MASERATI 222 4V (1991 - 1994)
L’APOTHEOSE
La Ghibli II est prête à sortir. Afin de liquider les stocks et de continuer à faire l’actualité, Maserati décide de greffer le V6 24 soupapes destiné à l’exportation dans sa Biturbo. Au même titre que la Racing qui n’est autre que son homologue italienne, elle fait patienter jusqu’à la sortie de la grosse nouveauté, prévue pour voir le jour l’année suivante. C’est comme cela qu’est née l’une des plus désirables des Biturbos...
Texte :
Maxime JOLY
Photos : Thomas POSLUSZNY
Notre épopée sur la Maserati Biturbo se poursuit avec un autre collector, le dernier en date avant la Ghibli II. La nouveauté de la 222 4v se situe sous son capot qui abrite le dernier bijou de chez Modène : le 2.8L multisoupapes. A ne pas mettre en toutes les mains…
PRESENTATION
Extérieurement, la 222 4v n’est ni plus ni moins qu’une Maserati Racing rebadgée. Les différences se limitent au nombre de coloris disponibles puisque avec la Racing, on n'avait le choix qu'entre le rouge et le noir. La 222 4v a elle reçu le panel complet de couleurs. Les plus observateurs remarqueront peut-être qu'il en existe quelques noires dont les feux arrière sont fumés comme sur les Racing et Shamal. Malheureusement, personne n’est en mesure de confirmer si toutes les 222 4v noires avaient cette particularité ou si ce sont des modifications personnelles. Les jantes 16" OZ Racing sont reprises telles quelles à la Racing, même chose pour la calandre, les bas de caisse, les quatre sorties d’échappements, l’aileron et les feux avant des 2.24v phase 2 / 222 SR. Pas de quoi être dépaysé, en somme. Même constat à l’intérieur où la seule nouveauté concerne la suppression de l’alcantara sur les sièges. Modification également déjà vue sur la Racing et valable pour la berline 430 4v.
CARACTERISTIQUES
MASERATI 222 4V
MOTEUR
Type : 6 cylindres en V à 90°, 24 soupapes
Position : AV longitudinal
Arbres à cames (entraînement): 2 en tête
Alimentation : Injection + 2 turbos IHI + 2 échangeurs air/air
Cylindrée (cm3) : 2790
Alésage x course (mm) : 94 x 67
Puissance (ch DIN à tr/mn) : 279 à 5500
Couple maxi (Nm à tr/mn) : 430 à 3750
TRANSMISSION
AR
Boîte de vitesses (rapports) : manuelle (5)
ROUES
Freins Av-Ar : Disques ventilés
Pneus Av-Ar : 205/45 - 225/45 ZR 16
POIDS
Données constructeur (kg) : 1315
Rapport poids/puissance (kg/ch) : 4,7
PERFORMANCES
Vitesse maxi (km/h) : 255
0-100 km/h (secondes) : 5"5
1000 m DA (secondes) : 25"5
PRIX NEUF (1991) : 413.914 FF
COTE (2012) : 20.000 €
PUISSANCE FISCALE : 13 CV
MOTEUR
Pas facile de se retrouver dans les appellations des Maserati Biturbo. Un rappel de l’historique des motorisations de cette saga incroyable s’impose en préalable. Tout commença avec les 2 litres et 2.5 18 soupapes à carburateur. Le premier moteur pour le marché italien, l’autre pour l’étranger. L’injection n’arriva que courant 1986 sur les Biturbo i/Si. Au printemps de la même année, fut présentée la 228 au salon de Turin.
Comme son nom l’indique, elle troque le 2.5L pour un 2790 cm3. Petit à petit, ce moteur finit par devenir le moteur officiel de l’exportation, que ce soit sur la berline 430 ou sur le Spyder iE. Il se montrait peu poussé afin de ne pas trop distancer le 2 litres italien. Malheureusement, il fut catalysé sur plusieurs marchés, abaissant sa puissance à 225 chevaux seulement. Difficilement acceptable pour un 2.8 bi-turbo, même dans les années 80. Il fallait trouver un moyen de booster les moteurs pour faire face à la tendance généralisée de la « catalysation ». La solution de facilité aurait été de simplement faire souffler plus fort les deux turbocompresseurs IHI. Au lieu de cela, Maserati s’engagea sur une autre voie. Le 2 litres de la 2.24v fut le premier à passer à 24 soupapes et, de ce bloc, fut conçu le V8 32V de la Shamal. Bien que catalysé, ce dernier dépasse les 100 ch/l. Le dernier moteur à passer au quatre soupapes par cylindre fut le 2.8, et c’est ici qu’entre en jeu la 222 4v.
