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             UN FAUVE APPRIVOISE... 
             Sous l'impulsion de Jean-Luc Lagardère, son flamboyant PDG, 
                Matra rachète la société de René Bonnet qui commercialise un coupé 
              sport, la Jet. Puis, le premier produit 100% Matra au niveau conception, 
              la 530, est dévoilée. Ingénieuse, rigolote et intéressante, elle 
                reste cependant trop décalée stylistiquement et sous-motorisée pour 
                connaître un véritable essor. Matra passe à l'étape suivante avec 
              cette fois-ci un fauve apprivoisé... 
            Texte : 
              Nicolas LISZEWSKI 
              Photos : D.R. 
            Après les résultats commerciaux 
              décevants de la 530, trop originale dans sa ligne, qui succède à la Djet, trop artisanale, les dirigeants 
              de Matra réorientent le renouvellement de la gamme sur des 
              valeurs plus sûres. Quoique
 L'association avec Simca 
              et son réseau a conduit l'équipe technique à 
              opter pour un moteur Simca 1300 cm3, toujours en position centrale 
              arrière. Le moteur doit rester d'origine pour des raisons 
              évidentes de coûts et également de SAV, puisque 
              toutes les Matra sont distribuées et entretenues par le réseau 
              Simca. Philippe Guédon, hostile à la formule 2+2, 
              trouve une parade et invente la GT à moteur centrale à 
              3 places
 de front ! L'avantage selon lui est que sur une 2+2, 
              les 2 places AR restent symboliques, tandis que sur une trois places 
              de front, chaque occupant est confortablement installé. 
            UNE LIGNE EVOCATRICE DE PERFORMANCES
            La Matra 550 (tel est le nom technique du projet de la Bagheera) 
              doit revenir sur des valeurs plus conventionnelles en matière 
              de design. L'heure est à la diffusion en large quantité 
              dans un soucis évident de rentabilité du projet. L'objectif 
              fixé aux designers, notamment Jean Toprieux (auteur du dessin 
              initial), Jacques Nochet et Antoine Volanis, est de s'inspirer des 
              Ferrari, pour l'esprit GT. Mais la démarche, alors peu courante 
              à la fin des années 60, est de partir de la cellule 
              de l'habitacle qui comporte 3 places de front. Au final, le résultat 
              est heureux, avec une ligne harmonieuse, dotée de phares 
              escamotables comme sur la 530 pour l'esprit sportif et l'aérodynamique, 
              et d'un large hayon vitré derrière. Sous cette lunette 
              arrière, on trouve le moteur et un coffre de 320 dm3, qui, 
              il est vrai, est bien au chaud
 
            MAITRISER LES COUTS
            Pour assurer un succès commercial durable à leur 
              future auto, les responsables de Matra et Simca décident 
              qu'un maximum d'éléments proviendraient de la grande 
              série. C'est donc la Simca 1100 qui sera la principale pourvoyeuse 
              de pièces. En effet, outre son moteur de 1300 cm3, la 1100 
              lui cède son train AV, sa direction et ses freins. Toute 
              la partie AR est en revanche totalement inédite. Le châssis 
              en tôle emboutie et soudée est équipé 
              de suspensions par barres de torsion. La Bagheera bénéficie 
              d'un système spécifique à l'arrière 
              de barres transversales réalisées en aluminium pour 
              réduire le poids général de l'auto qui n'est 
              malheureusement pas très puissante, avec seulement 84 ch 
              ! Cette solution technique pour le châssis autorise ainsi 
              un comportement routier d'exception. Suffisamment confortable, même 
              pour trois personnes, il offre de surcroît toute l'efficacité 
              nécessaire qui sied à sa ligne évocatrice de 
              performance. L'auto prend très peu de roulis en virage et 
              vire toujours à plat sur ses quatre roues. Il est vrai que 
              le (petit) moteur autorise peu de figures de style
 
