© L'AUTOMOBILE SPORTIVE (27/10/2003) 
	
 
 
            LA GT DU SIECLE 
             Au début des années 
                70, Porsche songe à remiser sa 911 au placard et c'est la 
                928 qui sera alors le fer de lance de Weissach sur le monde des 
                GT. La nouvelle venue, pour réussir son putsch, devra bénéficier 
                de toutes les dernières innovations de la marque et d'un 
                caractère affirmé. A-t-elle réussi son pari 
              ?
 
            Texte : 
              Nicolas LISZEWSKI 
              Photos : D.R. 
            Le 21 octobre 1971 reste une date clé 
              dans la genèse de la Porsche 928. C'est en effet le jour 
              où la décision de commencer l'étude d'un coupé 
              2+2 de forte cylindrée est prise à Weissach. Le docteur 
              Fuhrmann, président du Directoire de Porsche AG, fête 
              alors son anniversaire et l'équipe du département 
              recherche lui a offert une première maquette de la voiture
 
              en papier ! Quelques semaines plus tard, le 11 novembre de la même 
              année, le cahier des charges de la future 928 est adopté 
              pour définir plus précisément le véhicule. 
              Pour un constructeur de la taille de Porsche, il faut se montrer 
              très clairvoyant lors de la conception d'un modèle 
              qui sera produit sur une longue période à moins de 
              10 000 exemplaires par an. En effet, doivent être inclus dans 
              le cahier des charges dès les débuts, toute évolution 
              des réglementations, tant sécuritaires qu'environnementales, 
              sans que le modèle en conception soit trop rapidement hors 
              marché. De même, son look et sa technique doivent être 
              à même de traverser les modes. Cette stratégie 
              est essentielle pour pérenniser une société 
              de la taille de Porsche, car ne l'oublions pas, c'est le lutin qui 
              se taille la part du lion en compétition et sur le marché 
              des GT de sport tout en demeurant autonome financièrement. 
            DESIGN
            Le cahier des charges de la future 928 est relativement simple 
              : la future GT de Porsche doit se révéler en net progrès 
              sur la 911 en matière de confort et d'aisance de conduite, 
              cela avec un prix ne dépassant pas trop celui de la 911 SC. 
              Le choix du moteur avant s'est alors imposé de lui-même 
              pour répondre aux postulats de base. Comme l'explique le 
              docteur Bott, directeur de la recherche chez Porsche dans les années 
              70, dans un excellent article d'André Costa dans l'Auto-Journal 
              de 1977, un moteur arrière ou en position centrale complique 
              l'installation de 2 places arrière de secours, et supprime 
              souvent un coffre de capacité acceptable. Cela est toujours 
              possible, mais les dimensions extérieures sont alors augmentées
 