Mais pas seulement, car 1991 vit aussi la sortie de la 430 4v, disposant des mêmes ingrédients que le coupé. Annoncé pour 279 ch, c’est par sa souplesse que le V6 AM477 se montre le plus appréciable dans son utilisation. Souplesse qui laisse vite la place à la hargne une fois le pied dedans. Il faut dire qu’avec 430 Nm, les reprises sont impressionnantes et vous collent aux sièges. Rendez-vous compte, au début des années 90, il fallait un gros V8 atmo pour disposer d’un tel couple. Même l’ottocilindri de la Shamal ne fait pas mieux. Les chiffres officiels fournis par Maserati étant tous les mêmes pour toutes les Biturbos, impossible de connaître précisément l’étendue des aptitudes de l’italienne. En tout état de cause, elle atteint les 100 km/h en largement moins de 6 secondes et le kilomètre départ-arrêté doit tourner autour des 25 secondes. La motricité faisant défaut lors d’un démarrage en trombe, elle pénalise du même coup les concours au chronomètre. La boîte ZF inversée est du passé, au profit d’une Getrag. Contrairement à la Shamal, pas de sixième rapport. Cependant, la consommation est en baisse par rapport aux précédentes Biturbos grâce à un meilleur étagement de la boîte et une réserve de couple inépuisable.
SUR LA ROUTE
Décriée pour son châssis rock ‘n’ roll, la Maserati Biturbo était davantage reconnue pour ses talents de voiture joueuse plus que pour ses aptitudes réellement sportives. Ce n’était pas faux. En particulier tant qu’elle fut équipée du différentiel Sensitork et des roulettes en 14", combinaison détonante qui avait le don de donner un coup de chaud au conducteur au premier virage venu. Avec les 430 et 222 E, ces deux problèmes furent corrigés par la présence de pneus plus larges, bienvenus sur les roues motrices arrière, et du nouveau différentiel à glissement limité Ranger. Satisfait par son rendement, Maserati le garda encore longtemps, y compris sur la 222 4v. La seule différence est son rapport de pont raccourci à 3.36. Moins « casse-gueule » que le Sensitork, il permet de compenser la tendance naturelle de la Biturbo au survirage par une facilité – relative – à être rattrapé. Reste un sous-virage encore trop présent, causé par une répartition des masses de 57/43 et un train avant légèrement paresseux. Le passage entre les deux extrémités de décrochage sont les moments les plus difficiles à gérer au volant de l’italienne et réclament un temps d’adaptation. Une fois le mode d’emploi en main, la conduite devient vraiment ludique.
Malheureusement, le point noir de la Biturbo n’était pas encore gommé. Il s’agit de l’absence de barre anti-roulis à l’arrière, pénalisant sérieusement les passages en courbe. Ajoutez à cela une hauteur de caisse extrêmement réduite et vous vous surprendrez à dire tout haut « Pu…. ça frotte ! ». Ce ne sont pas les (inutiles) suspensions pilotées Koni , apparues sur la 2.24v le 14 décembre 1988, qui auront réglé ce problème. Elles offrent au conducteur le choix entre quatre positions, le passage de l’une à l’autre ne réclamant que 300 ms. Délicate à la limite, la 222 4v n’en reste pas moins une voiture parfaitement utilisable au quotidien (tant que le prix du sans plomb n’est pas un problème…) sans que l’on risque sa vie à chaque route sinueuse. On pouvait craindre le pire avec les 430 Nm à digérer par le train de pneus arrière, monté en 16 pouces pour l’occasion, comme ce fut déjà le cas pour la Racing. Evidemment, je ne réponds plus de rien en cas d’accélération avec les roues braquées où vous risquez de finir autour du premier arbre venu… Le titre de l’essai du Sport Auto Allemagne de l’époque était sans équivoque : « der Wahnsinn » ou la folie dans la langue de Molière.
Si vous doutez encore que la 222 4v est vraiment différente des premières Biturbos, je vous invite à regarder l’essai de Top Gear de 1993. L’émission consacrait un long moment à Maserati, en allant de la Sebring à la 222 4v, en passant par les Mistral et Khamsin. Clarkson, qui avait dézingué, au propre comme au figuré, une Biturbo, change radicalement de discours sur la 4v. L’anglais oublie que la Biturbo avait pour rôle de sortir Maserati de ses problèmes financiers et était vendue à un prix attractif. La 222 4v n’a plus rien d’attractif puisqu’elle ne commençait pas à moins de 400.000 F, expliquant du même coup sa très faible diffusion. C’est d’ailleurs un reproche que l’on pourrait faire aux dernières Biturbos, s’être éloignées de la philosophie de leur aînée…
ACHETER UNE MASERATI 222 4V
Le 2.8 litres Maserati est un V6 bâtit sur un bon gros bloc en fonte. Robuste, son talon d’Achille est potentiellement la distribution, point à contrôler avec minutie. Il ne faut pas dépasser 40.000 km ou 4 ans, tandis que le remplacement de la pompe à eau est conseillé tous les 80.000 km. Sans cette dernière manipulation, comptez environ 1.000 € pour le changement de la courroie. C’est bien moins cher que ce qu’il vous en coûterait en cas de casse moteur... A l’instar de la Racing, les pièces spécifiques de la 222 4v sont introuvables. C’est le cas par exemple de l’échappement qui nécessitera d’être refait sur mesure. Dans les points à contrôler, on trouve les suspensions pilotées Koni qui vieillissent mal. Un autre élément à souffrir d’une usure assez rapide est l’embrayage, mis à mal par le couple élevé. Son remplacement coûte environ 1.000 €, main d’œuvre comprise.