            UN LANCEMENT PRESTIGIEUX !
            Après les derniers tests d'endurance longues durées 
              effectués dans le désert de Mauritanie, le Sahara 
              et en Laponie pour valider les matériaux et assemblages lors 
              de situations climatiques extrêmes, les Matra Bagheera sont 
              confiées aux journalistes le 14 avril 1973 dans la région 
              du lac d'Annecy. L'intérieur futuriste dans tous ses détails 
              ainsi que les 3 places de front piquent la curiosité des 
              journalistes conquis par les prestations générales 
              de l'auto, même s'ils trouvent tous la mécanique trop 
              juste. Le ramage n'est pas à la hauteur du plumage de cette 
              petite GT à la Française. Le grand public découvre 
              le lancement officiel de la Bagherra aux 24 Heures du Mans quelques 
              semaines plus tard. Les 500 Matra Bagheera jaunes sont remises aux 
              concessionnaires qui repartent par la route avec, tandis que Pescarolo-Larrousse 
              signent la 2ème victoire Mancelle de suite avec la Matra 
              670B. Malgré une qualité des matériaux et de 
              finition moyenne, la Matra Bagheera rencontre un vif succès 
              commercial récompensant enfin l'ingéniosité 
              et le travail des gens de chez Matra. En juin 1974, le dix millième 
              exemplaire sort des chaînes de production de l'usine de Romorentin. 
              De nombreux prix sont décernés à la Matra, 
              sauf en Allemagne où l'exigence allemande en matière 
              de finition et qualité n'y trouve pas son compte. Surtout 
              avec 84 ch
 
            PREMIERS DEPLOIEMENTS
            Dès le salon de Paris 1974, Matra commercialise une 
              curieuse variante Courrèges. Entièrement blanche, 
              y compris à l'intérieur, elle reprenait ainsi à 
              la lettre le souhait d'André Courrèges sur ce projet. 
              Il voulait même des pneus à flancs blancs ! En 1975, 
              Matra et Simca profitent de la nouvelle gamme 1307/1308 pour équiper 
              la Bagheera du moteur 1 442 cm3 qui développe désormais 
              90 ch. C'est la Bagheera S. Si la puissance et la cylindrée 
              augmentent, au volant, on ne constate pas de réels changements 
              en terme d'accélérations. C'est essentiellement en 
              agrément de conduite que la nouvelle "S" se montre 
              sous ses beaux jours grâce à sa cylindrée et 
              son couple plus forts. L'équipement de série sur la 
              Bagheera S est évidemment plus complet. Il est à noter 
              que la Courrèges bénéficie aussi du moteur 
              de la "S". 
            NOUVELLE PEAU
            En juillet 1976, Matra présente une Bagheera au look 
              actualisé destiné à relancer les ventes alors 
              en décrépitude. C'est bien joué de la part 
              de Matra, car si le coût de ces changements pour l'usine est 
              réduit, l'impact visuel est très fort. Les pare-chocs 
              AV et AR sont plus enveloppant, les porte-à-faux sont légèrement 
              allongés, affinant ainsi la silhouette de la Bagheera, la 
              planche de bord est nouvelle et les faux AR sont empruntés 
              à la gamme Simca. Si le look est gagnant, le poids de l'auto 
              s'est détérioré ainsi que l'aérodynamique, 
              ce qui avec seulement 90 ch n'est pas une bonne nouvelle pour une 
              auto à caractère sportif. Pour ce millésime 
              1977, il existe donc toujours 3 modèles dans le catalogue 
              Matra : la version de base avec le 1 294 cm3 de 84 ch, la S de 90 
              ch avec son 1 442 cm3 et la Courrèges qui reste une S à 
              la finition spécifique. A l'intérieur des Courrèges, 
              petite nouveauté, les sièges en Skaï blancs sont 
              devenus couleur sable. L'année suivante, la Courrèges 
              disparaît du catalogue et laisse la place à la Bagheera 
              X qui hérite d'une présentation très flash 
              avec des sièges verts, une carrosserie noire avec filets 
              verts eux aussi ! 
            FIN DE CARRIERE
            Pour le millésime 79, le moteur de 1 294 cm3 disparaît 
              et un modèle de base doté du 1 442 cm3 dégonflé 
              à 84 ch est commercialisé pour rester présent 
              dans la catégorie des 7 CV. C'est également le millésime 
              de commercialisation du modèle Jubilé. C'est en réalité 
              une série spéciale qui hérite de toutes les 
              options et du moteur de 90 ch. Elle est la seule des Bagheeraà 
              ne pas arborer une livrée bicolore alors généralisée 
              sur le reste de la gamme. A l'automne 1979, la Bagheera S est retirée 
              du catalogue et suite aux accords et rachats avec PSA, les dernières 
              Matra Bagheera sont désormais étiquetées "Talbot-Matra". 
              En septembre 1980, la Bagheera X, alors derniers modèle encore 
              commercialisé cesse sa carrière honorable après 
              plus de 47 796 exemplaires produits. C'est la Murena, qui aura la 
              lourde tâche de succéder à la Bagheera. Mais 
              l'histoire ne se répétera plus
 
