo ". 
              Bien que Cizeta-Moroder ne détient pas le record du premier 
              V16 au monde (Cadillac 
              avait déjà réalisé un tel moteur avant 
              guerre !), on ne peut que saluer la prouesse technique de l'équipe 
              de Claudio Zampolli. Pour être totalement honnête, ils 
              ne sont pas partis d'une feuille blanche. Chez Tecnostile, le motoriste 
              Oliviero Pedrazzi a en réalité assemblé deux 
              V8 travaillant ensembles. Ce V16 est donc muni de culasses et vilebrequins 
              séparés en deux groupes de huit cylindres. En revanche, 
              son bloc est d'une seule pièce et l'ordre d'allumage celui 
              d'un V16. Si côté allumage et gestion moteur, la Cizeta-Moroder 
              V16T avait initialement bénéficié d'un système 
              Bosch K-Jetronic d'origine Ferrari, c'est finalement un système 
              totalement maison qui sera retenu. Avec 6 litres de cylindrée 
              et 520 ch à 7000 tr/mn (décatalysé, le moteur 
              ira jusqu'à 560 ch), la Cizeta-Moroder V16T possédait 
              alors sur le papier des caractéristiques moteur pour tutoyer 
              les sommets de la performance automobile. Claudio Zampolli annonçait 
              alors plus de 300 km/h en vitesse maxi, 20,2 secondes au kilomètre 
              départ arrêté et tout juste 4 secondes au 0 
              à 100 km/h. Pour diriger cette symphonie en 16 majeur, une 
              boîte de vitesses mécanique ZF à 5 rapports 
              permet de passer le couple appréciable de 55 mkg à 
              5000 tr/mn. Cette boîte vient s'ancrer au centre du moteur, 
              perpendiculairement. Assurément, la Cizeta-Moroder V16T est 
              une supercar exceptionnelle et décalée par son V16 
              unique en son genre dans la production mondiale. Il faudra attendre 
              le démarrage de la production de la Bugatti 
              Veyron pour qu'un nouveau V16 voit le jour sur nos routes
 
              Le V16 de la Cizeta-Moroder se remarque également par une 
              sonorité diabolique. Ceux qui l'ont déjà entendu 
              ne s'en sont jamais remis. CHASSIS              Pas question de cellule centrale en matériaux composites 
              comme sur certaines de ses concurrentes directes. La Cizeta-Moroder 
              V16T fait appel à une structure multitubulaire classique 
              utilisant des tubes traités au molybdène. Sur cette 
              structure viennent se greffer les suspensions à double triangles 
              superposés. A l'arrière, les suspensions triangulées 
              et les combinés ressorts/amortisseurs sont placés 
              inboard (soit contre la boîte). Toute cette structure est 
              recouverte d'une carrosserie en panneaux d'aluminium. Pour freiner 
              cette lourde supecar (1720 kg !), quatre freins à disques 
              ventilés Brembo sans ABS sont à l'office. La direction 
              est à crémaillère mais sans assistance, laissant 
              augurer des séances de musculation pour garer ou manuvre 
              la Cizeta-Moroder V16T. La largeur des voies avant et surtout arrière 
              (1,66 mètres !) est impressionnante et dévoile à 
              l'avant de larges jantes de 17 pouces chaussées en 245/40 
              ZR 17 et à l'arrière en 335/35 ZR 17. Il ne devrait 
              pas avoir trop de problème pour passer la motricité, 
              car en plus de ces dimensions pneumatiques généreuses, 
              la Cizeta-Moroder est équipée d'un autobloquant à 
              40%. On imagine la bestialité de l'engin sur route et sur 
              circuit. Toutefois, il faudra pouvoir trouver le bon circuit qui 
              permette de profiter pleinement de la Cizeta-Moroder. EVOLUTION              Inutile de préciser que la Cizeta-Moroder ne connaîtra 
              que peu d'évolutions. Présentée en décembre 
              1988 au salon de Los Angeles, la Cizeta-Moroder évoluera 
              lors de son développement jusqu'en septembre 1991 lorsque 
              le premier client sera livré. Mais juste avant cette première 
              livraison, Giorgio Moroder, certainement lassé de trop de 
              fausses notes, quittera l'aventure. Les seules autos livrées 
              porteront donc le nom de Cizeta. Le Sultant de Bruneï fera 
              d'ailleurs parti des clients de Cizeta. Après quelques vicissitudes, 
              Claudio Zampolli doit stopper son rêve et son projet en 1993 
              après seulement 8 exemplaires produits. Deux modèles 
              non terminés seront enfermés des containers. En 2002, 
              Claudio Zampolli achève un neuvième exemplaires sur 
              demande spéciale qui est un roadster. Qui sait, peut être 
              qu'en prenant contact avec lui, un nouvel exemplaire pourrait voire 
              le jour ?