              Pour la sécurité passive et les crash tests, un moteur 
              avant permet d'améliorer nettement les résultats comparés 
              à une GT à moteur arrière, ce qui est primordial 
              pour une GT élaborée dès 1971 et qui devra 
              durer plus de 15 ans. Dans les grandes nouveautés, Porsche 
              étudie un V8 ouvert à 90° (angle idéal 
              pour l'équilibre du moteur), et des boucliers en plastiques 
              intégrés pour les petits chocs sont également 
              à l'honneur. Pour ces derniers, deux ingénieurs allemands 
              furent envoyés alors aux Etats-Unis pour étudier en 
              profondeur les législations en cours et à venir, l'impact 
              de tels pare-chocs sur la clientèle et la faisabilité 
              d'une telle option technique. Il a fallu en outre étudier 
              et valider la résistance de ces plastiques au vieillissement. 
            MOTEUR
            Porsche a depuis ses débuts basé sa stratégie 
              sur les moteurs à plat à 4 et 6 cylindres refroidis 
              par air. Pourtant, dès 1975, Porsche fit sensation (et polémique) 
              avec sa 924 et son 2 litres quatre cylindres en ligne, refroidi 
              par eau de surcroît, issu de la banque d'organes Audi. Pour 
              sa future 928, l'architecture V8 est validée, nous l'avons 
              vu plus haut, avec un angle d'ouverture de 90°. Ce moteur devait 
              pour de nombreuses raisons être de forte cylindrée. 
              Il devait satisfaire aux normes antipollution les plus draconiennes, 
              sans perdre pour autant trop de puissance. L'adaptation d'une transmission 
              automatique devait également être possible et la puissance 
              au litre devait rester modérée pour conserver un moteur 
              souple, silencieux et très endurant, avec une puissance maximale 
              valorisante cependant. La conception du moteur par elle-même 
              n'a pas donné trop de fil à retordre aux techniciens 
              de Porsche. Seule la courroie crantée de très grand 
              diamètre qui entraîne les deux arbres à cames 
              a nécessité deux ans d'étude pour arriver à 
              un résultat satisfaisant. La personnalité du moteur 
              devait être celle d'un moteur de tourisme. A cet effet, le 
              choix d'un seul arbre à cames en tête par rangée 
              de cylindres et des poussoirs hydrauliques s'est imposé de 
              lui-même. Le résultat de telles études est une 
              puissance de 240 ch pour un V8 de 4,5 litres et surtout un couple 
              appréciable de 35,6 mkg à 3 600 tr/mn. La puissance 
              sur le papier n'impressionne pas les foules aujourd'hui, mais il 
              fait se rappeler qu'une Citroën 2CV alors contemporaine ne 
              dépassait pas les 26 ch (!) et que des berlines 2 litres renommées 
              dépassaient de peu les 110 ch. En outre, la crise énergétique 
              est passée par-là, et chez Porsche, on a préféré 
              revoir la cylindrée et la puissance à la baisse pour 
              ne pas paraître arrogant. Enfin, comme sur les 924, la boîte 
              est rejetée à l'arrière et est reliée 
              au moteur via le système Transaxle qui autorise une rigidité 
              accrue et limite les bruits de roulement. La répartition 
              des masses est alors idéale. 
            CHASSIS
            La carrosserie, dessinée par le designer Lapine, représente 
              à elle seule la personnalité et le caractère 
              de la 928. Mais derrière ces lignes de squales intemporelles 
              se cache une réelle recherche aérodynamique. L'avant 
              plat a été dicté par les souffleries, ce qui 
              explique les phares escamotables et leur forme si particulière. 
              En outre la carrosserie se doit d'être très rigide, 
              gage d'une tenue de route améliorée et d'un équilibre 
              sans faille. La rigidité de la coque permet en outre de travailler 
              au mieux sur les suspensions et obtenir la tenue de route idéale. 
              Pour un équilibre parfait, les hommes de Porsche ont donc 
              conçu un train arrière avec un pincement des roues 
              motrices qui reste constant, c'est-à-dire que leur position 
              angulaire par rapport à l'axe longitudinal du véhicule 
              reste inchangé dans toutes les attitudes. Après avoir 
              vaincu tous les tests et essais sur le train arrière pour 
              qu'il motrice à la perfection et qu'il guide l'équilibre 
              de la voiture, les ingénieurs ont du travailler sur une direction 
              assistée, tant l'adhérence des pneumatiques Pirelli 
              P7 et la charge aérodynamique sur l'avant de la voiture était 
              importante. Le résultat de ces études ? Un châssis 
              qui reste un régal d'équilibre tout en ayant conservé 
              une mobilité exceptionnelle. 
            EVOLUTION
            C'est en mars 1977, au salon de Genève, que la Porsche 
              928 fait ses grands débuts. A l'époque, elle est présentée 
              comme la GT qui va progressivement éclipser la 911. On connaît 
              aujourd'hui l'issue de cette lutte fratricide et inégale
 