            ACHETER UNE MATRA-SIMCA BAGHEERA
            La bonne surprise pour tout passionné intéressé 
              par la Bagheera, est justement cette image en demi-teinte qui rend 
              les prix d'achat très accessibles. A partir de 2 100 € 
              vous pouvez trouver une Bagheera en bon état. Même 
              un étudiant, travaillant chaque été dans des 
              "petits boulots", peut s'en offrir une. L'assurance collection 
              permet en outre d'abaisser très fortement le coût des 
              cotisations. Ne rêvons toutefois pas trop longtemps, à 
              ce prix de 2 100 €, elle n'aura certainement pas été 
              restaurée, et n'aura pas également reçu tout 
              l'entretien requis.  
            La carrosserie est en fibre de verre et ne souffrira 
              donc pas de la corrosion. Pour autant les soubassements et le châssis 
              sont eux très sensibles à la corrosion, d'autant qu'elle 
              est cachée ! A surveiller lors de tout achat scrupuleusement 
              sous peine de grosses factures. Comme sur beaucoup d'anciennes qui 
              ne roulent plus, il n'est pas rare de voir des étriers de 
              freins qui se grippent. Les mécaniques sont très fiables 
              avec des culbuteurs qui deviennent plus sonores avec le temps. Les 
              syncros de secondes sont souvent fatigués et accrochent, 
              tandis que l'électricité pour des autos ayant couché 
              dehors peut s'avérer fantaisiste. Le seul vrai problème 
              sont les intérieurs (sièges et garnitures) qui sont 
              aujourd'hui introuvables dans le commerce. Il faut donc se résigner 
              à passer chez un sellier ou à consulter les petites 
              annonces. 
            Globalement la Matra Bagheera est une auto très 
              fiable, amusante tant à conduire qu'à contempler, 
              pas très nerveuse (surtout comparée aux productions 
              mazoutées actuelles -sic !-), aux prix accessibles et à 
              l'entretien raisonnable mais difficile d'accès. Alors à 
              collectionner ? Assurément et dès maintenant avant 
              qu'il ne soit trop tard ! Elle est particulièrement recommandée 
              pour les petits budgets de passionnés
 
            CHRONOLOGIE MATRA BAGHEERA
                          1973 : Présentation de la Bagheera 1 294 cm3 en avril. Deux 
              versions sont disponibles dont une avec jantes alu, glaces teintées, 
              sièges bicolores, ceinture à enrouleur et dégivrage 
              AR de série. 
              1975 : Série limitée Courrèges peinte en blanc 
              avec une sellerie beige et des glaces électriques. 
              1976 : Commercialisation de la Bagheera S avec le moteur 1 442 cm3.  
              1977 : Léger facelift des Bagheera : pare-chocs AV et AR 
              plus enveloppants, vitres agrandies, nouveaux feux AR empruntés 
              à la gamme Simca et capot AV sans louvres. 
              1978 : Nouvelle version Bagheera X noire à filets verts avec 
              sièges verts, qui remplace la Courrèges. 
              1979 : Commercialisation d'une version économique à 
              7 CV équipée du 1 442 cm3 doté d'un seul carbu 
              double corps.Lancement de la Jubilé, qui est un modèle 
              de base S avec présentation spécifique. 
              1980 : Le nom Simca est désormais banni, et c'est devenu 
              une Talbot-Matra Bagheera. Fin de la production après 47 
              796 exemplaires produits. Commercialisation de la Murena. 
            PRODUCTION MATRA SIMCA BAGHEERA 
              Bagheera Courrèges Série 1 : 216 exemplaires 
              Bagheera Série 1 : 25 260 exemplaires 
              Bagheera Courrèges Série 2 : 445 exemplaires 
              Bagheera Versions X : 1 440 exemplaires 
              Bagheera Série 2 : 20 345 exemplaires 
              TOTAL : 47 796 exemplaires 
            
              
                | Fiche Technique | 
                 X 3550 
                  1974-78 
                  Courrèges 1975 | 
                 X 6550 
                  S 1976-79 
                  Courrèges 1976-77 
                  X 1978-79 
                  Jubilé 1979 | 
                 X 6551 
                  1979 | 
                 X 6652 
                  X 1980 | 
                 X 6553 
                  1980 | 
               
              
                | MOTEUR | 
               
              
                | Type 
                  (cylindres) | 
                4 
                  cylindres en ligne | 
               
              
                | Position | 
                Transversal 
                  AR | 
               
              
                | Arbres 
                  à cames (entraînement) | 
                Arbre 
                  à cames latéral | 
               
              
                | Soupapes 
                  (nombre) | 
                8 | 
               
              
                | Alimentation | 
                  | 
                1 
                  carbu dble corps | 
                2 
                  carbus dble corps | 
                1 
                  carbu dble corps | 
               