A part cela et en dehors des habituels soucis électriques, la voiture se montre fiable. Qu’on se le dise ! Il y aurait trois ou quatre 222 4v en France. Il faut donc chasser les fausses 4v, souvent maquillées sur base de 222 SR. Le contrôle le plus facile est de vérifier que le moteur est bien le 24 soupapes. L’absence de roue de secours et les sièges en cuir intégral sont d’autres indices. Quoi qu’il en soit, seul le contrôle du numéro de châssis permettra de s’assurer de l’authenticité du modèle. Impossible de savoir combien il en reste en circulation sur les 130 construites mais il est certain qu’il y en a peu en Europe. Plusieurs ont fait le voyage jusqu’au Japon, les japonais étant très friands des Biturbos. Pour l’anecdote, c’est le pays où il y a le plus de Maserati Shamal ! La cote tend vers les 20.000 € pour un exemplaire parfait, les prix pouvant baisser selon l’état et le kilométrage de la voiture. Attention aux prix suisses auxquels vous devrez rajouter la TVA française…
LIVRE : Le guide de la Maserati bi-turbo (ETAI)
Nous devons cet ouvrage de référence à Fabien Foulon, passionné par la Biturbo - il en possède trois différentes ! Il lui a fallu plus de deux ans pour arriver à venir à bout de ce projet. Fabien a fait un travail fantastique sur ce livre de plus de 200 pages dont la lecture vous donnera énormément de plaisir. Il est également agrémenté de plus de 600 photos. Dans ce guide de 207 pages, vous trouverez tous les détails qui permettent de distinguer un modèle de Biturbo parmi d’autres. Moteurs, boîte de vitesses, carrosserie, habitacle. Les Biturbo sont passées à la loupe pour connaître toutes les différences et reconnaître un modèle à coup sûr après quelques vérifications et devenir expert des Biturbo !
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PRODUCTION MASERATI 222 4V : 130 exemplaires
CONCLUSION
:-) Moteur explosif Performances terribles ! Confort de limousine Intérieur Fiabilité correcte Collector ! |
:-( Conduite pointue à la limite Motricité… Prise de roulis Trop insonorisée Pièces spécifiques introuvables |
Dernière Biturbo au sens premier du terme, la Maserati 222 4v est une furie. Monstre de brutalité dans un cocon doré, elle saura donner la vie dure aux pilotes du dimanche manquant d’humilité. Sous ses airs tranquilles se cache une tueuse de Ferrari prête à en découdre avec tout ce qui roule. Une fois que vous en aurez trouvé une, vous comprendrez l’adage « l’essayer, c’est l’adopter »…
Nous remercions Fabien et Franck, membre du forum maseratitude, pour l’essai de leur très belle Maserati 222 4v.
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J'ai l'une des 222 4V qui était auparavant au Japon. Comme pour toutes les biturbos, le problème concerne l'approvisionnement de quelques pièces, mais rien d'insurmontable. Pour les amortisseurs, ils peuvent etre refaits (sauf le pilotage) par la Stac ou suspension Sport. Pour le moteur, c'est la même base que les autres. Du point de vue, plaisir, agrément, elle se place très haut sur l'échelle. Tout d'abord, le bruit du moteur et son envoutement à l'accélération. Ensuite, justement l'accélération, une sensation rare et pour avoir l'équivalent en voiture moderne, il faut du lourd... La vitesse sur autoroute allemande permet de vérifier que les annonces constructeurs sont respectées. Cela monte haut. La voiture est discrète et intrigante. Elle souffre comme toutes les Maserati d'une facheuse réputation. C'est à la fois très triste et injuste, et tout à fait profitable, car il y a moins de charge spéculative dessus et donc il est plus facile d'en acquérir une. Bien sur, il faut l'entretenir. Mais c'est un véhicule qui va atteindre les 30 ans, c'est normal d'entretenir un véhicule. Il y a au moins une dizaine de spécialistes qui peuvent assurer les réparations en cas de problèmes. L'entretien usuel n'est pas du tout insurmontable. Si vous ne pouvez le faire, n'importe quel garagiste, sait faire une vidange. La distribution n'est pas un calvaire. Et un site www.maseratitude.com rassemble un bon nombre de détenteur de maserati, surtout période DeTomaso et depuis bientot 10 ans, à peu près tous les problèmes ont été repérés, traités, échangés.