 ACHETER UNE CIZETA V16T                Voilà une question qui peut prêter à l'ironie. 
              Acheter aujourd'hui une Cizeta-Moroder nécessite un carnet 
              d'adresse bien rempli avec les bons contacts qui permettront d'en 
              trouver une. De même, votre compte en banque doit être 
              logiquement à l'abri du besoin. Car avec seulement 9 exemplaires 
              produits en coupé et trois roadsters, la Cizeta-Moroder doit 
              certainement s'échanger à prix d'or. Il comme pour 
              beaucoup de supercars, il conviendra de prendre son mal en patience 
              avant qu'un des heureux propriétaires accepte de s'en séparer. 
              La Cizeta-Moroder restera une aventure sans lendemain de la même 
              veine que les autres ayant tenté l'aventure à la fin 
              des années 80 pendant l'âge d'or des supercars. Et 
              avec le recul, malgré quelques fautes de style propre à 
              son époque et sa conception artisanale, la Cizeta-Moroder 
              V16T est certainement plus désirable qu'une Lamborghini Diablo 
              car plus authentique dans son design, plus rare et motorisée 
              par un V16
 Magique ? Certainement ! CHRONOLOGIE1973 : Arrivée de Claudio Zampolli aux USA pour réorganiser 
              le réseau Lamborghini américain.1988 : En décembre, au salon de Los Angeles, première 
              présentation publique de la Cizeta-Moroder V16T : design 
              de Marcello Gandini, moteur V16 transversal.
 1991 : Giogio Moroder, le musicien, se retire de l'affaire. 
              Les Cizeta-Moroder deviennent alors des Cizeta V16T. Le prototype 
              blanc présenté initialement changera ainsi de nom.Le 
              moteur V16 change de système d'injection et troque son système 
              d'origine Bosch K-Jetronic d'origine Ferrari pour une gestion électronique 
              intégrale Cizeta.En septembre, le premier client est livré.
 1993 : L'aventure Cizeta s'interrompt faute d'argent, de 
              rentabilité, des soucis de santé et des démêlés 
              avec la justice.
 2002 : Le premier spider Cizeta V16T est achevé par 
              Claudio Zampolli.
 PRODUCTION CIZETA V16TCizeta-Moroder V16T (Prototype) : 1 exemplaire
 Cizeta V16T : 8 exemplaires + 2 non terminés
 Cizeta V16T roadster : 3 exemplaires
 TOTAL : 14 exemplaires
 :: CONCLUSIONLa Cizeta V16T possède une histoire et des caractéristiques 
              propres aux GT d'exception, aux supercars réservée 
              à une élite (financières certes !) de connaisseurs 
              avertis. L'amateur fortuné optera pour une " classique 
              " Lamborghini Diablo, alors que le vrai connaisseur remuera 
              terre et ciel pour trouver enfin l'oiseau rare. Et si la bonne solution 
              pour en trouver une serait de retrouver Claudio Zampolli et lui 
              demander de re-fabriquer un exemplaire à la demande ? Chiche 
            !...
 CE QU'ILS EN ONT PENSE :"Bien sûr, l'implantation en position transversale de 
              cet encombrant propulseur ne s'est pas faite sans mal. Elle a surtout 
              sensiblement conditionné la silhouette de la voiture. D'où 
              cette ligne complètement disproportionnée, avec une 
              partie arrière franchement démesurée, un avant 
              particulièrement court et un poste de conduite très 
              en avant. C'est bien simple, la Cizeta est encore plus monstrueuse 
              que la Diablo ! Ses dimensions extérieures le confirment : 
              2 cm de plus en longueur et en largeur, le tout sur des voies et 
              un empattement encore plus généreux, et souligné 
              par une monte pneumatique tout aussi impressionnante (245/40 ZR 
              17 à l'AV et 335/35 ZR 17 à l'AR) ! Elle n'en reste 
              pas moins, elle aussi, très racée, très italienne 
              en somme."
 ACTION AUTO MOTO - HS juillet 1992 - Cizeta-Moroder V16T.
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