Automobile connectée, conducteur déconnecté
21/09/2015
Le gigantesque salon de Francfort conforte son statut incontournable en Europe et dans le monde, aux avant-postes de l'évolution automobile de demain. Les constructeurs présents à l'IAA 2015 ont tous mis en avant leurs travaux concernant la mobilité du futur et notamment la conduite autonome qu'on nous promet opérationnelle dès 2020...
Condamnée à vivre en avance sur son temps pour anticiper la demande future des clients, l'automobile est en train de nous imposer sa propre révolution à grande vitesse. Vitesse qui, au royaume des autoroutes libres, semble avoir été presque mise de côté sur cette édition.
Bien que les stands des constructeurs allemands se fassent toujours l'écho de la course à la puissance et de la performance, l'automobile semble de moins en moins se construire sur ces vieux symboles de liberté. L'intégration des applications et la connexion permanente confirme l'invasion de l'électronique et de l'informatique à bord pour prendre le pouvoir et, demain, remplacer un conducteur trop souvent défaillant dans sa tâche. Relier le domicile au bureau ne sera bientôt plus la corvée quotidienne d'un environnement hostile et dangereux pour des millions d'automobilistes... nous promet-on.
Pour celui qui aime conduire, comme a priori chacun d'entre vous lecteurs de ce site, cette projection ressemble à un cauchemar. Eradiquer de la conduite toute notion de plaisir liée aux sensations fournies par le biais d'une interface volant/pédales/levier de vitesses, serait certainement vécue comme une privation insoutenable. Mais pour tous ceux qui ne vivent déjà plus l'automobile que comme un moyen de transport, voire un outil, dont la seule et unique fonction et de relier un point A à un point B, parfois avec crainte et une incompétence à la conduite sous-jacente, cela pourrait ressembler à une vraie libération.
La marche de l'assistance à la conduite est belle et bien lancée et ne s'arrêtera pas en si bon chemin. Déjà, de nombreux modèles actuels offrent le régulateur de vitesse adaptatif, le maintien de file, le parking automatique, le freinage multi-collision et ce n'est qu'un début. En 2050, la majorité des conducteurs n'aura connu que l'automobile des contraintes : répression routière, vitesse en régression, réseaux urbains saturés, normes de pollution très strictes, stationnement problématique dans les métropoles, pour un coût d'utilisation/propriété en augmentation perpétuelle. Autant de motifs pour se désintéresser d'une automobile qui serait devenue obsolète et archaïque, comme c'est déjà le cas pour toute une nouvelle génération au Japon.
C'est ce qui pousse les conducteurs à anticiper, avec un marketing qui secoue la veille marotte de la sécurité. Faites conduire un robot, vous sauverez des vies. Selon le PDG de Audi, Rupert Stader, la voiture autonome serait « une chance unique de sauver 900 000 vies par an et d'éviter 36 millions de personnes blessées ». Un argument massue qui n'est sans doute pas tombé par hasard pour accueillir la chancelière Merkel de passage sur le stand Volkswagen. A Francfort, les constructeurs ont posé les bases d'un lobbying qui promet d'être actif pour faire bouger le législateur, dernier rempart à l'introduction du robot comme conducteur homologué par la loi.
D’ailleurs, aura-t-on encore besoin d'un permis dans le futur ? Pas si sûr, lorsque tout un chacun aura son moyen de transport individuel et autonome, seuls quelques drogués à l'adrénaline oseront dépenser une fortune pour s'adonner à ce vice d'un autre âge : conduire une automobile...
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