              Tout étonne en elle, à commencer par son look de soucoupe 
              volante, son V8 de 4,5 litres et ses performances. Certes, déjà 
              à l'époque elles sont jugées justes pour concurrencer 
              Ferrari et Lamborghini. L'intérieur innove, à commencer 
              par ce bloc instrument solidaire de la colonne de direction qui 
              est réglable. Ainsi, il est enfin possible d'abaisser le 
              volant sans que le compteur soit masqué par la jante du volant. 
              L'intérieur en velours à damiers est bien dans le 
              ton de la gamme Porsche 1977 et les jantes osent le style téléphone. 
              Dès les premiers essais, la presse est dithyrambique, à 
              tel point que l'année suivante, la Porsche 928 est élue 
              voiture de l'année 1978. C'est la seule fois qu'une GT aura 
              été élue jusqu'à ce jour voiture de 
              l'année. En 1979, les crises pétrolières sont 
              désormais loin et Porsche accède enfin à la 
              demande de tous : donner plus de puissance à une GT qui en 
              manque pour permettre à son châssis de se mettre pleinement 
              en valeur. La 928 S accueille donc un V8 à la cylindrée 
              légèrement accrue (4,6 litres) et développe 
              300 ch. Les performances progressent évidemment de manière 
              significatives puisque les 250 km/h en vitesse de pointe sont atteints 
              et la borne kilométrique est franchie en moins de 26 secondes. 
              En 1981, Porsche fête son jubilé (50 ans !) et la 928 
              S, au même titre que la 911 3.2  a droit à sa série 
              Jubilée limitée à 140 exemplaires. Les seules 
              modifications sont un équipement enrichi et une présentation 
              spécifique. En 1982, la 928 4,5 litres 240 ch est retirée 
              du catalogue, tant elle paraît décalée par rapport 
              au reste de la gamme. Moins performante qu'une 911, plus chère, 
              elle ne se justifie plus depuis la commercialisation de la 928 S 
              qui vampirise toutes les ventes de 928. L'année d'après, 
              la 928 S gagne 10 ch avec quelques petites modifications moteur 
              avant les changements importants qui seront opérés 
              dans la gamme 928. En effet, dès 1986, les 928 sont relookées 
              surtout pour les boucliers avant et arrière, et le V8 est 
              coiffé d'une culasse à 4 soupapes par cylindres (Porsche 
                928 S4)
             
            ACHETER UNE PORSCHE 928
            Les Porsche 928 phase 1 posent un réel dilemme en occasion. 
              Leur aura est en effet moins forte que la 911 qui éclipse 
              toutes les autres Porsche à moteur avant. De plus, les coûts 
              d'entretien et de réparation d'une GT aussi prestigieuse 
              à moteur V8 fait fuir les acheteurs potentiels. En clair, 
              soit vous avez le budget nécessaire à l'entretien, 
              et en règle général, vos revenus vous permettent 
              d'acheter l'équivalent neuf, soit vous passez votre chemin. 
              Ainsi, les premières Porsche 928 avec le moteur 4,5 litres 
              de 240 ch s'échangent à partir de 8 000 euros en bon 
              état, et les versions S démarrent à 12 000 
              euros. En outre, les performances quelconques et la puissance contenue 
              des premières Porsche 928 4,5 litres de 240 ch, ne les mettent 
              pas réellement en valeur. Les Porsche 928 phase 1 seraitent-elles 
              donc des autos à bannir ? Heureusement non ! Mais seuls les 
              passionnés de la première heure, qui ont du patienter 
              une quinzaine d'années, seront des acheteurs potentiels. 
              Leur passion sera suffisante pour consacrer le minimum de budget 
              à l'entretien et les réparations. Les premières 
              Porsche 928 ne connaissent pas de réels gros défauts 
              de conception. Si l'habitacle et ses plastiques vieillissent plutôt 
              mal (un comble pour une auto de ce prix !), l'ensemble de la voiture 
              est plutôt robuste. L'ensemble moteur-boîte est fiable, 
              à condition bien entendu que l'entretien requis ait été 
              réalisé. La courroie de distribution, commune aux deux bancs de cylindres, doit être 
              contrôlée et remplacée selon les préconisation 
              de Porsche, soit tous les 80 000 km. A cette périodicité 
              on parle de grosse révisions sur les 928 chez Porsche, et 
              le coût de la facture gloable est très élevé. 
              A noter quelques faiblesse au niveau de la pompe à eau et 
              du circuit électrique parfois fantaisiste. Globalement, il 
              ne faut surtout pas acheter une auto sans historique et sans factures 
              d'entretien. Sinon, c'est la ruine assurée pour la moindre 
              remise en état ! De même, il faut privilégier 
              les autos d'origine française, car dès qu'elles sont 
              importées d'Allemagne, de Belgique ou du Luxembourg, le risque 
              sur l'absence d'historique est réel, voire pire, l'auto est 
              parfois maquillée
 Dernier détail à ne 
              pas négliger, certaines pièces commencent à 
              ne plus être disponibles chez Porsche comme l'arbre Transaxle 
              par exemple, ce qui peut se révéler handicapant en 
              cas de panne ou de casse. 
            CHRONOLOGIE PORSCHE 928
             1977 : Présentation en 
              mars au salon de Genève de la 928 (V8 4.5 240 ch). 
              1978 : La 928 est élue Voiture de l'Année 78 par un 
              cortège de journalistes. 
              1979 : Commercialisation de la 928 S avec son V8 4.6 de 300 ch. 
              1981 : Lancement de la 928 S Jubilée pour les 50 de la marque. 
              Série limitée à 140 exemplaires. 
              1982 : La 928 de 240 ch est retirée du catalogue en août. 
              1983 : La 928 S gagne 10 ch et des nouvelles jantes. 
              1986 : Présentation de la nouvelle 928 S4 (la MkII) avec 
              ses 320 ch et son esthétique revu notamment sur sa partie 
              AR.             
            :: CONCLUSION 
              Les Porsche 928 phase 1 sont des autos attirantes et exceptionnelles 
              à plus d'un titre. Leur réelle force est sans conteste 
              un châssis rarement égalé sur son compromis 
              équilibre/mobilité. Le design de l'auto dérange, 
              surprend et fascine, mais ne laisse personne indifférent. 
              Surtout dans cette première génération de Porsche 
              928 avec les petits feux arrière et les pare-chocs rond sans 
              proéminence. Enfin, le V8 et ses performances intéressantes 
              en variantes S avec 300 puis 310 ch complètent le tableau 
              pour vous séduire. Certes, il faudra composer avec un coût 
              d'entretien réellement important et une consommation d'essence 
              conséquente.. Pour résoudre le premier problème 
              énoncé, il ne faudra pas hésiter à investir 
              1000 ou 2000 euros supplémentaires pour vous garantir une 
            auto au passé sans surprise
 