              
                | Cylindrée 
                  en cm3 | 
                1294 | 
                1442 | 
               
              
                | Alésage 
                  x course en mm | 
                76,7 
                  x 70 | 
                76,7 
                  x 78 | 
               
              
                | Puissance 
                  ch DIN à tr/mn | 
                84 
                  à 6000 | 
                90 
                  à 5800 | 
                84 
                  à 5800 | 
                90 
                  à 5800 | 
                85 
                  à 5800 | 
               
              
                | Puissance 
                  au litre en ch | 
                64,9 | 
                62,4 | 
                58,2 | 
                62,4 | 
                58,9 | 
               
              
                | Couple 
                  maxi en mkg à tr/mn | 
                11 
                  à 3200 | 
                12,2 
                  à 3200 | 
                12,6 
                  à 3200 | 
                12,4 
                  à 3200 | 
                12,5 
                  à 3200 | 
               
              
                | TRANSMISSION | 
               
              
                | Aux 
                  roues | 
                AR | 
               
              
                | Boîte 
                  de vitesses (rapports) | 
                4 
                  manuelle | 
               
              
                | POIDS | 
               
              
                | Données 
                  constructeur en kg | 
                885 | 
                915 | 
                915 | 
                1000 | 
                1015 | 
               
              
                | Rapport 
                  poids/puissance en kg/ch DIN | 
                10,5 | 
                10,1 | 
                10,9 | 
                11,1 | 
                11,9 | 
               
              
                | PERFORMANCES | 
               
              
                | Vitesse 
                  maxi en km/h | 
                185 | 
                185 | 
                179 | 
                178 | 
                173 | 
               
              
                | 400 
                  m DA en secondes | 
                18 | 
                17,7 | 
                ND | 
                ND | 
                <18,8 | 
               
              
                | 1000 m DA en secondes | 
                33,5 | 
                32,8 | 
                ND | 
                ND | 
                35,2 | 
               
              
                | 0 à 100 km/h en secondes | 
                ND | 
                ND | 
                ND | 
                ND | 
                12,7 | 
               
             
            :: 
              CONCLUSION 
               La Matra Bagheera est typiquement une réalisation du pays 
              qui n'a pas de pétrole mais des idées. Depuis l'après-guerre, les 
              grosses cylindrées nationales sont brimées, matraquées fiscalement 
              et moralement. Ainsi, depuis des dizaines d'année, notre industrie 
              automobile nationale ne possède pas de réel moteur de prestige, 
              gros, puissant et coupleux, sauf en Formule 1 ! Dès que l'on a compris 
              cela, le destin de la Matra Bagheera et de son image est alors tout 
              tracé. Sans moteur, allié avec un réseau de productions "populaire" 
              (Simca) et une image en construction, Matra ne pouvait faire d'autre 
              choix que d'innover tout en conservant un côté raisonnable sur le 
              budget et la motorisation. Un peu à l'image d'une 206 CC d'aujourd'hui, 
              la Matra Bagheera faisait alors tourner les têtes et ne laissait 
              pas indifférent. Mais, dans les esprits, il n'était pas question 
              d'associer une Bagheera avec une GT sportive noble et prestigieuse. 
              Pour preuve, sa descendante, la Murena, encore plus efficace et 
              jolie, ne connut aucun succès commercial, tant la vague des GTI, 
              aussi puissantes, performantes, efficaces et surtout plus pratiques, 
              l'a enterré. Certes, la Murena est née dans un contexte difficile 
              de reprise de Chrysler Europe par PSA peu enclin à ce genre d'automobile. 
              Alors la Bagherra, simple effet de mode ? A posteriori oui, mais 
              si le prototype développé par Matra avec un moteur 8 cylindres de 
              160 ch en forme de U (U8) avait débouché sur une commercialisation, 
              les choses seraient peut être différentes aujourd'hui. Car des marques 
            comme Porsche et Ferrari continuent d'exister, GTI ou non…             
            CE QU'ILS EN ONT PENSE 
              "Pour tout dire, la Bagheera 
              est très agréable à conduire mais sa puissance 
              disponible n'est pas digne de son aspect général, ni 
              de ses qualités routières, ni peut être même 
              de son prix. Cela étant, le moteur n'est guère bruyant, 
              sauf à très haut régime et le guidage de la boîte 
              est correct. Le compromis réalisé en matière 
              de comportement routier est assez heureux. Certes l'instantanéité 
              des réactions n'est pas comparable à ce que l'on note 
              sur la Scirocco mais, par contre, le confort offert au pilote et à 
              ses passagers est supérieur." 
              L'AUTO-JOURNAL - 1978.  |