            CE QU'ILS EN ONT PENSE : 
"Je ne vais pas vous répéter ici à quel 
              point la 928 m'a satisfait. Simplement, je dirai que la minutie 
              avec laquelle l'étude générale de cette voiture 
              a été menée est impressionnante et que le plaisir 
              que j'ai tiré de sa conduite demeurera longtemps dans mon 
              esprit. Réunir sur le même véhicule un confort 
              raffiné et les qualités routières permettant 
              d'exploiter sa puissance sans aucune retenue, quelle réussite... 
              en attendant peut-être une 928 turbo surpuissante pour les 
              inconditionnels du 300 km/h !" 
              AUTO JOURNAL - PORSCHE 928 - 1977. 
            "Dans 
              le même temps, la Porsche 928 S paraît se réveiller. 
              Têtue, elle s'accroche en virage avec une énergie sauvage 
              et, sauf erreur de conduite, elle ne cède pas de l'avant 
              et sa direction conserve toute sa précision. Quant au freinage, 
              il est certes très satisfaisant sur les deux voitures (BMW 
              M635 CSI NDLR) mais celui de la 928 -qui dispose de l'ABS en option 
              alors que la BMW en est pourvue en série, il faut le souligner- 
              m'a paru plus endurant et mieux équilibré dans les 
              cas extrêmes." 
              AUTO JOURNAL - PORSCHE 928 S - 1984. 
            "Le châssis de la Porsche 
              928 S2 ne vous trahira jamais. Il est si efficace, que c'est une 
              vraie supercar dont les limites ne pourront pleinement être 
              exploitée et atteinte sans craintes. Lorsque vous commencer 
              à agir ainsi, vous sentirez alors pleinement l'auto s'inscrire 
              sur sa trajectoire et ne plus la quitter, à moins de la balancer 
              en dérive. Si sur sol sec un tel comportemnt peut être 
              adopté, il en va tout autrement sur chaussée dégradée 
              ou humide, car la 928 S2 devient alors plus difficile à contrôler." 
              MOTOR - PORSCHE 928 S2 - Road Tests Annual 1985.            |